16.11.2021
Moustache tombante et guitare à la main, sa silhouette est l’une des plus célèbres du monde de la chanson en Allemagne. Dissident emblématique de l’ex-RDA, l’auteur-compositeur-interprète Wolf Biermann fête ses 85 ans. Portrait.
Il repart en tournée. Mais il ne se contentera pas de chanter. Wolf Biermann vient de publier un nouveau livre, « Mensch Gott ! ». L’athée qu’il est y confesse sa foi dans l’être humain. « J’ai été croyant toute ma vie », plaisante-t-il. Et avant toutes choses, un croyant en la démocratie et en la liberté. L’auteur-compositeur-interprète-poète incarne comme personne la critique de la dictature de la RDA. Une « grande gueule » comme on dit. Provoc. Sensible. Insatiable, même à 85 ans. Wolf Biermann a fêté lundi son anniversaire.
Coup de tonnerre
Pour beaucoup, son nom rappelle surtout une date qui avait fait la Une des journaux. Le 16 novembre 1976, au lendemain de ses 40 ans, les dirigeants de la RDA ont signifié au chanteur qu’il n’était pas autorisé à rentrer à Berlin-Est après un concert à Cologne. Contre tout principe juridique ou norme internationale, il perdait sa nationalité est-allemande. Un coup de tonnerre. Plus d’une centaine d’artistes et d’intellectuels se sont levés pour le défendre. Chanteur dérangeant, Wolf Biermann était devenu un symbole.
La vie de ce rebelle né a commencé à Hambourg en 1936. Fils d’ouvriers communistes, Wolf Biermann a perdu son père, juif et résistant déporté à Auschwitz, en 1943. En 1953, peu après la mort de Staline et avant l’insurrection du 17 juin 1953 en RDA, il déménage à Berlin-Est. Il devient immédiatement citoyen de la RDA et entame des études d’économie, puis de philosophie et de mathématiques à l’université Humboldt de Berlin. De 1957 à 1959, il est metteur en scène assistant au Berliner Ensemble, célèbre théâtre fondé par Bertolt Brecht. Il y est fortement marqué par la personnalité du compositeur Hanns Eisler, son mentor.
Dissident
Il compose ses premiers poèmes et ses premières chansons en 1960. Le mur de Berlin est construit l’année suivante. Dès l’automne 1964, Wolf Biermann est autorisé à donner des concerts à l’Ouest. Selon son site internet, les autorités est-allemandes auraient déjà espéré le voir rester de l’autre côté du Mur…
Critique radical du régime est-allemand, il reste à l’Est. Et persévère. À partir de novembre 1965, il se voit interdire toute scène et toute publication. Dès lors, ses chansons et ses poèmes circulent plus que jamais en RDA, sous le manteau, sous la forme de transcriptions manuscrites et de copie audio. On se souvient des plus célèbres : « Ermutigung » ou « Warte nicht auf bessere Zeiten ». Il vit sous surveillance 24 h sur 24 pendant onze ans. Il est l’un des critiques les plus virulents du régime. La répression du Printemps de Prague, en 1968, l’aiguillonne encore davantage.
Après sa dénaturalisation, Wolf Biermann découvre l’Allemagne de l’Ouest. Ce fut une période difficile. De son propre aveu, il a frôlé la dépression. Mais en novembre 1989, le mur de Berlin tombe. Beaucoup voient dans son expulsion de 1976 le premier coup de massue qui y a mené en révélant la fragilité du régime.
Archives
Depuis, Wolf Biermann ne s’est pas arrêté. Ses chansons à la langue simple, mais ciselée et imagée, portées par un rythme sensible, demeurent des incontournables. En 2016, ce père de dix enfants a fait don de ses carnets et archives personnelles à la Bibliothèque nationale de Berlin. L’institution a hérité d’une centaine de cartons remplis de manuscrits, partitions, lettres, photos, affiches, recueils critiques, archives sonores, archives cinématographiques et autres documents historiques sur les partis de gauche de l’Est et de l’Ouest.
A.L.