Le 6 septembre 2023
La persévérance paie! Aujourd’hui, une étape cruciale a été franchie : suite à une plainte que nous avions déposée en 2019, le tribunal judiciaire de Châteauroux vient de condamner l’entreprise Pierre ROBERT pour délit de mise sur le marché illégale de bois importé. L’entreprise est condamnée à 20 000 euros d’amende et à la publication du jugement dans les journaux Le Monde et La Nouvelle République. C’est la première fois qu’une entreprise est condamnée en France pour ce type de délit. À l’heure où la déforestation fait rage, où le climat s’emballe et où de nombreuses espèces disparaissent, cette décision de justice contre des entreprises qui contribuent à saccager les forêts semble couler de source. Pourtant, il n’en est rien. Ce jugement est l’aboutissement d’un travail de longue haleine ! Découvrez les coulisses de la campagne de Greenpeace qui a permis, aujourd’hui d’obtenir ce résultat.
Le gouvernement n’agit pas ? Greenpeace, si !
Depuis le début des années 2000, Greenpeace fait campagne dans le but d’obtenir un règlement européen pour interdire la mise sur le marché illégale de bois. En effet, l’Union européenne et la France en particulier sont l’une des principales portes d’entrée du bois prélevé illégalement dans les forêts tropicales, principalement au Brésil.
Qu’est-ce que le « bois illégal » ? C’est un bois issu de diverses pratiques frauduleuses : coupe sans autorisation, prélèvement d’espèces rares et protégées, dépassement des quotas autorisés, production de faux documents pour « blanchir » ce bois et échapper à la fiscalité… Cette exploitation forestière illégale engendre de la déforestation mais aussi une criminalité parfois violente, du travail forcé et des atteintes aux droits des peuples autochtones. En savoir plus
En 2010, l’Union européenne se dote enfin d’un règlement visant à écarter du marché communautaire le bois et les produits dérivés issus d’une récolte illégale. Ce règlement oblige les entreprises à vérifier la provenance et la légalité du bois qu’elles importent. Malgré l’entrée en vigueur du règlement en mars 2013, nous continuons de signaler de nombreux chargements de bois importés jugés illégaux.
En mars 2015, nous menons une action devant le ministère de l’Écologie pour dénoncer l’inaction des autorités, qui admettent avoir pris du « retard » dans l’application du règlement européen.
Nous décidons alors de montrer la voie à suivre au gouvernement en procédant nous-même à des vérifications dans les ports d’importation ! Nous créons à cet effet la “Brigade de vérification du bois”, qui mène plusieurs contrôles inopinés dans différents ports européens et bloque l’arrivée de cargaisons douteuses.
Des rapports d’enquête à l’appui de nos revendications
Nous traquons aussi le bois illégal à sa source. En mai 2014, Greenpeace Brésil publie un premier rapport d’investigation, intitulé La crise silencieuse de l’Amazonie, dans lequel elle expose les principaux mécanismes de “blanchiment” du bois illégal, les dégâts causés sur place par ces pratiques et les principales routes d’exportation de ce bois. Quelques mois plus tard, un deuxième rapport est publié, fruit d’une enquête de terrain périlleuse : pour remonter la piste du bois illégal, Greenpeace a dissimulé des traceurs GPS sur les camions qui font sortir clandestinement des grumes de la forêt amazonienne.
En 2017, une nouvelle étude de Greenpeace Brésil décrit le coût humain du pillage des forêts, les violences et les meurtres dont sont victimes les populations locales. En 2018, un troisième volet d’enquête est publié, se concentrant sur le trafic d’un bois rare, l’ipé, et épinglant plusieurs entreprises européennes, notamment françaises. Enfin, en 2019, nous portons plainte contre deux importateurs français qui ont fait preuve de graves négligences dans leurs chaînes d’approvisionnement de bois depuis une zone confrontée à la déforestation illégale, au Brésil.
La fin de l’impunité pour les entreprises peu scrupuleuses
Bien entendu, tout ce travail n’est que la partie émergée de l’iceberg : rien n’aurait été possible sans les heures passées en rendez-vous avec les représentant·es des gouvernements de différents pays, le plaidoyer auprès des autorités, la collaboration avec des avocats, des professionnels du droit, des spécialistes en sylviculture et en chaîne d’approvisionnement, des organismes de protection de l’environnement (notamment l’Ibama, au Brésil), et surtout sans la mobilisation de nos militants et militantes et des personnes qui, comme vous, nous ont apporté leur soutien d’une façon ou d’une autre. Certes, il reste encore beaucoup à faire pour préserver les forêts et le climat. Cette victoire remportée aujourd’hui nous donne le courage nécessaire de continuer à lutter pour en obtenir beaucoup d’autres !
Cette décision de justice marque la fin de l’impunité pour les entreprises qui importent du bois et des produits dérivés. De plus, leurs obligations devraient être renforcées par le futur règlement sur la déforestation. Prochaine étape : une autre décision de justice doit être rendue le 11 septembre prochain par le tribunal de Rennes concernant ISB FRANCE, leader français de l’importation de bois, contre laquelle nous avons aussi porté plainte pour mise sur le marché illégale de bois importé. À suivre…
Crédit photo © Pierre Baelen / Greenpeace