Plusieurs associations de défense des mineurs isolés étrangers ont manifesté ce lundi midi place Gambetta en soutien à une quarantaine d’adolescents dont l’hébergement à l’hôtel, financé par le Département de la Gironde, prenait fin. Ces jeunes ont déposé un recours auprès du juge des enfants afin de faire reconnaître leur minorité et leur droit à la prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Une centaine de MNA attendent le verdict.
« Mineurs sans abri et sans famille » : ce lundi midi près de la place Gambetta, plusieurs collectifs arborent des banderoles et pancartes en soutien à la quarantaine de jeunes qui bénéficiaient jusqu’ici d’une mise à l’abri en hôtel par le Département de la Gironde.
N’ayant pas été reconnus mineurs à l’issue de l’évaluation faite par les services du conseil départemental, ces jeunes attendent la décision de leurs recours auprès du juge des Enfants. Pendant ce temps, ils ne bénéficient plus d’aucun suivi matériel, social et éducatif de la part de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
« Nous étions hébergés à l’hôtel, raconte l’un des jeunes présents au rassemblement ce midi. Mais à partir de ce soir nous devrons partir. On va nous répartir dans des hébergements gérés par des associations mais je ne sais pas encore lesquels. Je suis arrivé en France et j’ai enchaîné différents hôtels, c’était le troisième, j’y étais depuis février. »
Zone grise
Contacté, le Département explique que face à cette situation, et à un nombre de places libres exceptionnellement supérieur en raison de la crise sanitaire, celui-ci a décidé de prolonger l’accueil d’urgence des 36 jeunes qui quittent aujourd’hui leur hôtel, dans des foyers de l’ASE, bien que, souligne-t-il, cela ne relève plus de sa compétence. Il n’a cependant pas précisé pour quelle durée.
Plusieurs associations dont Médecins du Monde, l’ASTI ou encore RESF présents ce lundi, dénoncent une nouvelle fois un vide juridique quant à la prise en charge de ces jeunes en recours. Une zone grise qui les prive d’accompagnement socio-éducatif.
« Faire reconnaître qu’un jeune est mineur est un parcours du combattant, souvent ils n’ont pas de papiers, on doit donc faire des demandes auprès des pays d’origine pour obtenir les originaux, cela peut prendre du temps. Souvent, ces adolescents n’ont pas de famille et c’est compliqué de retracer leur parcours », explique Aude Saldana-Cazenave, représentante de Médecins du Monde Aquitaine.
Une centaine de jeunes en recours en Gironde
En plus de la quarantaine de jeunes dont la situation se voit altérée aujourd’hui, les associations rappellent qu’environ 100 mineurs également en recours sont actuellement sans domicile fixe en Gironde, hébergés dans des familles d’accueil ou en squat, et devraient pouvoir bénéficier d’une prise en charge, à l’image de la trentaine de jeunes hébergés au Kabako.
Pourtant, selon les associations du collectif Mineurs Isolés Etrangers 33 (MIE) et le collectif du Kabako, en moyenne « 80% des jeunes qui font un recours auprès du tribunal sont finalement reconnus mineurs ». Depuis juillet 2020, ce sont ainsi une soixantaine de jeunes hébergés au Kabako qui a été prise en charge par l’ASE à la suite d’un recours. Un jeune congolais originaire de Kinshasa, résident du Kabako, était également venu en soutien :
« J’ai moi aussi fait un recours et suis en attente d’une décision du juge des Enfants. Je suis hébergé par le Kabako, sinon je serai à la rue. C’est l’association Le Tremplin qui me donne les cours de français et de mathématiques car je ne suis pas scolarisé. J’ai un projet : j’aimerais devenir assistant social plus tard. »
L’association Le Tremplin, qui offre un appui scolaire aux jeunes sans-papiers, dénonce un non-respect des conventions internationales de protection de l’enfance de la part de l’Etat et les collectivités, discriminant les enfants en situation irrégulière en les empêchant le maintien de la continuité scolaire. Les organisateurs dénoncent ainsi « la mise à la rue de centaines de mineurs chaque année » et demandent « une présomption de minorité ».
« S’il n’y avait pas les associations, ces jeunes seraient laissés à eux-mêmes, ne pourraient pas se loger et se nourrir. C’est comme cela qu’ils deviennent dépendant des réseaux de traite », déplore Aude Saldana-Cazenave.
Le sort du Kabako toujours incertain
Si le groupe concerné par la fin de leur accueil en hôtel a exceptionnellement été pris en charge, les associations s’inquiètent de situations similaires dans le futur. Le sort du Kabako est toujours incertain : expulsable à partir de fin juillet, ses résidents ne savent toujours pas « quand ni dans quelles conditions aura lieu l’expulsion », explique l’un des référents.
« Mais la question ne se limite pas au squat, nous sommes conscients que ce n’est qu’une solution d’urgence et militons pour un hébergement pérenne des jeunes. Le Département et la Mairie qui s’y sont engagés doivent répondre à la situation ».
Pour rappel, le 23 février dernier, le conseil municipal de Bordeaux adoptait une motion s’engageant à travailler avec le Département et la Préfecture pour la prise en charge des jeunes en recours. Les suites demeurent cependant inconnues. Contactée, la Mairie de Bordeaux n’a pas encore donné suite à nos sollicitations.