Jeudi 12 Mars 1998, il plaide contre Papon au nom de la Ligue des Droits de l’Homme, qu’il représente avec Francis Jacob. Nous avions participé ensemble avec Gérard Boulanger au colloque international ” en finir avec le crime de l’Humanité “. Adieu l’ami…
Extrait de sa plaidoirie, la première pendant laquelle Papon perd son contrôle : “(…) Ce furent des temps où il fallait délaisser les nuances et vous avez choisi de nuancer votre complicité. Vous êtes resté le même, en 1942, à Bordeaux ; en 1956, à Constantine (Algérie); en 1961, à Paris. Ce furent des temps où il fallait haïr et vous n’avez été qu’indifférent. Ce furent des temps où il fallait rompre et vous avez… »
Papon : « Vous faites de la démagogie. »
Maître Tubiana : « Vous êtes complice de l’oubli et du mépris des droits de l’homme et vous avez oublié ce qu’est un Juif. »
Papon : « Vous mentez »
Le président Castagnède s’interpose,
Papon : « Il me parle, je réponds ! »
Le président : « Vous aurez le temps de lui répondre, laissez terminer la plaidoirie. »
Papon : « Il y a des choses qui dépassent l’audible. »
Maître Tubiana : « Quelque chose l’a touché. Il vient peut-être d’exprimer que quelque chose a pénétré dans lui de sa responsabilité. Je disais, que vous avez oublié qu’un Juif est un homme. »
Papon : « Vous êtes un calomniateur, il y a des choses qui ne sont pas audibles. Laissez-moi me retirer dans mon salon ! »
Le président Castagnède : « Papon, ce n’est pas vous qui partirez, c’est moi qui vous ferai évacuer… »
Varaut intervient, pose sa main sur celle de Papon, le calme ou essaye…
Papon se rassoit, mais comme le dirait Klarsfeld, il boude…
Maître Tubiana a obtenu la preuve de ses affirmations. Papon, qui
l’interrompt n’a apparemment pas compris ce qu’il faisait ici.
Maître Tubiana continue : « Nous ne venons pas demander vengeance. Simplement justice. Vous condamnerez Papon. C’est bien le même homme, le même dédain, le même mépris, le même cynisme. Aujourd’hui dans le box, comme hier dans la cour de la préfecture de police de Paris quelques heures avant le massacre
des Algériens; comme avant hier, le 26 octobre 1942, quand il allait déjeuner chez le préfet, son patron et son ami, tandis que les Juifs étaient embarqués pour la mort. “Michel Tubiana termine avec la tirade de Shylok, de Shakespeare, dans le Marchand de Venise.” Un Juif n’a-t-il pas d’yeux ? … Et oui monsieur Papon, un Juif est un homme, comme étaient des hommes tous ceux qui ont payé de leur vie de s’être révolté contre un régime que vous avez servi sans états d’âme et sans remords, ce dont nous venons vous demander réparation. “