Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie, revenant sur les photos qu’il a prises à l’armée de documents qui ont été transmis et publiés par Pierre Vidal-Naquet, demande l’ouverture réelle des archives. Dont les notes de service officielles de Massu et de Salan qu’il n’a pas eu le temps de photographier, ordonnant explicitement de pratiquer la torture et d’assassiner les prisonniers.
En complément des entretiens qu’il a donnés à L’OBS et au Monde M le magazine, Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie de mai 1960 à août 1961, revient sur sa décision d’enfreindre la discipline de l’armée française et d’apporter un témoignage pour l’histoire en prenant en photo des documents militaires, estampillés « confidentiel », « secret » et « très secret », qu’il a transmis à l’historien Pierre Vidal-Naquet et qui ont été publiés par lui.
Il décrit aussi deux documents qu’il n’a pas eu le temps de photographier, il se demande s’ils ont bien été conservés dans les archives militaires et si, conformément à loi qui régit les archives en France, les historiennes et les historiens qui travaillent sur la torture pratiquée par l’armée française durant la guerre d’Algérie ont pu les consulter.
Il demande plus largement qu’au-delà des annonces officielles sur l’ouverture des archives qui sont partielles et pas toujours suivies d’effet, l’accès aux archives militaires françaises sur cette période soit effectivement ouvert. Il faut aussi que les nombreux documents conservés par des militaires français de cette époque et qui se trouvent dans différents fonds privés soient remis aux Archives nationales, et que ceux qui sont encore vivants se voient déliés de la « consigne de silence » qui a été imposée par l’armée à la suite de ce conflit ; et qu’ils soient invités au contraire par les plus hautes autorités de la République à apporter leur témoignage pour l’histoire.
Alors que vont intervenir les commémorations de la fin de la guerre d’Algérie, la demande formulée par l’ancien appelé Jacques Inrep doit être entendue au plus haut sommet de l’Etat.
François Gèze, Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio
Ouverture des archives ? Chiche !
par Jacques Inrep
Tout a commencé par une simple bagarre de gosses à la sortie de l’école primaire. Né en 1939, j’ai dû intégrer l’école laïque de mon petit village normand en 1944. Nous étions très nombreux et tous réunis dans une classe unique. Du CP aux grands du certif. J’étais, parait-il, doué pour les études. Hélas, une primo-infection pulmonaire me tint éloigné de l’école pendant un an. Lorsque je réintégrais la classe de mademoiselle Fournier, mon groupe, trois filles et sept garçons, commençait les apprentissages du CE2. L’institutrice décida que j’étais capable de sauter une classe. Pendant mon absence, deux garçons avaient pris le leadership du groupe. Mon retour les contraria. De l’étalage de nos connaissances à l’intérieur de la classe, le conflit se déplaça sur la place du village.
La scène fondatrice
Sincèrement, je pense avoir été à l’origine de la bagarre en traitant ces fils de paysans de « culs terreux ». S’ensuivit un échange de coups, d’orions et de diverses insultes. Puis un grand de 14 ans renforça le groupe de mes adversaires. A trois contre un, j’étais submergé. Un des protagonistes me traita de « Fils de rouge ! ». — « Non, mon père, il n’est pas rouge ! ». Un autre grand de 14 ans vint à mon secours et nous sépara. Je rejoignis la maison familiale en piteux état. Un œil au beurre noir. Un short déchiré. Une chemise en lambeaux. Pour me dédouaner des affres de cette rixe, à travers mes larmes, je tentais d’expliquer que j’avais défendu l’honneur de mon père, car ces deux petits merdeux l’avaient traité de « rouge ». Je vis alors mon paternel sourire. Avec tendresse, il m’expliqua que j’avais eu raison de le défendre, mais que ces deux morpions avaient raison, car il était « rouge » parce que communiste. Le rouge de la Révolution de 1789, le rouge de celle de 1917. Et il conclut par cette phrase sublime : « Les hommes naissent libres et égaux, et ils le demeurent quelles que soient leur race, leur religion ou leur philosophie ».
Cette phrase, dite avec tendresse et solennité, restera, à tout jamais, inscrite au plus profond de moi-même. Aujourd’hui, avec mon vocabulaire de psychanalyste, je pense qu’elle est de l’ordre d’une scène fondatrice.
La guerre d’Algérie
Quinze années avaient passé. Malgré des dispositions, j’avais décroché de l’école républicaine en troisième. J’avais intégré une administration avec pour tout bagage scolaire mon certificat d’études primaires. Malgré tout, j’allais me pourvoir d’une culture d’autodidacte, en lisant Balzac, Zola, Jean-Paul Sartre et Paul Nizan. Sans compter de nombreux auteurs anglo-saxons. Avec mon frère cadet, Michel, et mon père, nous étions fans de sport. Louison Bobet, Jacques Anquetil, Poupou… et Charly Gaul, le coureur cycliste aux semelles de vent. Michel Jazzy était notre idole. Mais nous ne nous contentions pas d’admirer ces vedettes, moi et mon frère, nous obtînmes quelques résultats en cyclisme ou en athlétisme. Notre adolescence fut aussi la période d’apprentissage de la citoyenneté. Aux repas, nous écoutions la radio et notre paternel y associait parfois ses commentaires sur l’actualité en enchainant quelques phrases sur le Front populaire, la guerre d’Espagne ou la Révolution bolchevique. En ces temps d’adolescence, mes liens de fraternité allaient se consolider avec Michel. A travers notre amour du sport, mais aussi également à travers la littérature, le jazz… et bien sûr, la drague des jeunes filles en robe Vichy !
Formé par l’école laïque à la critique des situations sociale et politique, j’avais lu nombre de journaux, de France-Soir à Témoignage Chrétien, ainsi que la revue Les Temps modernes. Ma conviction fut vite faite. La cause des Algériens luttant pour leur indépendance était juste. Je n’avais pas du tout envie d’aller les combattre. Seul hic, j’étais Français, et le service militaire obligatoire m’attendait.
Fort timide par nature, je n’eus pas le courage d’être insoumis. Ne sachant que faire, je demandais conseil à un ami de mon père, lui toujours encarté au PCF. Il me conseilla d’y aller, en Algérie, ce qui était la ligne du Parti. En 1959, la rage au cœur, je me présentais aux trois jours d’incorporation à Guingamp et naïvement j’effectuais les tests demandés. Résultat : je fus reçu par un civil, un psychologue, qui me donna un chiffre correspondant à mon QI, tout en m’annonçant que j’aurais dû passer le bac, et entrer à l’université. Je ne compris rien à ce discours.
A mon insu, l’armée avait déjà des projets pour moi. A Toul, lors de mes classes, je fus dirigé vers le peloton des futurs officiers ou sous-officiers. Au bout de deux mois, je refusais cet honneur en revendiquant le droit de rester deuxième classe. Grosse colère du capitaine et résultat immédiat : je fus viré du premier peloton et éjecté vers le septième dit « celui des brêles ». Première corvée. Première bagarre avec un sergent. Première semaine de prison. Ensuite les mois de taule vont s’enchainer. Les gradés vont me construire une image de « forte tête ». Après une nouvelle bagarre avec un capitaine, je vais être muté en mai 1960, en Algérie, dans les Aurès, là où avait commencé la guerre d’indépendance.
Fin avril 1960, avant mon départ pour l’Algérie, je vais passer quelques jours de perm à Alençon. Mes parents sont effondrés. J’eus une longue conversation avec mon frère, Michel. J’envisageais une issue fatale. Je luis demandais de conserver mes lettres et au cas où un malheur m’arriverait, de les adresser aux Temps modernes. J’ajoutais que si je trouvais des indices de la dérive fasciste de l’armée, je lui ferais parvenir ces preuves et nous convînmes d’un endroit dans la maison où il pourrait les planquer. Il y avait presque préméditation, mais ce n’était qu’une vague idée. J’ignorais alors que j’allais tomber, par hasard, quelques mois plus tard, sur des documents secrets.
Arrivé à Batna, ma réputation m’avait précédé. De nouveau des bagarres et des insultes adressées à mes supérieurs, etc. De nouveau, prison, mais grande nouveauté : un séjour dans un bagne militaire semi clandestin. J’écrivais régulièrement à mes parents, tout en leur cachant mes ennuis divers, ainsi que ma détresse, tant physique que psychologique. Il n’y a qu’à Michel que je racontais les horreurs de la guerre, et ma solitude liée à mon parcours de soldat rebelle. A part un ou deux, les appelés obéissaient aux ordres reçus, parfois en rechignant.
Les lettres que m’écrivait mon frère m’ont été d’un grand secours. Il me racontait ses perfs en demi-fond, une émission de « jazz dans la nuit », un livre qu’il lisait, une fille rencontrée au bal, les potins des étudiants de l’Ecole normale d’Alençon. C’étaient quelques éclairs de vie qui me parvenaient alors que j’étais quotidiennement confronté à la mort. Si je n’ai pas sombré dans la peur et la dépression, c’est en grande partie grâce aux lettres de mon frère. Sans compter, dans une moindre mesure, ma passion pour la littérature, qui m’aidait à me laver la tête de toutes ces horreurs vécues chaque jour.
Dés mon arrivée à Batna, j’ai compris rapidement que je m’étais trompé lourdement. Avant de partir, j’avais cru que ces histoires de torture ne pouvaient être le fait que de sadiques. Le constat était effrayant, l’armée française torturait à tour de bras. Il s’agissait d’un système institutionnalisé. Il y avait des unités spécialisées : DOP et CRA. Des locaux, du matériel, des tortionnaires enfin.
Bien sûr, il est évident que tous les militaires de carrière, que tous les appelés, n’ont pas été des tortionnaires, ce serait injuste de l’écrire. Certains ont même combattu cette ignominie. Mais le « tribunal » des historien/nes est implacable : la torture était au centre de la sale guerre coloniale.
Dès les premières semaines de ma présence dans les Aurès, j’avais trouvé une « preuve », je pense qu’il s’agissait d’un tract du FAF (Front Algérie française), ancêtre de l’OAS. Je l’avais envoyé à Michel et une de mes lettres adressées à mon frère y fait référence à mots couverts. J’ai déposé ces lettres aux Archives départementales de l’Orne.
Les photographies
Mes quinze mois passés à Batna furent une suite de mutations diverses. J’étais la patate chaude que se refilaient les gradés. L’un d’eux eut cette réflexion : « Inrep, vous êtes un poids mort pour l’armée ». Sic ! Ayant refusé de devenir gradé, l’armée ne sut que faire d’un ostrogoth de mon espèce. Elle m’avait fait faire un stage de secrétariat à Mourmelon. Dans les Aurès, j’avais complètement oublié ce détail. Fin 1960, l’armée s’en souvint et c’est ainsi que je me retrouvais muté au bureau du quartier urbain de Batna, comme secrétaire. Ma trajectoire de soldat au cours de mes 28 mois d’armée fut une suite de hasards successifs. Ainsi de ce refus de devenir gradé et de ce stage de secrétariat. Un colonel de la Légion étrangère (2° REC) vint prendre le commandement de notre petite unité. Curieusement, il me demanda de devenir son secrétaire particulier, alors qu’une bonne dizaine d’appelés étaient susceptibles de tenir ce poste. Il me tint un drôle de discours en me recevant, mon livret militaire à la main : « Je ne tiens jamais compte des écrits des autres ».
Le travail journalier ne se modifia guère, si ce n’est que trois tampons apparurent sur son bureau : « confidentiel », « secret », « très secret ». Autre curiosité, il installa son bureau dans un baraquement situé à environ trois cents mètres des locaux du Quartier urbain de Batna. Conséquence : j’y habitais seul vingt quatre heures sur vingt quatre. Peut-être était-ce pour me tenir éloigné de mes petits camarades et de m’empêcher d’avoir sur eux une influence néfaste. Mon travail consistait à taper à la machine des notes de service, à répondre au téléphone, un standard me reliant à toutes les unités de Batna. Parfois la nuit, je restais éveillé près du poste radio PCR-10, pour suivre en temps réel les unités postées en embuscades.
C’est notamment par une circulaire de Pierre Messmer, ministre des Armés, du 18 juillet 1960, que j’ai pris connaissance des horreurs qui se tramaient en Algérie (n° 015682 MA/CC), en tapant la note de service n° 2273SB/2 diffusée le 11 avril 1961 dans le Secteur de Batna. Dans cette note, le ministre des Armées demandait qu’on cesse d’abattre des maquisards prisonniers. Or, cette note datant du 18 juillet 1960 n’a été transmise par le Secteur de Batna où se trouvait mon unité que neuf mois plus tard, et je constatait qu’au-delà du 11 avril 1961 on continuait à pratiquer les crimes de guerre prescrits par les généraux Massu et Salan en ne tenant pas compte de ce que disait la note de Messmer.
J’ai compris instantanément l’importance de cette note de service. En même temps, c’était comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Cette patrie que j’aimais tant, celle des Droits de l’homme, se comportait comme une vulgaire chienne fasciste. La conséquence fut que je pris conscience du caractère institutionnel de la torture.
Lors de l’absence du colonel, je restais seul dans le baraquement ; je me mis à rechercher frénétiquement dans les dizaines de classeurs rangés sur des étagères. Rapidement, j’y découvris un nombre important de notes de service estampillées : « confidentiel », « secret », « très secret » ; toutes traitant soit de la torture, soit de la corvée de bois. J’étais effondré. Ma décision fut difficile à prendre. Se taire ? Voler ces notes de service ? Devenir un traître ? Mais aussi : devenir un témoin de l’histoire ? C’est certainement l’échec du putsch des généraux qui fit pencher la balance en faveur d’un témoignage.
Je décidais de subtiliser d’une façon ou d’une autre ces notes de service. Nous étions au bord de la guerre civile. Après le 13 mai 1958, la semaine des barricades, le putsch des généraux et les débuts sanglants de l’OAS. En fait, ce qui me décida, c’est que, si je ne le faisais pas, personne d’autre ne le ferait et le souvenir de toutes ces saloperies passerait à la trappe de l’histoire.
Mais comment procéder ? Il y avait plusieurs solutions éventuelles. Recopier à la main tous ces documents ? Beaucoup trop long, et surtout cela demandait la nécessité d’être seul dans le baraquement. Dérober toutes ces feuilles volantes ? Très risqué, le colonel pouvait s’apercevoir de la disparition des documents. Photographier ceux-ci ? C’est finalement cette troisième option qui obtint ma faveur.
Je fis un essai avec mon Semflex. Aîe ! Son format carré ne convenait pas. En discutant avec un appelé du QG voisin, fana de photographie, sans rien lui dire de mes intentions, celui-ci me conseilla d’acheter un 24×36. Le Bled, le journal des bidasses, proposait dans une publicité l’achat d’un Foca Sport. Hic ! Je n’avais pas l’argent nécessaire. Je fis appel à la générosité de mes parents. Difficile de leur expliquer dans une lettre mes intentions. Finalement un chèque arriva et l’appareil photo me parvint quelques semaines plus tard.
Je décidais de procéder avec méthode. Je me fis une liste de toutes les notes de service à photographier et de leur place dans les différents classeurs et je fis le choix d’opérer un dimanche, le colonel ne venant jamais ce jour-là à son bureau.
Le dimanche 31 juillet 1961, après avoir déjeuné avec mes camarades du secteur du quartier urbain de Batna, je les quittais et rejoignis le baraquement où je m’enfermais à double tour. Il faisait lourd et humide. L’orage n’était pas loin. En short, j’ôtais ma chemise et pieds nus j’entrepris d’ouvrir le premier classeur. Mais, comme je l’ai expliqué lors d’une émission de France-Culture, je fis le mauvais choix. Il y avait deux possibilités : partir des documents du niveau du régiment pour remonter ensuite à travers la Division de Constantine jusqu’au Commandant en chef des forces armées basé à Alger ; ou bien partir du QG d’Alger et redescendre ensuite à travers les unités de la Division de Constantine jusqu’aux régiments. Hélas pour les historien/nes, j’optais pour la première solution.
Stressé par ma tâche… — le vol de documents secrets à l’époque équivalait à dix ans de forteresse ou douze balles dans la peau ! —, je procédais méthodiquement en essayant de photographier les notes de service qui me semblaient les plus significatives. La première pellicule terminée, je venais de photographier avec la seconde, une note de service, estampillée « secret », du général Massu (19 mars 1957)… je n’avais plus que deux documents à photographier, lorsqu’on toqua à la porte. Merde ! Le colonel !
Affolé, sur la pointe des pieds, je remis le classeur à sa place, puis comme si je revenais de ma chambre, j’ouvris la porte tout en bâillant : « Excusez-moi, mon colonel, j’étais en train de faire la sieste ». Le légionnaire tourna dans le baraquement, ouvrit les tiroirs de son bureau, consulta quelques dossiers, décrocha le téléphone, me demanda de lui apporter le compte rendu de la dernière nuit, remarqua mon Foca posé sur mon bureau, ne me posa aucune question, et finalement rejoignit son domicile. Malgré ma peur, j’arrivais à rester calme, cependant je n’eus pas le courage de retourner chercher le classeur où figuraient ces deux fameuses notes de service. Je m’attendais à ce que la Sécurité militaire vienne m’arrêter à tout moment. Finalement, rien ne vint.
Il me restait deux ou trois photos sur ma seconde pellicule. Je finis celle-ci à l’occasion de la découverte inattendue du site de Timgad. C’est un capitaine de chasseurs alpins qui nous y avait entrainés. Lors de la visite de ce site de ruines romaines, il nous demanda de réfléchir sur l’inanité des empires. Merci monsieur.
La transmission à Pierre Vidal-Naquet
La suite est plus connue ; à mon retour en France, je rencontrais Gilles Martinet, co-fondateur de France Observateur. Je lui remis les deux pellicules. Celles-ci furent développées par un photographe de l’Humanité, et Pierre Vidal-Naquet publia en 1963 La raison d’état [2] où une grande partie des documents secrets que j’avais photographiés figurent.
C’est par l’intermédiaire d’Edouard Depreux, responsable du PSU, que je pus rencontrer Pierre en 1963. Immédiatement, le courant passa entre nous. Je découvris un homme chaleureux, d’une grande rigueur scientifique. Avec lui, en le notant sur mon édition de La raison d’état de 1963, j’ai coché les documents qu’il a reproduits dans ce livre et dont il avait eu connaissance par mes photographies. En tout neuf documents parmi les vingt-deux que Pierre Vidal-Naquet a reproduits dans son livre [3].
J’eus une relation de compagnonnage intellectuel avec lui. Ainsi, en 1978, je fus très fier de lui offrir un exemplaire de mon mémoire de DESS de psychologie clinique, qui traitait de la torture.
Ensuite, et encore aujourd’hui, je fus de toutes les luttes syndicales, politiques, et sociétales. Dans ce parcours militant, j’adhérais à la LDH voilà quelques décennies. Je fus même responsable de la fédération du Gard plusieurs années. Je suis membre de l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs ami(e)s contre la guerre (4acg).
Pour conclure, voici les deux notes de service qui sont restées gravées dans ma mémoire, que je n’ai pas eu le temps de photographier :
– du général Massu, document tamponné « secret » mais largement diffusé dans l’armée où il expliquait les différentes techniques à employer lors d’« interrogatoires poussés » : a) pressions psychologiques et menaces ; b) coups de poing ou de pieds ; c) utilisation de la « gégène » ou du courant 110 volts ; d) baignoire ou seau.
– du général Salan, alors qu’il était commandant en chef en Algérie. Elle comporte une phrase toute simple : « J’ordonne, que lors d’opérations, soient neutralisés sur place, tous les PAM ». Traduction de ce langage militaire : « j’ordonne de tuer sur place tous hommes pris les armes à la main ». En quelque sorte, il s’agit d’une directive ordonnant et autorisant la « corvée de bois ».
Ces notes de service ont continué à être appliquées dans le Secteur de Batna que j’ai quitté en août 1961, avec tout ce qu’elles impliquaient comme crimes de guerre.
Alors chiche, je mets au défi quiconque, historien-nes, responsables de nos institutions ou simples citoyens, de retrouver
dans les archives militaires françaises ces deux notes de service et de les rendre publiques.
C’est un impératif pour l’histoire de notre pays, pour la défense et le respect de nos valeurs républicaines.
[1] Voir les recours qui ont dû être déposés au Conseil d’Etat pour obtenir la décision importante de sa part du 2 juillet 2022, CF Catherine Teitgen-Colly, Gilles Manceron et Pierre Mansat, Les disparus de la guerre d’Algérie suivi de La bataille des archives (2018-2021), L’Harmattan, 2021.
[2] Pierre Vidal-Naquet, La raison d’état, Editions de Minuit, 1963. Réédité par les éditions La Découverte en 2002.
[3] Il s’agit des documents qui figurent dans l’édition de La Raison d’état, Editions de Minuit, 1963, aux pages suivantes : un communiqué du ministre des Armées Maurice Bourgès-Maunoury du 15 mars 1957, page 107 ; une note de service du général Massu du 19 mars 1957, page 109 ; une note de service du colonel Trinquier et du R.P. Delarue d’avril 1957, pages 112 à 122 ; un témoignage diffusé par la SAS d’Orléanville sur le camp de Paul-Cazelles, page 123 ; une directive du ministre résidant en Algérie, Robert Lacoste, du 12 août 1957, page 185 ; un arrêté du lieutenant-colonel Barada, du 25 janvier 1959, page 235 ; une circulaire du colonel Renoult du 14 août 1959, page 241 ; une circulaire du ministre des Armées Pierre Messmer du 18 juillet 1960 diffusée par le commandant du secteur de Batna le 11 avril 1961, page 276 ; le rapport du lieutenant Chesnais de juin (?) 1961, page 288.