Il faut pouvoir dire des choses complexes et apparemment contradictoires à propos de la guerre en Ukraine, sans être immédiatement diabolisé et désigné comme le suppôt de l’un ou l’autre impérialisme.
On ne peut approcher la réalité du conflit et tenter d’appeler à en sortir sans affirmer en même temps que :
- Poutine est l’agresseur qui mène une invasion sanglante du territoire ukrainien ;
- Depuis des années, en dépit de leurs engagements, l’OTAN et les États-Unis ont voulu élargir leur zone d’influence jusqu’aux portes de la Russie ;
- La guerre en Ukraine est double :
° Celle menée par une authentique résistance populaire qui défend légitimement sa souveraineté et sa liberté et qui a justifié un large soutien et la fourniture d’armements défensifs.
° Celle menée par procuration par Washington et l’OTAN dans le but d’affaiblir la Russie (avec la perspective d’un futur conflit avec la Chine). Avec des armements de plus en plus offensifs, elle peut mener à l’affrontement mondial et nucléaire.
Outre, bien entendu, l’agression russe, c’est bien la superposition et la simultanéité de ces deux guerres qui rend la situation inextricable.
Entre ces deux pôles, il y a la distinction que commente le philosophe allemand Jurgen Habermas dans un article paru dans Le Monde[1]. Dans le premier cas, il s’agit de permettre aux Ukrainiens de « ne pas perdre la guerre ». Dans le second il s’agit de « vaincre la Russie ». Habermas souligne en passant « l’erreur de l’alliance occidentale, qui, dès, le début, a laissé délibérément dans le flou la Russie quant à l’objectif de son soutien militaire ». Plongés dans la guerre et sa cohorte de drames et d’horreurs, les belligérants ne veulent — et ne peuvent — faire le pas qui conduirait à des négociations.
Devant l’amoncellement des morts, mais aussi devant le fait que les armements ne sont pas inépuisables, Jurgen Habermas estime toutefois qu’il faut « pousser à faire des tentatives énergiques pour entamer des négociations et chercher une solution de compromis qui ne permette pas à la partie russe d’obtenir un gain territorial par rapport à la situation du début du conflit, mais lui permette de sauver la face. » Cela peut paraître un vœu pieux dans l’état actuel du conflit. Mais de l’impossibilité d’une victoire militaire de l’un des deux camps, telle que la soulignait récemment le chef de l’État-Major de l’armée américaine, le général Mark Miley[2], peut à un moment surgir un espace de prénégociations.
Toutes les guerres finissent à une table de négociations. Un des pères du pacifisme en Belgique, Jean Van Lierde disait qu’il fallait toujours essayer de tisser des fils fragiles entre des belligérants. Il disait que même ténus, discrets ou secrets, clandestins ou souterrains, ces contacts étaient la clef de la survie de l’humanité.
Dans la suite logique de ce texte, j’appelle à participer à la : Manifestation nationale – L’Europe pour la paix et la solidarité — Stop à la guerre en Ukraine ! qui aura lieu à Bruxelles le 26 février 2023, Gare du Nord – 13h
[1] Le Monde du 23 février 20223 (tribune parue dans le Süddeutsche Zeintung du 15 février 2023 : « Jurgen Habermas, Plaidoyer pour des négociations en Ukraine ».