Par Jérôme Jamet – j.jamet@sudouest.fr
Publié le 17/05/2021 à 11h42
Tina Enabulele et son compagnon Guillaume Fundoni, parents d’une enfant de 4 ans, sont sous le choc. La mère de famille de nationalité nigériane et sans papiers a reçu une OQTF, obligation de quitter le territoire français
Ils ne dorment plus, ou très peu, depuis une semaine. Depuis que le 11 mai Tina Enabulele a reçu un courrier de la préfecture de la Gironde lui enjoignant de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mère d’un enfant, Esther, née en France il y a quatre ans, la jeune femme de 27 ans de nationalité nigériane est sous le choc.
Tout comme son compagnon français Guillaume Fundoni, père de l’enfant, avec qui elle vit à Préchac, en Sud-Gironde. Mais aussi les grands-parents, Marie-Claude et Jean-Claude Fundoni, affolés d’imaginer leur petite-fille arrachée des bras de sa mère.
Comment peut-on ôter Esther de l’équation ? C’est vraiment choquant. »
« À aucun moment la préfecture ne prend en compte qu’elle est la mère d’un enfant français. Cette décision a un énorme retentissement dans leur vie. Je n’ai jamais rien vu d’aussi flagrant », s’étonne maître Gabriel Lassort, l’avocat de Tina Enabulele, membre de l’Institut du droit des étrangers du barreau de Bordeaux.
Un droit de séjour validé
« Comment peut-on ôter Esther de l’équation ? C’est vraiment choquant », s’insurge le père, chauffeur de VTC âgé de 40 ans. Inquiète et en colère, la petite famille réunie autour de la table, dans la maison de Préchac, fait bloc.
Pour justifier l’arrêté d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), la préfecture souligne, entre autres, que la jeune femme est entrée en France de manière illégale en 2013 avec un faux passeport et qu’elle s’y est maintenue en dépit d’une première OQTF en 2015.
A la lecture du document, à aucun moment la préfecture n’évoque que la jeune femme est mère d’un enfant français. Autre surprise, la référence à cette première OQTF que la famille et l’avocat démentent fermement. Surtout, ils mettent en avant une décision du tribunal administratif de Rouen qui a validé son droit au séjour en 2017. « Cette décision n’a jamais été exécutée par la préfecture », précise Me Lassort.
Enquête
Tina Enabulele reconnaît être entrée en France avec un visa falsifié. Elle a alors 20 ans et fuit un avenir misérable. Après Paris et Rouen, elle arrive à Bordeaux où elle fait la connaissance de Guillaume. Ils sont voisins, habitent la rue Saint-Jean dans le quartier des Capucins. « On s’est battu pendant trois ans pour obtenir un vrai passeport, comme on nous le demandait pour valider le titre de séjour de parent d’enfant français. On a fini par avoir le passeport il y a un an, on l’a fourni à la préfecture. On s’est dit, c’est bon », raconte Guillaume Fundoni.
Le mois dernier, les gendarmes ont sonné à la porte de leur maison pour enquêter sur la famille. Ils ont compté les chambres. Puis le couple a été convoqué à préfecture « On était toujours très confiants, jusqu’à ce que l’on reçoive la lettre mardi. »
« Je ne veux pas croire que cette situation ne va pas se résoudre », avance Me Gabriel Lassort qui a alerté dès mercredi la préfecture. « Je demande une abrogation à l’amiable de cet arrêté d’OQTF. » Sans réponse d’ici la fin de semaine, l’avocat fera un recours auprès du tribunal administratif. Contactée par « Sud Ouest », la préfecture indique examiner ce dossier particulier.