Épisode 1 :
Produire du caoutchouc à tout prix
Au début du XXe siècle, l’invention du pneu en caoutchouc révolutionne les modes de vie. Dans l’État Indépendant du Congo, propriété privée de Leopold II roi des Belges, les colons terrorisent la population pour intensifier la production de caoutchouc
Les colons iront jusqu’à instaurer la pratique des mains coupées. Mais une série de photos, en appui d’une campagne internationale, va faire basculer les opinions en Europe et aux Etats-Unis.
Épisode 1 : Produire du caoutchouc à tout prix
Au début du 20e siècle, l’invention de la bicyclette avec des roues en caoutchouc est une jolie révolution dans la vie quotidienne. Rapidement, “la petite reine“, surnom du vélo, est un succès : les Européens s’équipent de ce nouveau moyen de transport. Un vent de liberté souffle sur ce début de siècle.
Et avec les pneumatiques et les chambres à air, la demande en caoutchouc augmente partout, et c’est une immense opportunité de marché.
Ce caoutchouc se trouve à l’état sauvage dans l’épaisse forêt équatoriale du Congo, qui est la propriété du roi des Belges, Léopold II, depuis la fameuse Conférence de Berlin en 1885 où les puissances européennes ont procédé au “partage de l’Afrique”.
Léopold II, nouveau roi des Belges, -rappelons que la Belgique est alors un pays jeune (1830)- succède à son père Léopold 1er, et il voulait absolument que son pays se mette au niveau des autres grands pays d’Europe et en particulier la France et l’Angleterre. Je pense que Léopold II est quelqu’un d’extrêmement brillant. Par exemple, à la conférence de Berlin en 1885, pour se faire attribuer, lors de ce qu’on a appelé “le partage de l’Afrique”, cet immense territoire inconnu qui, quand même, représente 80 fois la taille de la Belgique ! Donc ce n’est pas une mince affaire. Marc Wiltz, auteur de Il pleut des mains sur le Congo (Magellan & Cie, 2015)
Pour profiter de ce marché exponentiel, les exploitants intensifient la production à tout prix : Ils recourent à la violence pour forcer le rythme de travail et imposent aux travailleurs locaux de faire saigner l’arbre 2 fois par mois au lieu de 2 fois par an.
Très vite, les sévices physiques viennent en réponse à la frustration des exploitants de ne pouvoir produire encore et encore plus de caoutchouc… la démesure s’installe.
Intervenants
- Patricia van Schuylenbergh, conservatrice au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren en Belgique
- Mathilde Leduc-Grimaldi, conservatrice au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren en Belgique
- Marc Wiltz, auteur de Il pleut des mains sur le Congo (Magellan & Cie, 2015)
- Daniel Foliard, historien, auteur de Combattre, punir, photographier. Empires coloniaux, 1890-1914, (La Découverte, 2020)
- Lancelot Arzel, chercheur en histoire contemporaine associé au Centre d’Histoire de Sciences Po (CHSP), thèse : Des “conquistadors” en Afrique centrale. Espaces naturels, chasses et guerres coloniales dans l’État indépendant du Congo (années 1880-années 1900)
Léopold II expliquait qu’il allait mettre fin à l’esclavage, qu’il allait avoir une vision très humanitaire de ce lieu. Et en réalité, ce n’est pas tout à fait comme ça que ça s’est passé. Marc Wiltz, auteur de Il pleut des mains sur le Congo (Magellan & Cie, 2015)
Merci à Rebecca Seeley Harris pour l’archive de la voix de sa grand-mère
Archive : Interview de la photographe et missionnaire Alice Seeley Harris (BBC, 1970), traduite par Thierry Beauchamp
Extraits diffusés : Le Roi blanc, le caoutchouc rouge, la mort noire (White King, Red Rubber, Black Death), film documentaire de Peter Bate (Periscope productions NV. Belgique, 2004, 109 mn)
Un documentaire d’Élise Gruau, réalisé par François Teste. Archives INA, Sandra Escamez. Page web, Sylvia Favre.
Bibliographie
- Le soliloque du roi Leopold. Satire, Mark Twain (L’Harmattan, 2004)
- Les fantômes du roi Leopold. La terreur coloniale dans l’État du Congo,1884-1908, Adam Hochschild (Tallandiers, Texto, 2019)
- Il pleut des mains sur le Congo, Marc Wiltz (Magellan & Cie, 2015)
- Combattre, punir, photographier. Empires coloniaux, 1890-1914, Daniel Foliard (La Découverte, 2020)
- Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness), Joseph Conrad (Folio, n°60, 1996)
- Congo. Une histoire, David Van Reybrouck (Actes sud, 2012