Le projet absurde du gouvernement britannique d’expulser vers le Rwanda les réfugiés qui arrivent au Royaume-Uni dans de petites embarcations, qui a été jugé légal cette semaine par deux juges de la Haute Cour de justice, échouera presque certainement d’une manière ou d’une autre – ce pour plusieurs raisons.
D’abord parce que les appels contre cette décision prendront des mois, voire des années, avant d’être définitivement tranchés. Pendant ce temps, des milliers d’exilé.es, y compris des mineur.es non accompagné.es, vivent dans des conditions honteuses – certains subissant de graves problèmes de santé mentale dus à la guerre, à la torture, mais aussi à l’incertitude quant à leur avenir et au risque d’être abandonnés au Rwanda.
Ensuite parce que le précédent israélien, un projet identique conçu en 2014, qui a vu 4.000 réfugié.es principalement érythréen.nes et soudanais.es être envoyé.es au Rwanda, a été abandonné après que des centaines d’exilé.es se sont rué.es vers les frontières – avec l’aide des mêmes gangs de passeurs qui les avaient probablement aidés à entrer en Israël – pour y échapper.
Politique migratoire catastrophique
Troisièmement, le coût de ce projet sera perçu comme étant insensé, et deviendra rapidement un problème politique pour un pays qui traverse une crise économique aiguë. Déjà, 140 millions de livres sterling (environ 160 millions d’euros) ont été versés au Rwanda, pour l’accueil de… 200 personnes. Si l’on ajoute à cela les frais de transport et autres, le coût de chaque réfugié expulsé devrait avoisiner la somme d’1 million de livres…
Enfin, le gouvernement a été mis en garde contre ce projet par ses propres fonctionnaires et par ceux des Nations unies, qui ont mis en avant le système d’asile défaillant et inéquitable du Rwanda, mais aussi le risque élevé de fraude, de la possibilité de voir les camps de réfugiés devenir des centres de recrutement pour les opérations militaires rwandaises à l’étranger, ainsi que du bilan épouvantable du gouvernement de Kigali en matière de droits humains.
Après vingt ans passés au pouvoir, le bilan des conservateurs britanniques en matière de politique migratoire est catastrophique. Aujourd’hui, il n’existe pas de voie légale permettant aux réfugiés d’entrer au Royaume-Uni, sauf en cas d’urgences décrétées par les autorités, comme dans les cas hong-kongais (271.000 réfugiés), ukrainien (115.000) et dans une moindre mesure afghan (21.000 personnes ayant travaillé avec les Anglais contre les Talibans). Pour l’heure, 143.377 dossiers d’asile sont en attente de traitement. Le Premier ministre, Rishi Sunak, a promis de mettre fin à ce problème d’ici la fin de l’année prochaine. Mais qui peut y croire ?