L’époque est à l’invention linguistique, on a vu que le pronom personnel, féminin et masculin iel est rentré dans le dictionnaire Robert, les journaux sont maintenant pleins de metaverse et de mêmes devenu un nom et parmi ces nouveautés il y en une que je veux bien acheter c’est pluriversel, pluriversel par opposition à universel, pluri comme plusieurs, variés, différents contre uni pour signifier un, ou uniforme…
Vous l’aurez déjà compris, le pluriversel plaide pour un monde fait d’une multitude de mondes selon la formule zapatiste et s’oppose à l’universalisme occidental euro centré, celui qui a longtemps justifié les conquêtes coloniales
Et si le terme trouve aujourd’hui de larges échos dans les cercles décoloniaux, il apparait initialement sous la plume de William James, un philosophe américain dans un texte de 1909 intitulé à pluralistic univers.
A la fin du 20ième siècle, les intellectuels décoloniaux d’Amérique latine s’emparent à leur tour du terme pluriversel pour critiquer lors de la commémoration des 500 ans de la conquête de l’Amérique par Christophe Colomb la conception du monde – eurocentrée, conquérante, capitaliste, basée sur l’exploitation des hommes et de la nature – célébrée derrière l’idée de « découverte de l’Amérique ».
Pour le Mexicain Enrique Dussel, l’un des fondateurs, dans les années 1960, de la philosophie de la libération, face à une philosophie hégémonique, qui se pense universelle et s’enseigne partout, les cultures du monde colonial se sont trouvées dans un état d’ « extrême prostration », de « paralysie du point de vue philosophique », nourrissant un « mépris croissant pour ce qui leur est propre, à travers l’oubli de leurs propres traditions ». La notion de pluriversel correspond à un « processus d’enrichissement philosophique mutuel » qui exige de « reconnaître toutes les communautés philosophiques des autres traditions comme ayant des droits égaux d’argumentation », écrit Dussel, en 2009, dans la revue Cahiers des Amériques latines
Plus près de nous la présidente de l’assemblée constituante du chili, Elisa Loncon, linguiste autochtone mapuche s’élève contre le fait que « les universités proposent une pensée universelle, mais pas une pensée pluriverselle ». »
Enfin pour l’anthropologue colombien et militant Arturo Escobar, auteur de Sentir-Penser avec la Terre, à l’heure de la crise écologique et de l’échec de la mondialisation, « les pratiques des communautés indigènes, afro-descendantes et paysannes peuvent contribuer à édifier un modèle de civilisation alternatif », Je m’arrête là, au risque de lasser, je vous renvoie à l’article du Monde signé Valentine Faure, c’était dans le quotidien du 22 novembre