« Déni, fabrique du doute, stratégie du doute, Total savait et n’a rien fait », quelques-unes des formules vigoureuses trouvées dans un article récent de la revue Global Environmental Change résultat d’une longue enquête sur la manière dont Total, aujourd’hui Total Energie a organisé son irresponsabilité face aux changements climatiques. La revue a fouillé entre autres les publications internes du pétrolier, dont il faut tout de suite situé le palmarès : 4eme multinationale du secteur pétrolier et l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
Il ressort des travaux de la revue que Total comme ses collègues « a été alerté dès 1971 de l’impact potentiellement catastrophique de ses produits sur le réchauffement climatique, qu’il a été plus pleinement informé sur la question dans les années 1980, qu’il a commencé à entretenir le doute sur la base scientifique du réchauffement climatique à la fin des années 1980 et qu’il a finalement adopté une position à la fin des années 1990 consistant à accepter publiquement la science du climat tout en œuvrant à retarder des décisions ou en promouvant des actions périphériques au contrôle des combustibles fossiles. »
Voilà en quelques lignes bien synthétisées ce que fut l’attitude du pétrolier français comme de ses collègues Exxon en tête, Shell en outsider, leurs pratiques portent un nom que j’ai découvert : l’agnotologie et cela n’a rien à voir avoir celui de Pauillac, l’agneau de Pauillac, mais avec l’étude de la production culturelle de l’ignorance, du doute ou de la désinformation, une ignorance produite, entretenue et propagée dans la société. Nier la réalité du réchauffement climatique en semant le doute sur le travail scientifique, en stipendiant d’autres scientifiques plus dociles, en bloquant les tentatives, timides, de régulation politique des émissions, puis finalement quand cette position de cécité volontaire, partie intégrante de la culture d’entreprise, n’est plus tenable devant l’évidence, la communication verte prend le relais, on appelle ça aussi le greenwashing. Ce qui n’empêche pas total de continuer à investir presque exclusivement dans les énergies fossiles, en Afrique en particulier.
Alors certes me direz-vous, un industriel fait son taf d’industriel, et c’est à l’état et aux politiques de réguler et de tenir bon. On ne connait qu’un exemple cité dans l’article : celui de Michel Rocard en 1990 alors premier ministre il soutient avec fermeté un projet européen d’écotaxe sur les combustibles fossiles, un an plus tard. Strauss Kahn qui arrive à l’industrie va s’y opposer…
Car explique aussi Juliette Renaud, des Amis de la Terre France dans une itw à Politis, Total a infiltré l’état français. Ainsi dit-elle « des anciens cadres ou des personnes haut placées chez Total se retrouvent dans les ministères, et Total qui débauche directement des personnes clés dans les ministères. Un cas en particulier, rendu public, celui de Jean-Claude Mallet, conseiller spécial de Jean-Yves Le Drian au ministère de la Défense puis à celui des Affaires étrangères. Aujourd’hui il conseille Total dans ses relations publiques internationales en tant que directeur des affaires publiques. Ce sont donc des gens qui vont pouvoir faire profiter Total de leur carnet d’adresses, de leur accès privilégié aux personnes haut placées dans l’appareil gouvernemental… » Et voilà pourquoi, votre fille est muette comme disait Sganarelle chez Molière…3.30