Dans la conférence que je donnerai le mois prochain à Bruxelles sur « Violence et passion : de la fascination pour le fascisme », je m’arrêterai quelques instants sur la manière dont la presse européenne, qui aujourd’hui s’inquiète de l’irruption dans la campagne électorale française d’un lamentable idéologue fasciste, raciste, misogyne, homophobe… (Zemmour), n’a cessé depuis des années de promouvoir un autre idéologue fasciste (Houellebecq) lequel n’a pourtant jamais cherché à dissimuler sa proximité intellectuelle (si on ose dire) et politique avec le premier, sous prétexte que ça serait de la littérature (de la bien mauvaise littérature d’ailleurs)Il y a donc une participation active de ces médias, au nom de la critique littéraire, à la diffusion dans l’espace public de tous les thèmes et de toutes les obsessions de l’extrême-droite et plus largement de la perception fasciste du monde, de la sensibilité paranoïaque et haineuse du fascisme Quels sont les ressorts de cette fascination pour le fascisme dans le monde de la culture dès lors que l’idéologie nauséabonde se présente sous un habillage littéraire ou même quand elle est crûment énoncée par un écrivain en dehors de tout cadre littéraire (une réunion publique par exemple organisée par un hebdomadaire d’extrême-droite – récemment condamné pour injures racistes à l’encontre d’une députée de la France insoumise – et dont les vedettes grimaçantes étaient Zemmour et Houellebecq)Le plus étonnant est que si Zemmour déclare qu’il veut renvoyer des millions d’immigrés dans leurs pays, cela suscite l’indignation de la gauche, mais quand Houellebecq déclare qu’il veut « déclencher une guerre civile pour expulser les musulmans », on dit simplement qu’il avait trop bu ce jour-là Si l’on veut analyser la montée du fascisme, il faut bien sûr analyser le rôle que jouent dans ce phénomène les médias de droite (ce que tout le monde fait) mais aussi les effets que produisent plus insidieusement et peut-être plus efficacement le soutien constant et la complaisance de certains secteurs du champ culturel de gauche (journaux, institutions culturelles, festivals littéraires…) à la mise en place des schèmes mentaux délétères d’une révolution conservatrice Comme l’avait déjà dénoncé Paul Celan, la mythologie littéraire, l’idéologie de la littérature peuvent engendrer d’effarantes conséquences (Photo : l’annonce en 2020 par le journal d’extrême-droite Valeurs actuelles d’un recueil de textes de Houellebecq)