Une corde au cou de la statue du maréchal controversé, ce mardi 7 juillet. © Crédit photo : S. C.
https://www.change.org/p/etat-français-bugeaud-bourreau-des-algériens-et-ennemi-de-la-république?
Bugeaud ; ce sont les « enfumades » recommandées à ses officiers en des termes très clairs sur le but poursuivi : la destruction physique des « indigènes ». « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance comme des renards », déclare ce général aux cadres de l’armée d’Afrique qui s’apprêtent à partir en mission. Saint-Arnaud, Montagnac et Pélissier, pour ne citer que ceux-là, se sont exécutés avec zèle. En particulier le colonel Pélissier qui, le 18 juin 1845, a anéanti une tribu entière – celle des Ouled Riah – dont les membres désarmés s’étaient réfugiés dans les grottes du Dahra, proches de Mostaganem.
Bilan : près de mille morts. Bugeaud : bourreau des « indigènes » algériens qu’il a massacrés, déportés et razziés en détruisant parfois complètement leurs oasis et leurs villages livrés aux flammes de ses colonnes infernales ?
Assurément. Il fut aussi un ennemi acharné de la République qu’il a combattue les armes à la main pour défendre la monarchie de Juillet. Vaincu, il a poursuivi la bataille en rédigeant un traité de la guerre contre-révolutionnaire en milieu urbain : De la Guerre des rues et des maisons. Bugeaud ?
Une insulte permanente à l’émancipation des peuples et aux Algériens en particulier, et à la République qu’il a toujours haïe.
Et une offense inacceptable faite aux héritiers de l’immigration coloniale et postcoloniale victimes de discriminations mémorielles qui s’ajoutent à toutes celles qu’ils subissent par ailleurs.
Pas une rue, pas une avenue,
pas une école ne doivent porter son nom,
et ses statues doivent disparaitre.
Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire et M’Hamed Kaki, président de l’association Les Oranges
Nanterre le, 15 février 2021
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Ci-dessous la fiche Bugeaud contenu dans le Guide du Bordeaux colonial (éditions syllepse)
Maréchal-Bugeaud (rue)
Thomas Robert Bugeaud, maréchal de France, (1784-1849). Engagé à 20 ans dans les guerres napoléoniennes, il est déjà colonel en 1813. Retiré sur ses terres périgourdines sous la seconde restauration, où il se fait élire député, il ne reviendra sérieusement aux affaires qu’en 1936 en Algérie dont il devient « le pacificateur ». D’abord contre la révolte d’Abd-el-Kader sans grand succès. Puis en 1841, Bugeaud est nommé gouverneur de l’Algérie. Flanqué de 4 généraux dont il n’est pas inutile de citer les noms : La Moricière, Changarnier, Bedeau et Cavignac, il va appliquer la politique de la terre brûlée, fort d’une armée de 100.000 hommes. Ses troupes organisées en colonnes mobiles pourchassent les rebelles arabes, incendient les villages, détruisent les troupeaux, enfument les grottes dans lesquels les fuyards se cachent. .Pour Bugeaud, il s’agit « d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer,(…) de jouir de leurs champs,(…) Allez tous les ans leur brûler les récoltes (…) ou bien exterminez les jusqu’au dernier » Pour le politiste Olivier Le Cour Grandmaison, (1) « Bugeaud est le théoricien, et le praticien, d’une guerre qui doit être qualifiée de totale puisqu’elle débouche sur l’effondrement de deux distinctions majeures, liées entre elles et constitutives des guerres réglées, comme on les nomme alors. La distinction entre civils et militaires, destinée à préserver autant que faire se peut les premiers de la violence des combats, et celle entre sanctuaire et champ de bataille, indispensable pour permettre aux populations de trouver refuge en des lieux qui doivent être épargnés par les affrontements. » La préoccupation constante de Bugeaud fut d’associer l’armée à la colonisation. « L’armée est tout en Afrique », disait-il ; « elle seule a détruit, elle seule peut édifier. Elle seule a conquis le sol, elle seule le fécondera par la culture et pourra par les grands travaux publics le préparer à recevoir une nombreuse population civile. » Sa devise restée célèbre, Ense et Aratro, par l’épée et la charrue n’a pas l’heur de plaire à un groupe de Périgourdins qui réclament le déboulonnage des statues de Bugeaud, à Périgueux, à Excideuil et au Louvre. Pour ceux-là, le maréchal est « le symbole de la barbarie coloniale et militariste ».
Le Cour Grandmaison, Olivier. – Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial. Paris, Fayard, 2005