Quatre journalistes marocains vont être jugés, en moins de dix jours, dans le cadre de trois affaires distinctes. Tous risquent une peine de prison ferme. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une dangereuse instrumentalisation de la justice.
Entre le 6 et 15 avril prochain, quatre figures du journalisme marocain vont devoir faire face à la justice de leur pays. Maati Monjib, Omar Radi, Imad Stitou et Suleiman Raissouni, considérés comme des voix critiques du pouvoir et dans le collimateur des autorités marocaines depuis de nombreuses années, seront tous jugés pour des affaires de mœurs ou d’atteinte à la sécurité de l’État et risquent jusqu’à dix ans de prison.
“Ces affaires judiciaires s’apparentent clairement à des représailles contre des journalistes et des médias ciblés par les autorités”, dénonce le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, Souhaieb Khayati, qui s’inquiète de cette “dangereuse instrumentalisation de la justice marocaine”.
Omar Radi et Imad Stitou : symboles du harcèlement judiciaire
Le mardi 6 avril 2020, deux journalistes seront présentés devant la justice : le journaliste Omar Radi et le journaliste indépendant spécialisé en politique Imad Stitou. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison. Omar Radi est accusé d’”attentat à la pudeur avec violences” et de “viol” par une jeune journaliste, il est incarcéré depuis le 29 juillet. Le reporter a toujours évoqué une relation consentie. Il fait l’objet d’un véritable harcèlement judiciaire depuis des années en raison de son travail sur des sujets sensibles. Son confrère, Imad Stitou, est jugé pour “participation à l’attentat à la pudeur d’une femme avec violence” et “participation au viol” dans cette même affaire. Unique témoin qui corrobore les affirmations d’Omar Radi, le journaliste a vu son statut passer de “témoin” à “suspect” au cours de l’enquête.
Maati Monjib : un défenseur de la liberté de la presse menacé
Le jeudi 8 avril, le journaliste et éditorialiste franco-marocain Maati Monjib sera jugé en appel pour “atteinte à la sécurité de l’État” et “fraude”. Il avait été condamné le 27 janvier dernier par le tribunal de première instance de Rabat à un an de prison ferme et à une amende de quinze mille dirhams (1 400 euros). Un procès qui s’était tenu en son absence, et sans que ses avocats n’aient été ni convoqués, ni même prévenus. Incarcéré le 20 décembre 2020, ce grand défenseur de la liberté de la presse au Maroc et des droits de l’Homme, a été libéré, le 23 mars, après 20 jours de grève de la faim. La justice doit aussi se prononcer dans les prochains jours sur l’opportunité ou non de donner suite à une autre affaire de “blanchiment d’argent” pour laquelle il est poursuivi et qui lui avait valu son arrestation fin décembre.
Suleiman Raissouni : une affaire politique
Initialement prévu pour le 30 mars, le procès du rédacteur en chef du quotidien Akhbar Al Yaoum, Suleiman Raissouni devant la cour d’appel de Casablanca a été reporté au 15 avril. Le journaliste est poursuivi pour “attentat à la pudeur avec violence et séquestration” par un jeune activiste de la communauté LGBTQ et risque jusqu’à dix ans de réclusion criminelle, selon les dispositions de l’article 485 du Code pénal. En détention provisoire depuis le 22 mai 2020, le journaliste n’a cessé de clamer son innocence et dénonce une affaire politique liée à ses articles, souvent très critiques à l’égard des services de sécurité et de la royauté. Sa dernière demande de mise en liberté provisoire, déposée le 30 mars, a été refusée ce jeudi 1er avril 2021. Le Maroc occupe le 133e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF