par Frédéric Mantelin, 5 mai 2022

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Jean Sinclair Maka Gbossokotto (DR).

Dans un climat saturé de bruits de bottes et d’exactions, la mort subite et inexpliquée, le 23 février 2022, du journaliste centrafricain Jean Sinclair Maka Gbossokotto, est survenue comme un point d’acmé dans la dérive autoritaire du régime de Bangui. Les «fake news» (rumeurs) et les attaques contre les médias et les activistes de la société civile visent à cacher le choix du pouvoir de survivre coûte que coûte en livrant le pays à Moscou et aux mercenaires du groupe Wagner (1).

«Je ne crois pas à la thèse officielle de problèmes cardiaque ou respiratoire, lâche un collègue du journaliste, décédé huit semaines plus tôt. Pour moi c’est tout bonnement un empoisonnement…». À mots couverts, une intime de la famille surenchérit, amère : «Regardez qui sa mort arrange et vous aurez votre réponse». En ce mardi 5 avril 2021, dans le discret quartier enclavé de Benz-Vi, en plein cœur de Bangui, la grouillante capitale centrafricaine, les langues se délient sous couvert d’anonymat, dans la foule compacte et muette réunie pour les obsèques.

Depuis 2019, le journaliste de 36 ans s’était spécialisé dans la vérification des informations, le «fact checking», cet ensemble de techniques qui consistent à lutter contre la désinformation, délibérée ou non. Au cours de l’année 2021, après une formation longue à Tunis avec la plateforme franco-africaine Médias & Démocratie, il était devenu la figure de proue de la lutte contre ces «infox» qui gangrènent la vie publique de son pays depuis près de dix ans. Soucieux de promouvoir un journalisme rigoureux et de vérité, il avait donné à son journal Anti-Intox RCA une devise en forme de défi : «Notre mission, devenir les arbitres de la vérité».

Pourquoi la thèse d’un empoisonnement se répand-elle  (2)? Il suffit pour le comprendre de revenir sur le contexte de sa mort soudaine. Lundi 21 février dernier, quatre légionnaires de l’armée française — de nationalités française, roumaine, italienne et bulgare —, qui opéraient sous bannière de l’ONU, sont arrêtés à l’aéroport de Bangui. Lourdement armés, et circulant dans un véhicule blindé, ils sont rapidement accusés sur les réseaux sociaux d’avoir voulu «assassiner» le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, élu à la tête du pays en 2016. Vives émotions aux Nations unies, bruits de couloir au Quai d’Orsay… D’autant que certains membres du pouvoir centrafricain relaient la rumeur selon laquelle un assassinat du président se tramait bel et bien… Tandis que l’ONU et Paris dénoncent une «manipulation grossière», le Parquet de Bangui ouvre une enquête.

Le jour même de cette énième crise, sur la page Facebook d’Anti-Intox RCA, Sinclair insiste sur le caractère infondé des accusations portées contre les légionnaires. Il ne savait pas encore qu’il s’agissait de sa toute dernière publication… Quelques semaines auparavant, à des milliers de kilomètres de Bangui, le journaliste avait écrit dans les colonnes du quotidien régional Sud Ouest un article titré : «La France, un ami devenu “gênant”». «Je suis sûr que ses assassins ont pris peur en voyant qu’en plus du reste, Jean Sinclair pouvait publier des articles en France même», lâche un de ses proches par téléphone. Le 23 février au matin, Sinclair se réveille faible et nauséeux. Problèmes respiratoires? La bouche écumant d’une mousse blanche, il décède quelques minutes plus tard dans les bras de son épouse.

Déliquescence du pouvoir central

Changeons la focale pour mieux comprendre le climat en République centrafricaine (RCA) en ce premier trimestre de l’année 2022. Sept ans après son inauguration en Centrafrique, la Cour pénale spéciale (CPS, tribunal spécial créé pour juger les crimes de guerre et contre l’humanité commis depuis 2003), ouvrait en avril 2022 son premier procès à Bangui, dans un pays où l’État de droit vacille sous le poids des guerres civiles, dont la dernière dure depuis neuf ans. Fin 2016, alors que l’élection de M. Touadéra semblait avoir apaisé les conflits internes, l’International Crisis Group (3) notait que «le statu quo qui a suivi l’investiture du président Touadéra (…) est déjà remis en cause. Les tensions montent tandis que le blocage est total sur ce qui constitue le nœud gordien de la crise centrafricaine, l’accord de DDRR [désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement] dont l’enjeu réel est la composition de l’armée. En effet, les anti-Balaka [milices majoritairement chrétiennes] et ex-Seleka [combattants majoritairement musulmans venus du nord est du pays] ont conservé leur capacité de nuisance et l’enlisement du dialogue accentue chaque jour un peu plus la partition de facto de la Centrafrique».

Autre écueil, le président Touadéra est accusé par l’ONU, l’Union européenne et la France d’avoir livré son pays à Moscou et au groupe paramilitaire russe Wagner, qui peut exploiter les rares richesses du pays (or, diamant, minerais) en échange de son assistance à la lutte contre les rebelles. Dans ce contexte de déliquescence du pouvoir central, l’information est devenue un véritable enjeu de pouvoir. Pour le chercheur Thierry Vircoulon, la recrudescence de violences traduit en RCA l’absence d’un véritable État et une paralysie des actions de l’ONU. «La crise centrafricaine qui a débuté en 2013 est l’aboutissement d’au moins deux décennies de mauvaise gouvernance qui ont eu pour conséquences logiques la déréliction de l’appareil d’État et la “désadministration” progressive d’une grande partie du territoire (4)», estime-t-il.

La capacité qu’avait Sinclair d’écrire et de parler fort et vrai a fait de lui une cible. Critique envers toutes les formes de pouvoir et d’influence — y compris parfois la France, qu’il chérissait pourtant —, son travail était toujours à bonne distance des acteurs et des sources utilisées pour ses articles et enquêtes. Le journaliste savait par exemple que la France avait travaillé avec le groupe Wagner en Libye entre 2018 et 2020 (5). Dans l’enquête publiée sur le site de Sud Ouest, en janvier 2021, il n’était toutefois pas dupe : «La France, ce partenaire, est aujourd’hui la cible du soft power russe et d’une propagande anti-occidentale. Celle-ci est véhiculée par deux médias financés par des fonds russes et réputés très favorables à la politique de la Russie en Centrafrique : “Lengo Songo“, en français “cohésion sociale”, et “Ndjoni Sango” (“bonne nouvelle”)»

Le sort réservé à Sinclair est loin d’être une exception dans le pays. «Alors que la RCA peine à sortir des violences de la guerre civile, marquée par le pillage et la destruction de radios, les attaques contre les médias se poursuivent, comme en a témoigné le pillage d’une radio en avril 2020, et la sécurité des journalistes, pris en étau entre les différentes factions en guerre, demeure précaire», souligne Reporters sans frontières (RSF) sur son site. Dans le classement annuel de l’organisation, la RCA dégringole en queue de peloton, à la 132e place (sur 180) en 2020, contre la 118e en 2018 et… la 65e en 2012. Pendant la seule année 2021, deux figures du journalisme de vérification centrafricain ont disparu dans des conditions troubles. Le 25 juin 2021, Nadia Carine Fornel Poutou périssait avec ses trois enfants dans l’incendie — accidentel? — de sa maison. Membre active de l’équipe de lutte contre la désinformation «StopATène», elle était la très respectée présidente des femmes juristes de RCA. Là déjà, pas d’enquête ni d’autopsie après sa mort. Quelques mois plus tard, le 11 novembre 2021, la journaliste Salwa Salle, 31 ans, disparaissait à la «suite d’une courte maladie». Là encore, aucune autopsie.

Précisément : pourquoi aucune autopsie n’a-t-elle été effectuée à la mort de Jean Sinclair? «Aucune structure médico-légale n’est capable de réaliser ce travail en RCA», commente un proche de la victime. Toutefois n’aurait-on pas pu faire venir un médecin ou solliciter l’ONU? «Il faut pour cela une personne physique et morale qui porte la demande, poursuit notre source. Le père de Jean — lui-même journaliste — y a bien sûr pensé. Mais il a subi des pressions et a fini par jeter l’éponge».

Frédéric Mantelin

(1) «République centrafricaine : Abus commis par des forces liées à la Russie», Human Rights Watch, 3 mai 2022.

(2) Olivier Piot, «En Centrafrique, un journaliste devenu trop gênant» sur Afrique XXI, 25 avril 2022.

(3) «Centrafrique, alerte de crise», International Crisis Group, 16 novembre 2016.

(4) Thierry Vircoulon, «Pourquoi la crise centrafricaine dure et va durer», The Conversation, 23 mai 2017.

(5) Jean-Pierre Filiu, «Quand la France était engagée aux côtés du groupe Wagner», Le Monde Afrique, 10 avril 2022.

Ci dessous l’article publié dans le quotidien sud-ouest par Jean Sinclair Maka le 26/01/2022

Centrafrique : la France, un ami devenu « gênant »

Par Grace Ngbaleo et Jean-Sinclair Maka Gbossokotto (promotion CEJIFAM 2 021)
Publié le 26/01/2022 à 16h45
Mis à jour le 26/01/2022 à 16h46

« Sud Ouest » publie quatre reportages de journalistes africains qui sont issus du CEJIFAM (Certificat de Journalisme Innovant Francophone en Afrique Méditerranée) créé par l’association « Médias et Démocratie » dont « Sud Ouest est partenaire ». Cette formation vise à créer à Tunis un pôle d’excellence pour les journalistes africains. Les quatre textes retenus nous parlent de la République Démocratique centrafricaine, de l’Algérie, de l’île Maurice et de la Tunisie.

Le 11 août dernier, ils sont plusieurs dizaines de journalistes et communicants massés dans une pièce d’un immeuble situé à quelques pas de l’Assemblée nationale. Le prétexte, c’est une conférence de presse consacrée aux festivités des 61 ans de l’accession de la République centrafricaine à l’indépendance. Mais, dans les discussions, il n’est question que de la France, ce partenaire historique devenu « gênant ». Ce partenaire cible aujourd’hui du soft power russe et d’une propagande anti-occidentale. Celle-ci est véhiculée par deux médias financés par des fonds russes et réputés très favorables à la politique de la Russie en Centrafrique : « Lengo Songo », en français « cohésion sociale », et « Ndjoni Sango » («bonne nouvelle »). Le premier est une station de radio employant un peu plus d’une vingtaine de journalistes, couvrant 60 % du territoire centrafricain et doté d’une forte audience. Le second est un site d’informations en ligne et en version papier. Dans ce pays où l’on compte moins de cinq sites d’information, « Ndjoni Sango » est très suivi par les Centrafricains et très actif sur Facebook. Recevez la newsletter La Matinale

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Les relations franco centrafricaines ont beaucoup changé avec l’avènement de ces médias relayeurs du « complot français ». Des attaques verbales, des manifestations de propagande, de la désinformation, mais surtout une manipulation des masses : c’est le début d’une nouvelle ère qui semble appelée à durer. Mais comment tout cela a-t-il commencé ?

Intervention militaire

Jusqu’en 2013, année de la plus grande crise politico-sécuritaire qu’a connue la Centrafrique, la France était encore très influente. L’ancienne puissance coloniale était impliquée, à de nombreux niveaux, dans les affaires politiques, diplomatiques, économiques, culturelles et militaires du pays. Elle avait toujours son mot à dire dans le choix des dirigeants centrafricains. Une mise sous tutelle qui ne soulevait pas de fortes récriminations, mais que conteste l’ambassadeur de France en Centrafrique, Jean-Marc Grosgurin : « Le partenariat que la France propose à la Centrafrique vise à s’attaquer aux racines de la crise centrafricaine, notamment la faiblesse du système éducatif, la mauvaise gouvernance, l’absence de services publics sur une grande partie du territoire et le manque d’investissements dans les infrastructures. ».

En décembre 2013, alors que la RCA se trouvait en pleine crise politico-sécuritaire, avec des relents intercommunautaires, la France a décidé de l’envoi de ses troupes. C’est alors qu’est née l’opération Sangaris, dans le but de contrer la dimension interconfessionnelle que prenait le conflit. En effet, suite au renversement de l’ancien président François Bozizé par la nébuleuse Séléka, un groupe armé hétéroclite regroupant des opposants au pouvoir, la Centrafrique avait fait face à une spirale de violences entre chrétiens et musulmans. À cette époque, pour beaucoup de Centrafricains, la France était le « sauveur ». De fait, sans cet appui militaire étranger, la Centrafrique aurait pu sombrer dans le génocide.

« Un abandon »

Cependant, en dépit de l’aide militaire française, les défis sécuritaires ne cessèrent de se multiplier. L’aspect urbain des différentes attaques a rendu difficile la sécurisation du pays. Et, face à la persistance du conflit, les autorités centrafricaines demandèrent l’appui militaire des Nations Unies. C’est ainsi qu’est née, le 10 avril 2014, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA). Peu avant le déploiement des forces de l’ONU, la France estima alors que sa mission tirait à sa fin et elle décida du retrait définitif de ses troupes. Un choix mal perçu par les Centrafricains qui y virent un « abandon » en pleine crise. Forte de sa présence sur le terrain depuis plusieurs mois, l’armée française disposait d’une bonne connaissance des zones de tension dans le pays et des stratégies à mettre en place. Ce qui n’allait pas être le cas des forces de l’ONU qui devaient commencer par établir un diagnostic de la situation sécuritaire du pays avant de passer à l’action.

Dès lors, se développèrent des théories du complot présentant la France comme l’« instigatrice des conflits en Centrafrique et une « mauvaise alliée ». Ce n’était que le début d’un divorce profond… Le retour à l’ordre constitutionnel et la stabilité du pays se feront attendre. Les nouvelles autorités du pays seront chaque jour confrontées aux tentatives de déstabilisation des institutions de la République, alors que plus de 80 % du territoire national étaient placés sous le joug des groupes armés. La paix n’étant pas encore établie, les forces de l’ONU se trouvaient dans l’impossibilité de la maintenir.

Influence Russe

Profitant de cette instabilité en Centrafrique, la Russie se servit de l’influence de quelques organisations de la société civile. Et, notamment, de la Galaxie Nationale, une coordination dirigée par Didacien-Blaise Kossimatchi, un enseignant-chercheur à l’université de Bangui, proche de l’ancien président Bozizé. Le septuagénaire a recours à tous les supports pour se faire entendre : communiqués de presse, radio et télévision nationale… Après la chute de Bozizé, Kossimatchi est revenu, contre toute attente, dans les sphères du pouvoir aux côtés de l’actuel chef de l’État centrafricain, Faustin-Archange Touadéra. Il va fonder, sous le magistère de ce dernier, la plateforme dénommée Talita Koum, laquelle défend la « vision politique » de l’actuel régime. On le retrouve sur tous les fronts des campagnes de désinformation visant la France et les autres partenaires du pays. Kossimatchi a ses entrées dans les médias d’État et aussi au sein d’organes de presse acquis à la cause du régime en place.

Le 12 mai dernier, une forte mobilisation de la plateforme de la société civile Galaxie Nationale a eu lieu à Bangui pour exiger le départ de la Minusca et de Radio France Internationale (RFI). Le mot d’ordre était celui-ci : « Exigeons le départ sans condition de Monsieur Mankeur Ndiaye (chef de la MINUSCA, ndlr) et des forces de la MINUSCA du territoire centrafricain pour haute trahison de la charte des Nations Unies, immixtion dans les affaires internes centrafricaines et pour leur collaboration directe avec les groupes armés. ». En outre, les manifestants s’en prirent à RFI, « un outil de propagande de la France à travers ses tapages médiatique grotesques, truffés de mensonges, orchestrés dans le but visible de ternir l’image de la République centrafricaine et ses alliés auprès de l’opinion nationale et internationale. ».

Bras de fer

Un peu plus tard, le 30 juin 2021, la plateforme Galaxie Nationale a annoncé la fin de la « trêve » avec la Minusca et la France. Pour marquer cet évènement, la plateforme projetait un concert de casseroles devant l’ambassade de France à Bangui, le 14 juillet.

Une action finalement annulée au dernier moment. Malgré les incessants appels à la manifestation populaire lancés par Kossimatchi, la population ne descendra pas dans la rue. Était-ce une prise de conscience réelle de la part de la population ou simplement que les habitants de Bangui ne se reconnaissaient plus dans ces appels à la haine ? Difficile de le dire avec précision. Toujours est-il que les diatribes de Kossimatchi ne laissent pas d’étonner en raison de leur incohérence. D’un côté, l’homme demande la « révision des accords entre la RCA et la France », de l’autre, il appelle à la « rupture de la coopération diplomatique » entre les deux pays. Comprenne qui pourra !

Interrogée au sujet du bras de fer diplomatique entre les deux puissances, l’ambassadeur de France en Centrafrique botte en touche en dressant la liste des initiatives de la France : « Il s’agit d’un partenariat respectueux de la souveraineté du pays, et donc de la responsabilité première de ses autorités et de ses citoyens. Nous ne prétendons pas apporter de solutions toutes faites ou relever le pays à la place des Centrafricains, mais nous voulons leur donner les moyens de se développer par eux-mêmes. Ces dernières années, la France a ainsi formé des milliers de militaires, gendarmes, policiers et sapeurs-pompiers, 200 fonctionnaires, des magistrats, des dizaines de professeurs, des médecins, des journalistes, des artistes… Ces résultats sont tangibles et constituent la meilleure réponse à la désinformation. »

Les relations franco-centrafricaines ont beaucoup changé avec l’avènement de ces médias relayeurs du «complot français».

Quant au chargé d’affaires de l’ambassade de Russie à Bangui, Lekhov Konstantin, il dément toute hostilité entre son pays et la France en Centrafrique. Pour le diplomate, « la RCA est un pays qui a besoin d’appuis multiformes de tous ses pays amis et partenaires historiques ». Bangui affirme de son côté ne pas être concernée par la rivalité entre les deux puissances : « Le conflit entre la France et la Russie ne nous regarde pas », avait déclaré Sylvie Baipo-Temon, cheffe de la diplomatie centrafricaine, dans une interview accordée à Jeune Afrique, le 11 juin dernier.

Manipulation

Pendant ce temps, les entreprises de désinformation continuent d’être alimentées afin de discréditer davantage l’ancienne puissance coloniale. « L’influence russe est réelle dans ce pays, affirme le journaliste politique centrafricain Wilson Ngassan. Elle se fait beaucoup sur Facebook, ce réseau social très utilisé par les Centrafricains. Des fake news sont régulièrement conçues pour contrer l’action des partenaires des pays autres que la Russie. Les Russes surfent sur la méconnaissance de la situation de la population. Et les infox qu’ils distillent via leurs différents réseaux fonctionnent à merveille, même si, dans le fond, l’on sait tous que c’est de la manipulation. »

Au regard de ces campagnes déplorées par l’Élysée, Emmanuel Macron a décidé, le 7 juin, la suspension de l’aide budgétaire et militaire de la France au profit de la Centrafrique. Le président français avait dit à son homologue centrafricain, lors d’un échange téléphonique le 1er juin, qu’il était « l’otage du groupe paramilitaire russe Wagner », présent dans différentes zones de conflits à travers le monde, et que le France se montrait très préoccupée par l’actualité de la Centrafrique. Pourtant, pour Félix Moloua, ministre centrafricain du Plan et de la Coopération, « la relation entre la France et la RCA est toujours au beau fixe ».

Profitant de cette instabilité en Centrafrique, la Russie se servit de l’influence de quelques organisations de la société civile

Les femmes et hommes de culture centrafricains, pour leur part, ne se nourrissent pas de reproches à l’égard de la France. Pour eux, celle-ci s’est toujours tenue au chevet des artistes et intellectuels centrafricains : « Nous sommes conscients des remous qui existent, mais il faut dire qu’au-delà de tout, la France demeure le premier partenaire de la culture centrafricaine, témoigne Grace-à-dieu Toussounou alias GAD, poète-slameur. Grâce à l’Alliance française de Bangui, beaucoup d’hommes de culture centrafricains voyagent à travers le monde et promeuvent leur art, ce qui se fait difficilement avec le ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme centrafricain. »

À vrai dire, pour beaucoup de Centrafricains, ces opérations de désinformation visant la France seraient dues à une forme de lassitude. Une lassitude et une déception de constater que 60 ans de coopération n’ont toujours pas conduit la Centrafrique à l’émergence. Selon Paul Crescent Béninga, chercheur et figure de la société civile, « cette coopération doit être rediscutée en toute sincérité, en tenant compte des défis de l’heure, pour qu’elle soit profitable aux nouvelles générations ». Mais de qui viendra cette initiative de réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays amis ? La France a fait un geste de bonne volonté en envoyant à Bangui, en septembre dernier, Sylvain Itté, ambassadeur pour la diplomatie publique en Afrique. Le diplomate a annoncé vouloir « engager un dialogue constructif avec la Centrafrique », tout en déclarant que la clé du renouveau de la coopération se trouve en Centrafrique. Reste à savoir si les autorités centrafricaines auront envie de saisir cette main tendue.

CEJIFAM qui travaille en étroite collaboration avec l’université de la Manouba (IPSI), à Tunis ainsi que l’EPJT de Tours, bénéficie du soutien de l’ambassade de France à Tunis ainsi que du syndicat national des journalistes tunisiens, de l’Union de la presse francophone et de Reporters sans frontières à Tunis.

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