Dans les Alpes-Maritimes, les services de l’aide sociale signalent systématiquement les jeunes exilés isolés à la police, au prétexte qu’ils ne sont pas en mesure de prouver leur minorité.
« On l’a constaté depuis la fin de l’été 2020, dénonce, outré, David Nakache, le président de l’association azuréenne Tous citoyens. De jeunes exilés ayant demandé la protection de l’enfance en qualité de mineurs non accompagnés (MNA) mais ayant été évalués majeurs par l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont convoqués dans les bureaux du département des Alpes-Maritimes pour que leur soit notifiée leur fin de prise en charge. Ils sont, au sortir de cet entretien, arrêtés par la police. »
Quasi systématiquement menottés, ces jeunes ne sont alors pas conduits en centre de rétention administrative (CRA). Ils pourraient y bénéficier d’une assistance juridique de la part des associations présentes en leur sein et contester la décision du département en saisissant un juge pour enfant.
« On accompagne régulièrement des jeunes au tribunal pour enfants et, à l’issue d’un véritable débat contradictoire en présence d’interprètes, on obtient généralement gain de cause », insiste le responsable associatif.
La préfecture, qui ne veut pas laisser cette opportunité aux jeunes exilés, préfère les placer en retenue administrative. Une sorte de garde à vue de 24 heures, durant laquelle ils subissent un bref interrogatoire se concluant, la plupart du temps, par une obligation de quitter le territoire français dans un délai d’un mois. Remis à la rue, sans assistance, les jeunes ont alors 48 heures pour contester cette décision.
« Comment voulez-vous qu’un adolescent isolé, traumatisé par son parcours migratoire, qui ne connaît ni la ville, ni la langue, puisse trouver, en deux jours, un avocat ou une association pour se défendre ? interroge David Nakache. Ceux qui reconnaîtraient finalement être majeurs devraient, en outre, pouvoir demander l’asile. Or, là, au bout de 48 heures, ils n’ont plus aucun recours. Leurs droits sont niés. »
Pour le Syndicat des avocats de France (SAF), « ce procédé jette un discrédit sur l’ensemble de l’action sociale et est contraire au modèle social français ». (…)
Dans les Alpes-Maritimes, le conseil départemental ne s’appuie pas, comme ailleurs, sur des associations pour effectuer les évaluations de l’âge des MNA. Les agents du département s’en chargent eux-mêmes. « Ils sont juges et parties, pointe David Nakache. Et plus il y a de jeunes pris en charge, plus ça leur coûte. »
Il faut rappeler que le département reste sous la coupe du député Éric Ciotti, qui l’a longtemps présidé et dont il est aujourd’hui vice-président. ” Il passe son temps à déposer au Parlement des amendements pour durcir la prise en charge des MNA,” ajoute David Nakache. (…)
Le SAF et l’association Tous citoyens ont annoncé, mardi 13 avril, leur intention de saisir Claire Hédon, la Défenseure des droits, afin « de mettre immédiatement fin à ces pratiques choquantes ».