Par Florence Moreau
Publié le 24/10/2021 à 15h46
Mis à jour le 24/10/2021 à 16h14
Face à une explosion des chiffres de la délinquance à Bordeaux, les intervenants alertent sur les risques d’amalgame et font la distinction entre deux catégories de mineurs étrangers isolés
« Le sigle MNA, pour « mineurs non accompagnés », cristallise le débat sur les jeunes migrants », n’a pu que constater Me Gabriel Lassort, conseil de nombre d’entre eux. Lors des dernières élections départementales, un tract du RN, signalé par des avocats au parquet, faisait ainsi l’amalgame entre l’explosion de la délinquance à Bordeaux et la prise en charge de mineurs étrangers isolés par le Conseil départemental, leur imputant cette insécurité galopante.
Or, si tous les jeunes étrangers se disant mineurs ne le sont plus nécessairement, tous ces mineurs non accompagnés ne commettent pas des actes de délinquance. « L’usage du terme MNA a été dévoyé pour évoquer de jeunes délinquants, jetant ainsi l’opprobre sur l’immense majorité bien insérée », déplore Marie-Claude Agullana, vice-présidente du Conseil départemental en charge de la protection de l’enfance. « Dans la réalité, les MNA sont des jeunes qui ont affronté de nombreuses difficultés et sont animés d’une vraie envie de réussir et de s’insérer. »
Deux philosophies différentes
Il faut pourtant « éviter les rapprochements inexacts entre MNA et délinquance », met en garde un rapport d’information sénatorial adopté le 29 septembre 2021 par la commission des affaires sociales et la commission des lois. « De fait, une très grande majorité des actes de délinquance commis par des mineurs étrangers ou présentés comme tels ne sont pas le fait de MNA pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance mais plutôt de ‘‘jeunes en errance’’ présentant un profil sociologique distinct. »
« La philosophie n’est pas la même. Certains sont dans une dynamique d’insertion, d’autres sont là pour se procurer de l’argent, dissimulant leur véritable identité »
Christine Campan, responsable à Bordeaux du parquet des mineurs, qu’ils soient auteurs d’infractions et/ou à protéger, ne dit pas autre chose : « La philosophie n’est pas la même. Certains, arrivés en France de la Guinée, du Mali, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, etc., pour des raisons plus économiques que politiques et avec le soutien de leur famille, sont dans une dynamique d’insertion pour vivre régulièrement et durablement en France. Ils vont se saisir de toute l’aide apportée. D’autres jeunes originaires du Maghreb sont là pour se procurer de l’argent et ne souscrivent pas à l’aide à l’enfance, voire quittent les structures quand ils sont pris en charge. Dissimulant leur véritable identité, agissant en groupe, ils vivent en squat et, s’ils ne sont pas systématiquement dans des réseaux, ont au moins un minimum de connaissances dans le monde du recel. Ils peuvent être dangereux et se montrer violents en raison d’une prise de médicaments. »
À Bordeaux, le directeur départemental de la sécurité publique a mis en place un groupe de policiers spécialement chargés de la problématique des jeunes délinquants se disant mineurs pour bénéficier de l’excuse de minorité lors d’un passage devant les juges et pour être considérés comme primo-délinquants à chaque alias utilisé. À force de recoupements, les enquêteurs parviennent souvent à retrouver l’âge réel des jeunes. Un modèle d’organisation permettant de « fixer l’identité » que le rapport d’information sénatorial invite à répliquer sur l’ensemble du territoire.