nne

Lot-et-Garonne : il réhabilite la mémoire d’un résistant de Charente-Maritime exécuté en Indochine
François Cartigny est président du comité pour un mémorial martiniquais de la Résistance, de la déportation et de l’internement, une association patriotique de mémoire. Il s’intéresse particulièrement aux Français morts en Indochine pendant la Seconde Guerre mondiale. © Crédit photo : Collection privée

Par Élian Barascud – agen@sudouest.fr
Publié le 06/01/2023 à 18h48
Mis à jour le 06/01/2023 à 18h56

François Cartigny, juriste retraité vivant à Escassefort (47), vient de faire reconnaître par la cour d’appel administrative de Bordeaux le statut d’interné résistant pour un gendarme de Charente-Maritime tué par les Japonais en Indochine en mars 1945

François Cartigny se dit « fier de cette victoire. » Après quatre ans de recherches et de démêlés judiciaires, cet avocat à la retraite, installé à Escassefort (47), a obtenu le 16 décembre dernier, auprès de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, que soit remis le statut d’interné résistant (un résistant capturé puis mort entre les mains de l’ennemi, NDLR), à Étienne Bétaille, gendarme résistant de Charente-Maritime, mort le 9 mars 1945 en Indochine.

C’est une partie de l’histoire qui demeure encore méconnue et que le juriste tente de mettre en lumière depuis quelques années. En 1945, l’Indochine française (Vietnam, Laos, Cambodge), est toujours administrée par le régime de Vichy, alors que la métropole a été libérée en 1944. Le 9 mars 1945, l’armée japonaise, déjà sur place dans le cadre d’un accord avec le régime du maréchal Pétain, prend le pouvoir par la force, et emprisonne, fusille ou décapite au sabre les Français présents.

« On estime qu’environ 3 000 Français sont morts dans les camps japonais, dont 2 500 militaires, la plupart venant des régiments coloniaux », décrit le septuagénaire, passionné par l’’histoire de la Résistance. En 2016, il avait déjà obtenu que deux soldats martiniquais de l’infanterie coloniale morts dans des camps japonais en Indochine, obtiennent le statut de « mort en déportation », une première pour l’époque.

Étienne Bétaille, gendarme résistant

En 2018, en continuant ses recherches sur ceux qu’il qualifie « d’oubliés de la déportation » pour tenter de réhabiliter d’autres soldats, François Cartigny tombe sur le nom d’Étienne Bétaille dans un « Journal Officiel » de 1947 qui liste des médaillés résistants en Indochine. Ce gendarme de Charente-Maritime né en 1902, entre dans la Résistance en octobre 1942 au sein du réseau Giraud-Lan. Il fait la majeure partie de sa carrière en tant que gendarme en Indochine à partir de 1936. Le 9 mars 1945, alors qu’il est en charge de la garde des docks pétroliers du port de Phu Xuan Hoi (au sud du Vietnam), il meurt tué par les Japonais d’une rafale de mitraillette. Le juriste se demande alors si celui-ci est éligible au statut d’interné résistant.

Étienne Bétaille a été tué en Indochine par les Japonais en 1945.
Étienne Bétaille a été tué en Indochine par les Japonais en 1945.
Collection privée

François Cartigny prolonge ses recherches et découvre que sur un site de généalogie que cet homme a une fille, Lucette, 90 ans, et résidant à Pérignac (17). Il l’appelle pour lui proposer de monter un dossier afin qu’Étienne Bétaille puisse obtenir le statut d’interné résistant et pour que sa fille puisse bénéficier d’une indemnité pour les orphelins dont les parents ont été victimes d’acte de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, au titre d’un décret du 27 juillet 2004. « Pas pour l’argent, mais pour la mémoire de votre père », lui dit-il. Lucette accepte.

Dossier juridique

« Pour monter un dossier, il faut prouver qu’il a été victime d’un acte de barbarie, donc capturé puis tué, puisque le meurtre de prisonniers de guerre est interdit », rappelle le juriste. En 2019, il reçoit du service historique de la Défense des archives militaires de Caen (14) le témoignage d’un ingénieur pétrolier disant qu’il avait entendu des coups de feu lors de la mort du gendarme.

« Pour monter un dossier, il faut prouver qu’il a été victime d’un acte de barbarie, donc capturé puis tué, puisque le meurtre de prisonniers de guerre est interdit »

En novembre 2019, il écrit au Premier ministre pour demander le statut d’Interné résistant et de victime d’acte de barbarie. Le cabinet d’Édouard Philippe déduit du rapport de l’ingénieur pétrolier que Bétaille est mort au combat en se défendant, et non en tant que prisonnier de guerre. En mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers confirme la décision du Premier ministre, sur le même motif. Cependant, François Cartigny s’acharne. « Il me fallait une preuve irréfragable qu’il était mort en tant que prisonnier et pas au combat », explique le juriste.

La preuve est là

En juillet 2021, il se rend au centre historique des archives de Vincennes et trouve un document, signé de la main des chefs du réseau de résistants d’Étienne Bétaille, attestant que le gendarme, « fait prisonnier, a été exécuté en représailles par la gendarmerie japonaise », car il était résistant. La preuve est là.

Armé de ce document, il contacte Françoise Amadio, avocate au barreau de Bordeaux, pour saisir la cour administrative d’appel de cette ville. Le 16 décembre dernier, l’institution a tranché, rejetant les précédentes décisions de justice : « Les personnes arrêtées et exécutées pour acte qualifié de résistance à l’ennemi sont considérées comme internés résistants. » Victoire, Étienne Bétaille obtient ce statut. « Je n’y croyais plus » , confiera la fille du gendarme, soulagée que la mémoire de son père soit enfin honorée à son juste titre.

Images liées:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.