Nés en Ethiopie, ils ont été adoptés comme des milliers d’autres enfants éthiopiens. Arrachés à leur famille par une association malveillante, ils ont atterri dans des familles françaises qui souhaitaient adopter. Aujourd’hui adultes, ils ont pu renouer des liens avec leur famille éthiopienne.

Novembre 2020 : une jeune fille qui a fui, comme des millions d’Éthiopiens, le conflit entre le Soudan et l’Éthiopie dans la région du Tigray.• Crédits : Ashraf ShazlyAFP

Ce sont des histoires marquées par le mensonge et la dissimulation, où se mêlent et s’emmêlent des violences symboliques et physiques, des identités clivées, troublées, brisées. Ils sont nés en Éthiopie mais ont été enlevés à leurs familles, adoptés par le biais d’une association catholique, les Enfants de Reine de Miséricorde.

Samuel est l’un d’eux. Il arrive en France en 1996 avec ses deux sœurs. Il se rappelle peu ses parents biologiques, qui meurent dans son enfance. Avant son adoption via les Enfants de Reine de Miséricorde, il est placé dans un orphelinat.

Je n’étais pas préparé à un départ pour la France. On nous a nettoyés comme des voitures pour qu’on soit présentable. 

Quand il rencontre ses parents adoptifs, catholiques très pratiquants, Samuel reste dans l’incompréhension. Avec ses deux sœurs, il arrive dans le Limousin au sein d’une famille de six enfants, dont deux sont adoptés. 

Son quotidien est marqué par l’absence de plaisir : l’éducation est sévère, ponctuée de corrections corporelles. Si Samuel n’a que peu de souvenirs, il se rappelle son inimitié…

Ils me dégoutaient un petit peu. Lui avait une barbe qui me révulsait. Je trouvais qu’ils sentaient mauvais, je les trouvais moches et effrayants.

À mesure qu’il grandit, les coups et violences augmentent. Sa première sœur finit par quitter le foyer après une scène de violences avec la mère adoptive :

Elle lui mettait des coups sur la tête. Ma sœur s’est levée et l’a plaquée contre le mur, et elle est partie. Là, ça a été un prétexte pour dire que ma sœur était extrêmement violente, que c’était un danger et qu’il fallait la placer.

La seconde sœur de Samuel finit aussi par partir, avant qu’il ne parte lui-même loin de Paris, sans le sou, sans personne.

Je n’ai même pas le sentiment d’avoir été désiré, en fait. Je ne les appelle même pas mes parents, car il n’y a rien en commun entre des parents et ces personnes-là, rien de positif qui nous relie.

Il y a quelques mois, le jeune homme entre en contact avec d’autres enfants adoptés par l’intermédiaire des Enfants de Reine de Miséricorde. Il prend alors conscience que son cas est loin d’être isolé : son identité, comme celles d’autres enfants, a été annihilée.

Ils ont changé toute mon identité. Comme si je n’avais pas d’histoire individuelle. Mon histoire a été éradiquée. 

Malgré les tentatives de dissuasion qu’il rencontre, Samuel parvient à retourner en Éthiopie et rencontrer toute sa famille, y compris son grand père maternel :

Il m’a raconté comment il était venu devant l’orphelinat pour nous prendre chez lui, nous récupérer, et comment on lui avait même interdit de nous voir. Ça ressemble un peu à un enlèvement, quoi. […] Je me demande comment j’ai pu être dépossédé d’une telle partie de ma vie.

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