Publié le 25/01/2023 à 10h26
Écrit par Rachel Cotte et Ingrid Gallou .
Depuis avril 2022, le service gynécologie du pôle de santé du Villeneuvois ne pratique plus d’interruption volontaire de grossesse (IVG), faute de personnel. Le collectif Défense IVG Villeneuve entend bien tout faire pour rétablir l’accès à ce droit sur le territoire.
“Je pense qu’ils n’ont pas conscience de la décision qu’ils ont prise, ni du fait qu’ils se mettent hors la loi. Il y a un droit qui est dénié. C’est un droit qu’il faut défendre.” Attablés à la terrasse d’un café, les membres du collectif Défense IVG Villeneuve organisent leur action. Depuis avril 2022, plus aucune Interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est pratiquée au sein du pôle de santé du Villeneuvois, à Villeneuve-sur-Lot.
Une situation inacceptable selon Luc de Bernis, ancien gynécologue aujourd’hui à la tête des Centres de santé sexuelle de Villeneuve-sur-Lot et Fumel. Alors que l’accès à l’IVG est en principe garanti par la loi, cette fermeture entraîne une réelle inégalité d’accès à ce droit.
Un risque accru de retard de prise en charge
Luc de Bernis entend bien que cette décision, intimement liée à la dégradation de l’hôpital public, n’est pas “volontairement anti IVG“. Elle n’en demeure pas moins une menace au droit des femmes à recourir à l’avortement. “Pourquoi les IVG subissent directement cette dégradation des services ? C’est ça qui est inacceptable“, s’insurge-t-il.
Certaines femmes sont aujourd’hui contraintes de parcourir jusqu’à une heure de route pour avorter.
“Les femmes de la circonscription Villeneuve – Fumel sont obligées de se déplacer, à leurs frais, jusqu’au centre hospitalier d’Agen. Et même plus loin, si les créneaux de prise en charge sur l’Agenais sont complets”Collectif Défense IVG Villeneuve
Ce défaut de prise en charge peut avoir de lourdes conséquences, pour les jeunes filles notamment, qui avortent parfois dans le secret et n’ont pas la possibilité de se déplacer seules. “On reçoit des jeunes femmes, qui peuvent venir de régions éloignées et n’ont pas forcément de moyen de locomotion pour se rendre à Agen, voire Bordeaux. Cela nous inquiète énormément“, affirme Muriel Malvy, présidente de la Maison des femmes de Villeneuve-sur-Lot.
“Nous sommes dans une situation de pénurie médicale”
Le risque est aussi de surcharger les autres centres de santé du département, et, par ricochet, d’allonger les délais. “Nous connaissons une crise importante depuis avril dernier, liée essentiellement à des problématiques relationnelles entre l’équipe des gynécologues obstétriciens et une sage-femme, qui a fini par quitter l’établissement“, résume Bruno Chauvin, directeur du pôle de santé du Villeneuvois, pour expliquer la situation actuelle.
Seuls deux gynécologues obstétriciens exercent aujourd’hui au sein du centre. Ces derniers ne peuvent pas prendre en charge les IVG, en raison d’un emploi du temps déjà chargé, selon Bruno Chauvin. Elles étaient jusqu’alors pratiquées par cette sage-femme, via la voie médicamenteuse uniquement. “Nous sommes en situation de pénurie médicale“, regrette-t-il, tout en se disant bien conscient de l’urgence de la situation. “Je le mesure à deux titres. D’abord parce que c’est réglementaire, j’ai la mission d’appliquer la loi. Et je le mesure aussi par l’inconfort de ces femmes.”
Celui-ci assure que le centre œuvre activement pour le retour de l’accès à l’IVG. “Nous sommes en train d’installer de nouvelles sages-femmes pour voir dans quelle mesure cette activité peut être prise en charge ici, comme ça l’était antérieurement.”
“J’ai des coups de fil de patientes qui ne savent pas où aller”
Désormais installée en libéral, Elodie Viel, qui exerçait au centre de Villeneuve-sur-Lot, dit régulièrement recevoir “des coups de fil de patientes qui sont un peu perdues, qui ne savent pas où aller “. La soignante – à qui les gynécologues du centre ont refusé la convention qui lui aurait permis de pratiquer des IVG médicamenteuses – les oriente alors vers l’hôpital le plus proche d’elles. “Certaines vont à Bergerac, d’autres sur Agen. Mais l’une d’elles a dû aller à Bordeaux, car elle n’a pas réussi à prendre un rendez-vous plus près.”
Des propos qui font écho au témoignage de Marie*. Lorsqu’elle tombe enceinte, elle se trouve sous pilule contraceptive depuis six mois. On lui conseille alors de contacter le pôle de santé de Villeneuve-sur-Lot, qui la renvoie vers l’hôpital d’Agen. Mais à Agen, on lui indique ne pas non plus pouvoir la prendre en charge. “Ils m’ont dit que je ne dépendais pas de ce centre hospitalier”. La jeune femme se trouve alors démunie. “J’ai été très contrariée, je me suis sentie très seule. En France, c’est quand même un droit.” C’est auprès d’une sage-femme libérale qu’elle finira par avorter.
Une pétition lancée
Elodie Viel déplore que cette inégalité d’accès frappe en premier lieu “les femmes les plus précaires ou les femmes les plus jeunes.” “Et même pour celles qui peuvent se déplacer, c’est toujours plus compliqué de rajouter du trajet, d’aller dans un endroit qu’on ne connaît pas.”
Le collectif exige que la situation soit rétablie le plus tôt possible au pôle de santé du Villeneuvois et a lancé une pétition en ce sens. Ses membres ont demandé la mise en place d’une demi journée par semaine consacrée aux demandes d’IVG les plus urgentes. Sans succès pour le moment.
* Le prénom a été modifié.