Femmes des villes, femmes des champs, joli titre pour ces AOC de l’égalité organisés sur l’agglomération de Mont de Marsan et qui fédéraient de nombreuses associations de quartier, des centres sociaux, une librairie, un lycée, des écoles pour un travail au long cours, des ateliers, des créations. Des centaines de personnes, de collégien-e-s et de lycéen-e-s se sont pressés dans les ateliers et pour la visite des expositions au caféMusic’, épicentre de la manifestation. Il a fallu pousser les murs pour la séquence des contes gourmands de la conteuse Halima Hamdane, débordée par l’engouement.
Comment les femmes veulent transformer le monde en 2019 ? C’était aussi le thème de l’apéro débat du soir au caféMusic’ où fut donnée la parole à ces femmes des quartiers qui peu à peu sortent de leur invisibilité et deviennent actrices de leur vie. Pour illustrer le propos, plus tôt dans l’après-midi, la librairie Caractères accueillait une rencontre littéraire autour de la publication d’un livre Nous autres, chroniques d’aventures de théâtre et de femme chez Script éditions. Un récit sous les auspices de Camus, « garder en soi une fraicheur » et d’Erri de Luca « chacun de nous est une foule… » mais aussi RenéChar « il arrive que des actions légères se déploient en évènements inouïs ».
Collectif de Ressources Culturelles Bordonor
Des évènements inouïs qu’explicitent dans l’introduction du livre Geneviève Rando, la cheville ouvrière du projet, longtemps directrice du centre social et familial Bordeaux-Nord (1995-2014). « Oui, cette histoire s’inscrit dans le temps car il faut du temps pour que les choses existent. Elle se déploie et se pavane à la croisée d’espaces imaginaires autant que supposés réels. C’est une histoire dans d’autres histoires, celle de femmes qui se mettent à faire du théâtre et des méandres qui préparent à ce moment-là ».
L’histoire met en scène le Collectif de Ressources Culturels Bordonor crée en 1998 et qui regroupe des structures sociales, culturelles et artistiques dont l’objectif est de favoriser l’accès à ces pratiques pour la population des quartiers nord de Bordeaux. On y retrouve la Boite à jouer, le centre social, le Glob-Théâtre, etc… Puis en 2010 un concours d’heureuses circonstances préside au premier travail théâtral avec des femmes en insertion. Le déclic ! 4 femmes vont porter l’enfant : la comédienne metteure en scène d’origine espagnole Irène Dafonte Riviero, la comédienne Faîza Kaddour, l’animatrice Estelle Tsalavoutas et l’auteure Geneviève Rando. Les actrices se nomment Djahida, Fatna, Viviane, Patricia, nées en Côte d’Ivoire, au Maroc, ou ailleurs, ces quatre-là étaient à Mont-de-Marsan, émissaires de la quinzaine de femmes embarquées dns l’aventure.
Prendre la parole, pas attendre qu’on nous la donne
Des pièces écrites et montées collectivement, jouées à domicile mais aussi à Toulouse, même à Paris. Des pièces intitulées Femmes Collections, Femmes nouvelle Collection, Femmes d’état d’urgence.
Mots choisis : « Le théâtre, c’est des moments à nous, peu importe ce que les autres disent » Viviane
« Le mari ? Tranquille ! Il me laisse, il s’en fout mais il est fier de moi. » Djahida
« Je me suis mise à écrire des choses, des chansons, le regard des autres a changé » Patricia
Depuis que je fais du théâtre, je prends ma parole dans les entretiens d’embauche, les réunions de parents d’élèves »
« Tu es forcément fort quand tu traverses des mers, quand tu perds des enfants, quand tu fais avec la vie que tu as, malgré tout. Tu vis, tu te bats pour tes proches, pour ceux qui te restent. » Estelle dans le livre
Le reste, soit beaucoup plus, est dans ce livre Nous Autres, autres au pluriel mais qui aurait pu tout aussi bien se décliner au singulier : nous, autre dans nos différences et dans nos capacités à faire du commun, et le théâtre est par excellence le lieu du commun.
Jean-François Meekel