On attendait 5 femmes, ce furent 3 hommes qui honorèrent de leur présence et de leurs récits les militants girondins rassemblés dans la salle des fêtes d’un village girondin de l’Entre-deux-Mers. Pas de pub pour cette rencontre au sommet mais un appel à celles et ceux, militants, qui incarnent les combats contemporains. La présentation des représentants présents et les affiches qui décorent la salle situent bien les angles d’attaques : écologie, agricultures alternatives, féminisme, droits des migrants, luttes sociales, gilets jaunes, animateurs de squats… Une petite centaine de personne, beaucoup de jeunes et de femmes, quelques barbudos quand même. L’hôtesse, productrice de fleurs séchées bio fut l’une des responsables de la confédération paysanne et de via campesina mouvement paysan international attaché à la souveraineté alimentaire.
Utopie réelle
Au centre de la salle, sous forme de mandala, une composition florale et légumière réalisée par l’hôtesse, offre au regard tout ce que la terre nourricière propose à nos sens et à nos estomacs. Autour de cette fresque s’organise, dans un cercle incluant, la rencontre. Un rapide tour de table des présents dresse le tableau des luttes dont rien ne semble échapper à nos trois mexicains qui noircissent consciencieusement leurs carnets de notes. Hors leurs prénoms, on ne saura rien de leurs histoires individuelles, il nous fut même interdit de les photographier, sans doute un reste de l’habitude clandestine du mouvement dont ils n’arrivent pas à se débarrasser même en Europe et bien que le vieux continent, et la France en particulier n’ait pas vu d’un bon œil débarqué ses tenants d’une utopie réelle qui passe par la destruction du capitalisme.
Le voyage pour la vie
Un retour en arrière s’impose ici pour situer le cadre de la venue en Europe des Zapatistes dont l’objectif est d’animer un premier voyage pour la vie. Une campagne qui doit peu à peu visiter tous les continents. Ainsi, plus d’une centaine de membres de l’EZNL, l’armée zapatiste de libération national, composant l’escadron 421, femmes majoritairement, mais aussi des enfants, toutes et tous d’origine mayas ont débarqué chez nous. Ces zapatistes ont rebaptisé la France « terre rebelle » Lire ici le reportage de Politis .
et celui de Reporterre
« Prise de pouvoir ? Non, nouveau monde »
Mais il fait savoir gérer l’inattendu avec ces révolutionnaires. Je l’ai rappelé, c’était un groupe de 7 femmes qui était annoncé, puis 5 hommes réduit pour finir à trois et arrivés avec une demi-journée de retard. Il fallut adapter le programme du week-end. Autour du mandala végétal donc puis dehors au soleil, les 3 hommes se sont passé la parole, traduite, pour narrer l’épopée zapatiste. Ils font remonter leur conscience à la situation de leurs ancêtres au Chiapas au début du siècle dernier quand ils étaient outrageusement exploités dans d’immenses finca, taillables et corvéables à merci, pas nourris, à peine payés, violentés, violées, assignés à résidence, ils commencèrent à prendre le maquis et furent partie prenante de la révolution de 1910 qui à travers Emiliano Zapata Salazar vit éclore le zapatisme. Zapata déjà se battait surtout pour obtenir la restitution des terres prises par les grands propriétaires terriens. Prés d’un siècle plus tard, les zapatistes contemporains par la voix de leur leader, le sous commandant Marcos restent sur la même ligne : « Prise du pouvoir ? Non juste quelque chose de plus difficile : un nouveau monde » dit Marcos cité par Françoise Escarpit dans son dernier ouvrage. (1)
Depuis leur réduit du Chiapas, les zapatistes élaborent depuis des décennies une utopie politique concrète faîte d’autonomie autogestionnaire appliquée à la santé, à l’alphabétisation des femmes, à l’enseignement, l’égalité de genre, le contrôle de la production, etc. l’invention d’un nouveau monde avec ses conflits, ses massacres, la répression du pouvoir central mais ses replis stratégiques dans la forêt pour mieux rebondir.
Partage du mandala alimentaire
Un récit résumé ici à l’extrême qui prit l’après-midi entière et la soirée. Les commissions prévues et revues se sont déroulés le dimanche autour de 3 thèmes : agriculture et écologie, démocratie et pouvoir, et mouvements sociaux. Très honnêtement, l’auteur de ces lignes ne fut présent à ces rencontres que le dimanche, il est donc dans l’impossibilité de résumer ces échanges d’un bord à l’autre du monde qui furent passionnants et animés en particulier autour des questions aussi confuses que porteuses de haine que véhicule le Covid et les mesures « liberticides » des différents pouvoirs. Mais Gascogne oblige, il y eut aussi de grands moments partagés autour des chansons et des repas. Des adieux émouvants se déroulèrent autour du fameux mandala alimentaire dont chacun-e emporta une part comme un trophée. Les 3 zapatistes ont repris la route et leur bâton de pèlerin pour le Lot et Garonne et l’Aveyron.
Jean-François Meekel
1 : Zapatistes, les chemins de l’Utopie (Chiapas 2006-2021) Françoise Escarpit. L’Harmattan. Françoise Escarpit est l’invitée des Amis du Monde diplo mardi 19 octobre 19H30