Par Julien Pellicier – j.pellicier@sudouest.fr
Publié le 10/11/2021 à 10h42
Mis à jour le 11/11/2021 à 9h23
HISTOIRE – Le député Damaisin veut réhabiliter la mémoire de Pierre Marraud, un élu de Beauville, comme lui
Les commémorations du centenaire passées, nul n’est – encore – censé ignorer la signification du 11 Novembre. L’Armistice de la Grande Guerre (1914-1918) est célébré chaque année dans toutes les communes de France. Mais ce jour n’est férié que depuis cent ans tout pile et la loi du 10 novembre 1921 qu’a fait voter un certain Pierre Marraud. « Un homme injustement oublié de la postérité, relève le député Olivier Damaisin. Un homme qui a pourtant bâti les fondamentaux de notre mémoire collective. »
Le parlementaire l’avoue aisément. Lui non plus n’avait jamais entendu parler de Pierre Marraud, né le 8 janvier 1861 à Port-Sainte-Marie et décédé le 13 mars 1958 après une riche carrière politique. Celle-ci avait débuté sur le canton de Beauville, dont il a été conseiller général avant d’accéder à la présidence du Département. Étant lui-même un ancien adjoint au maire de Beauville, Olivier Damaisin n’a découvert ce grand homme qu’au « détour d’une conversation avec des amis férus d’histoire locale ». Il veut aujourd’hui réhabiliter sa mémoire.
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Radical-socialiste
Rad-soc, Pierre Marraud a un CV long comme le bras. Membre de la haute administration après des études juridiques, l’homme a commencé sa carrière comme préfet de l’Aude en 1900 avant de glisser vers le ministère des Finances. En 1916, il est nommé directeur général des pensions au ministère de la Guerre, fonction qui le mène à participer aux travaux du Parlement. Il est, dans la foulée, élu pour la première fois au Sénat, le 11 janvier 1920, et siège au sein du groupe de la gauche démocratique, radicale et radicale-socialiste.
Membre de la commission des affaires étrangères et de la commission d’administration générale, il intervient dans les discussions budgétaires et financières avant qu’Aristide Briand ne lui confie le ministère de l’Intérieur, le 16 janvier 1921. À un jour près, il conservera son poste une année entière. Une durée qui peut paraître éphémère aujourd’hui mais qui, en pleine IIIe République, relevait d’une certaine stabilité.
Ministre et sénateur
Elle lui suffit en tout cas pour faire voter, en novembre de la même année, la loi instituant la célébration de l’anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918. Depuis, ce jour est férié. Pierre Marraud, lui, a poursuivi sa carrière : réélu au Sénat, quatre fois ministre de l’Instruction publique (dans les cabinets Poincaré, Briand, Tardieu) il défend ses budgets devant le Parlement et obtient la gratuité des études supérieures.
Au terme du septennat du président de la République Gaston Doumergue, en juin 1931, Doumer l’emporte face à Briand. Devant l’ampleur de l’échec, ce dernier se retire. La gauche, sans candidat, peut compter sur Pierre Marraud qui le remplace. Il n’empêche pas la victoire de Paul Doumer mais a relevé le défi. Au renouvellement triennal de 1933, le Portais met un terme à sa carrière politique, battu par un certain André, fils de l’ancien président Armand Fallières. Un autre illustre lot-et-garonnais.
Le soldat inconnu et Georges Leygues
En 2020, un autre centenaire était célébré. Celui de l’arrivée de la dépouille du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe. Alors président du Conseil, le Villeneuvois Georges-Leygues a tout fait pour s’y opposer. Lui avait une autre idée en tête : célébrer, le 11 novembre 1920, le cinquantenaire de la République. « Le 11 novembre, c’est la fête de la République, c’est la fête de l’armistice, c’est un jour de joie », déclare ce dernier au journal « Le Matin », déclenchant la fureur des ligues des anciens combattants. D’autant plus que le 24 octobre 1920, le Royaume-Uni enterre un soldat, un Tommy (surnom des soldats anglais) inconnu, dans l’abbaye de Westminster. André Paisant, député radical, prend la tête du lobby politique. Les réunions s’enchaînent. Georges Leygues joue la montre et promet une telle manifestation l’année suivante. Elle sera finalement organisée le 18 novembre 2020, à la hâte. Peut-être sous la pression du président de la République, Alexandre Millerand, en raison de rumeurs qui circulaient ? Un groupe d’extrême droite, la Ligue des chefs de section, créé par l’écrivain suisse Binet-Valmer, proche de l’Action française, aurait eu pour projet de déterrer un cadavre anonyme de la Grande Guerre et le jeter sur la route du cortège escortant le cœur de Gambetta vers le Panthéon. D’abord installé dans la salle des Palmes le 18 novembre 2020, le soldat inconnu est inhumé sous l’Arc de Triomphe le 28 janvier 1921. Une flamme éternelle est ajoutée en 1923.
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