La militante et journaliste de 51 ans, actuellement emprisonnée à Téhéran, est récompensée « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous ».
6 octobre 2023 à 12h21
Le Nobel de la paix a couronné vendredi 6 octobre la militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi, actuellement dans une geôle de la République islamique où des femmes, tête nue, font souffler un vent d’émancipation, malgré la répression.
La militante et journaliste de 51 ans est récompensée « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous », a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.
Narges Mohammadi lutte contre le port du voile obligatoire ou la peine de mort, dénonce les violences sexuelles en détention, et poursuit inlassablement son combat, y compris derrière les barreaux de la prison d’Evin à Téhéran, où elle a été réincarcérée il y a plus d’un an.
Arrêtée de multiples fois depuis 1998, Narges Mohammadi a été condamnée à plusieurs peines de prison et doit encore être jugée prochainement pour de nouveaux chefs d’inculpation. Pour l’association Reporters sans frontières, elle est victime d’un « véritable harcèlement judiciaire ».
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L’attribution du Prix Nobel de la Paix à cette femme est hautement symbolique, au moment où le mouvement « Femme Vie Liberté » secoue l’Iran depuis plus d’un an. La contestation, née après la mort d’une jeune Kurde iranienne, Mahsa Amini, décédée en détention après son arrestation par la police des moeurs pour un voile mal porté, a été réprimée dans le sang. Mais pour Narges Mohammadi, le changement est « irréversible ».
« Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d’égalité », répondait-elle récemment à des questions écrites de l’AFP, et il a « affaibli les fondements du gouvernement religieux despotique ».
Pressentiment ou hasard ? Deux mois avant le début des manifestations le 16 septembre 2022, Narges Mohammadi avait fait publier sur son compte Instagram, géré par sa famille, un texte contre l’obligation du port du hijab.
« Dans ce régime autoritaire, la voix des femmes est interdite, les cheveux des femmes sont interdits […] Moi, Narges Mohammadi […] déclare que je n’accepterai pas le hijab obligatoire », pouvait-on lire. Deux mois plus tard, des vidéos montrant des femmes brûlant leur hijab en Iran deviendront virales.
L’ONU demande sa libération
Née en 1972 à Zanjan, dans le nord-ouest de l’Iran, Narges Mohammadi a fait des études en physique avant de devenir ingénieure. Elle s’est lancée parallèlement dans le journalisme auprès de journaux réformateurs.
Dans les années 2000, elle rejoint le Centre des défenseurs des droits de l’Homme (dont elle est aujourd’hui la vice-présidente), fondé par l’avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003. Elle lutte notamment pour l’abolition de la peine de mort.
« Narges avait la possibilité de sortir du pays mais elle a toujours refusé (…) elle s’est fait la voix des sans-voix. Même en prison, elle n’oublie pas ses devoirs et informe sur la situation des prisonniers », confie Reza Moini, un militant iranien des droits humains basé à Paris, qui la connaît bien.
Dans un livre intitulé White torture, elle dénonce les conditions de détention des prisonnières, particulièrement leur mise à l’isolement, sévices dont elle dit avoir été elle-même victime. Elle est actuellement détenue dans le quartier des femmes, avec une cinquantaine de prisonnières, selon son mari Taghi Rahmani.
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Ce prix Nobel représente « un moment historique et important pour la lutte pour la liberté en Iran », a réagi ce dernier vendredi dans un message écrit.
« Nous dédions ce prix à l’ensemble des Iraniens et en particulier aux femmes et aux filles iraniennes qui ont inspiré le monde entier par leur courage et leur combat pour la liberté et l’égalité », ajoute-t-il. « Comme le dit toujours Narges : la victoire n’est pas aisée à atteindre, mais elle est certaine », conclut le texte de Taghi Rahmani.
Les Nations unies ont demandé vendredi la libération de la lauréate du Nobel. « Le cas de Narges Mohammadi est emblématique des risques énormes que prennent les femmes pour défendre les droits de tous les Iraniens. Nous demandons sa libération et celle de tous les défenseurs des droits humains emprisonnés en Iran », a réagi le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, dans un courriel envoyé à l’AFP.