Par sudouest.fr avec AFP
La jeune fille, auteur d’un journal intime à la renommée mondiale, est morte à 15 ans dans un camp de concentration nazi. Une récente enquête lève un voile sur le mystère de son arrestation
Qui a dénoncé Anne Frank et sa famille en 1944 aux nazis ? La question taraude tous les admirateurs de l’œuvre de l’adolescente. Un journal intime, rédigé entre 1942 et 1944, alors qu’elle et sa famille de juifs allemands exilés se cachent dans un appartement clandestin à Amsterdam. Arrêtée en août 1944, elle mourra du typhus en mars 1945, à l’âge de 15 ans, dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, en Allemagne.
Récupéré par son père, seul survivant de la famille, à son retour des camps de la mort, il sera publié en 1947. Traduis en 70 langues, vendu à plus de 30 millions d’exemplaires, il a ému des générations de lecteurs. La jeune fille, qui rêvait de devenir écrivaine ou journaliste, y raconte, son récit accompagné d’une fine galerie de portraits, une adolescence ballottée entre doutes intimes et nécessité vitale de se prémunir d’une époque dramatique, où elle et les siens sont traqués. Jusqu’à l’arrestation de la famille Frank et des quatre amis avec qui elle se cachait. Mais grâce à quels renseignements, alors que leur planque d’Amsterdam, baptisée « l’Annexe », les protégeait si bien depuis deux ans ?
Ce dernier, Arnold Van den Bergh, pourrait avoir révélé où se cachait la famille Frank, affirme l’auteur d’une enquête de six ans sur cette affaire non élucidée, dont les résultats ont été publiés dans le livre « Qui a trahi Anne Frank ? » de la canadienne Rosemary Sullivan, qui paraît ce mardi 18 janvier en français aux Éditions HarperCollins (420 pages, 19 euros).
Les preuves contre M. Van den Bergh ont été étayées par des techniques modernes, ainsi qu’une lettre anonyme envoyée au père d’Anne Frank après la Deuxième Guerre mondiale identifiant le notaire comme un traître.
Le musée de la Maison d’Anne Frank s’est dit « impressionné » par l’enquête menée par le détective à la retraite du Bureau fédéral d’enquête Vince Pankoke, mais a souligné que des investigations plus approfondies étaient nécessaires.
« Cold case » vieux de 77 ans
Différentes théories ont circulé sur ce qui avait mené au raid qui a révélé où se cachait la famille. En 2016, Vince Pankoke, détective à la retraite du FBI, a été enrôlé par un réalisateur de documentaires néerlandais pour diriger une équipe chargée de résoudre ce « cold case ».
Le nom de Van den Bergh, décédé en 1950, avait jusqu’ici reçu peu d’attention. Le notaire était un membre fondateur du Conseil juif, organe administratif que les nazis ont utilisé afin d’organiser les déportations. Selon les enquêteurs, sa famille bénéficiait d’une exemption de déportation, et celle-ci avait été révoquée au moment de la trahison des Frank, mais la déportation n’avait finalement pas eu lieu.
Le notaire disparut des radars à la fin de la guerre, à laquelle il a survécu ainsi que le reste de sa famille. Mais l’élément le plus convaincant a été le sérieux avec lequel Otto Frank a traité l’allégation, ont indiqué les médias néerlandais. Le père d’Anne a déclaré aux enquêteurs en 1964 qu’il avait reçu une lettre peu après la guerre nommant Van den Bergh comme celui qui avait trahi les Frank et plusieurs autres familles juives. Une copie faite par M. Frank de la lettre a été retrouvée par les enquêteurs dans les archives d’un policier.
« Nous n’avons pas de pistolet fumant, mais nous avons une arme chaude avec des douilles vides à côté », a déclaré M. Pankoke, cité par la chaîne publique néerlandaise NOS. Ronald Leopold, directeur exécutif de la Maison d’Anne Frank, a averti que des questions subsistaient sur la lettre anonyme et qu’une enquête plus approfondie était nécessaire.
Questions et doutes
« Vous devez être très prudent avant d’inscrire quelqu’un dans l’histoire comme celui qui a trahi Anne Frank si vous n’êtes pas sûr à 100 ou 200 % de cela », a-t-il souligné.
D’autres experts se sont montrés plus critiques. « Un non-sens diffamatoire », a même réagi avec virulence Bart van der Boom, professeur à l’université de Leiden, auprès de la télévision publique NOS. « Ils (les enquêteurs) disent qu’il ne se cachait pas, donc il a dû acheter sa sécurité d’une autre manière. Mais ils ne savent tout simplement pas où il était », a-t-il ajouté.
La petite-fille de M. Van den Bergh, qui a parlé aux chercheurs de son histoire familiale, a été informée de leurs découvertes le week-end dernier. Elle a refusé de commenter l’affaire à la NOS.