Les événements des derniers jours à Gaza « dépassent l’entendement », dénonce l’ONU. À Paris, une marche silencieuse s’est tenue ce dimanche à l’appel de personnalités de la culture, au lendemain d’une manifestation en soutien à la Palestine.
19 novembre 2023 à 20h53
Près de six semaines après l’attaque du Hamas du 7 octobre, le Qatar et les États-Unis entrevoient, ce dimanche 19 novembre, la perspective d’un accord sur les otages du Hamas.
Les derniers événements à Gaza « dépassent l’entendement », dit l’ONU L’évacuation de l’hôpital Al-Shifa, le plus grand de la bande de Gaza, assiégé depuis plusieurs jours par l’armée israélienne, mais aussi les frappes visant samedi une école abritant des réfugiés dans le nord de Gaza, constituent des « événements horribles [qui] dépassent l’entendement », a dénoncé le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
Les frappes des derniers jours à Gaza « vont à l’encontre des protections élémentaires que le droit international doit accorder aux civils », a-t-il insisté. De leur côté, des équipes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui ont eu accès à l’hôpital Al-Shifa, cherchent toujours à évacuer les derniers patients qui s’y trouvent et ont décrit les lieux comme une « zone de mort ».
Le directeur des hôpitaux de la bande de Gaza a par ailleurs confirmé auprès de l’AFP ce dimanche l’évacuation de 31 bébés prématurés de l’hôpital Al-Shifa et « des préparatifs sont en cours pour les évacuer vers l’Égypte » via le terminal de Rafah. De son côté, l’armée israélienne dit ce dimanche avoir découvert un tunnel long de cinquante-cinq mètres sous l’hôpital Al-Shifa, construction selon elle « au service du terrorisme ».
Des obstacles « mineurs » avant la libération des otages ?
« Les défis qui subsistent dans les négociations sont très mineurs […] Ils sont plus logistiques, ils sont plus pratiques », a déclaré ce dimanche le premier ministre qatari, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, lors d’une conférence de presse à Doha au côté du chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell. Mais le Qatari, qui fait office de négociateur dans ce dossier, n’a pas précisé de calendrier pour autant.
« Nous sommes assez proches d’atteindre cet accord qui permettra de ramener en sécurité ces personnes chez elles [tout en rendant possible] un flux d’aide humanitaire à Gaza », a encore déclaré Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani. Du côté de Washington, un optimisme prudent était aussi perceptible : « Nous sommes plus proches que nous ne l’avons été depuis un certain temps, peut-être plus proches que nous ne l’avons été depuis le début de ce processus », a déclaré le conseiller adjoint à la sécurité nationale américaine, Jon Finer, sur NBC News.
Deux manifestations à Paris, l’une pour « la paix », l’autre pour un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza
Des impatients lancent « Allez, on marche ! », alors que la foule réunie dimanche vers 14 heures sur l’esplanade de l’Institut du monde arabe (IMA), dans le Ve arrondissement de Paris, traîne à se mettre en mouvement. En écho, un autre manifestant, plus loin : « Et la jeunesse, elle est où, y’en a pas ? » Deux femmes plus âgées, indignées, lui répondent tout haut : « Faudrait peut-être déjà commencer par féliciter ceux qui sont venus… »
Comme lors de la manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre, beaucoup parmi celles et ceux qui ont répondu présent·es à l’appel lancé par le collectif Une autre voix, signé par 500 personnalités de la culture, semblent plutôt âgés. Le texte à l’origine de la marche du jour propose de faire entendre « la voix de l’union », face à « l’horreur et la souffrance » provoquée par cette « guerre fratricide » et appelle à la paix.
« Cette voix forte et unie n’a pas besoin de parler parce que le silence, nos visages et nos corps côte à côte sont la plus belle réponse aux vociférations de tous les extrêmes », est-il encore écrit. D’où l’idée d’une marche « silencieuse, solidaire, humaniste et pacifique », qui s’est ouverte par une banderole blanche en tête de cortège.
Sous un ciel clément, les quelques milliers de manifestant·es ont ainsi relié l’IMA au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) dans le IIIe, parcours de part et d’autre de la Seine censé symboliser le refus des organisateurs de « choisir un camp ». Il n’y eut ni slogans ni revendications politiques affichées – une forme de « neutralité absolue », pour reprendre les mots de l’une des initiatrices du mouvement, la comédienne belge Lubna Azabal.
Dans le cortège où flottent quelques drapeaux blancs, on reconnaît aux avant-postes Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart, Ariane Ascaride, Julie Gayet, la journaliste Laure Adler, le dessinateur Philippe Geluck, mais aussi l’actuel président de l’Institut du monde arabe Jack Lang et la ministre de la culture Rima Abdul-Malak – présence plutôt inattendue dans une marche dont la plupart des participant·es revendiquent leur indépendance vis-à-vis de tous les partis, et même qualifiée d’« apolitique » par beaucoup des présent·es.
Un peu plus loin, les comédiens Nicolas Bouchaud, Swann Arlaud et Félix Moati, ou encore l’écrivain Santiago Amigorena défilent aussi. Outre la ministre Rima Abdul-Malak, Yannick Jadot, sénateur écologiste, et Jérôme Guedj, député socialiste, sont présents parmi les politiques. Des applaudissements se sont fait entendre en fin de manifestation, aux abords du Musée d’art et d’histoire du judaïsme.
L’ambiance était bien différente, plus combattive mais aussi beaucoup plus humide, lors de la manifestation pour la Palestine qui s’est tenue la veille à Paris. Des milliers de participant·es ont relié la place de la République à celle de la Nation, dans l’Est parisien, réclamant un cessez-le-feu immédiat sous de puissantes averses. Les organisateurs ont aussi déroulé, en ouverture du cortège, une longue banderole blanche, sur laquelle ils ont expliqué avoir reproduit les noms et prénoms des 4 000 premiers enfants morts dans les bombardements à Gaza.
Si la manifestation de dimanche organisée par des figures de la culture se tenait à distance des forces politiques, celles-ci étaient bien visibles dans le cortège de samedi – mais en deux lieux distincts. Des élues de La France Insoumise, dont Aurélie Trouvé et Mathilde Panot, se sont retrouvées durant quelques minutes aux côtés de Marine Tondelier (Les écologistes), derrière une banderole disant : « Halte au massacre à Gaza et en Cisjordanie / Cessez-le-feu immédiat ».
Également présente à leurs côtés, Sophie Binet, de la CGT, a pris la parole pour le compte du mouvement syndical : « Nous manifestons parce qu’il y a déjà eu trop de sang qui a coulé, plus de 11 000 victimes à Gaza, plus de 30 000 personnes blessées […]. Nous appelons le gouvernement français à jouer son rôle […], la France doit immédiatement appeler à un cessez-le-feu pour que les armes se taisent », a-t-elle lancé.
Un peu plus loin dans le cortège ont marché – pour la première fois– ensemble, sous une même banderole, une coalition de partis de gauche, dont le PCF, le PS, Place publique, Les écologistes ou encore Ensemble. Fabien Roussel, Olivier Faure ou encore Marine Tondelier se sont ainsi retrouvé·es pour réclamer non seulement la libération des otages, mais aussi un cessez-le-feu et la levée du blocus à Gaza, ainsi que la fin des violations des droits humains en Cisjordanie.
Des milliers de jeunes manifestant·es étaient aussi présent·es dans le cortège samedi. Mediapart a déjà enquêté sur le profil de ces nouveaux sympathisant·es de la cause palestinienne.