Sur les 7000 langues parlées dans le monde aujourd’hui, une partie significative serait en danger de disparition. C’est ce qui a poussé l’ONU et l’Unesco à organiser une Décennie internationale des langues autochtones de 2022 à 2032 dans la continuité d’un travail d’alerte mené tout au long de l’année 2019, et en réalité depuis une époque bien antérieure avec notamment, la publication d’un Atlas des langues en danger dont la première édition remonte à 1996. Ces initiatives posent évidemment des questions : les langues vivent et les langues meurent c’est presque dans l’ordre des choses, mais… depuis quelques décennies l’appauvrissement linguistique semble s’accélérer.
Dans certain cas en raison de politiques linguistiques menées expressément par des Etats pour imposer le monolinguisme au détriment des langues locales ; dans d’autres cas les langues sont tout simplement abandonnées par leurs locuteurs pour tout une série de raisons qui ont trait aux modes de vie : migration des populations des campagnes vers les villes, avec des conséquences en termes d’acculturation, d’homogénéisation culturelle. Résultat : ce sont des pans entiers du patrimoine linguistique et culturel de l’humanité qui sont menacés car avec les langues, ce sont des visions du monde qui disparaissent. Pour comprendre ces enjeux ce matin nous allons tenter de dresser un état des lieux général de l’état dans lequel se trouvent aujourd’hui les langues autochtones.
Leur déclin est-il inéluctable ? Quels sont les enjeux de la conservation et de la revitalisation des langues ?
Antoine Dhulster reçoit Bénédicte Pivot, maîtresse de conférence à l’université Paul-Valéry Montpellier 3 et Thomas Pellard, linguiste, chercheur CNRS au Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale (CRLAO) et enseignant à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Seconde partie : le focus du jour
De la Bretagne au Sénégal : la transmission d’une pratique de coercition pour imposer le français à l’école
Au Sénégal, il est surprenant de remarquer, encore aujourd’hui, la pratique du “symbole” : le fait de marquer un élève qui a utilisé sa langue maternelle, et non le français, à l’école, par un signe distinctif, comme accrocher autour de son cou un os, ou un bâton. En effet, cette pratique était répandue en Bretagne à la fin du 19e siècle, lorsque l’Etat français voulait imposer le français sur tout le territoire, et surtout faire disparaître les langues locales. Les élèves qui s’exprimaient en breton en classe ou dans la cour de récréation était donc puni. Dans le même temps, les premiers missionnaires semblent avoir exporté cette pratique, comme technique “éducative” auprès des élèves sénégalais. La transmission de cette pratique, que l’on observe encore aujourd’hui au Sénégal, d’un continent à l’autre témoigne d’une même vision hégémonique du français, bien que son fond idéologique diffère.
Avec Rozenn Milin, historienne et directrice du programme Sorosoro de documentation des langues en danger à travers le monde.
Références sonores
- Extrait du documentaire “Amérique du Sud sans concession. Terres australes” diffusé sur Arte, décembre 2019
- Témoignages, extraits vidéo Brut “La disparition des langues autochtones”, février 2019
- Dr. Taupouri Tangaro, Hawai community college, extrait de la vidéo de Smithsonian Folklife, Avril 2013
- Extrait du documentaire “Armelle”, réalisé par Sébastien Le Guillou, diffusé sur France 3, 25 novembre 2017
Références musicales
- Kerry Leimer – Wajang Kulit
- Miss Agnes et Ipang Aikba – Song of Rama Cay
- Michael Nau – Love survive