Ce rapport émane de l’OMM, l’Organisation météorologique mondiale qui a coordonné le travail d’une quinzaine d’organisations. (Voir Le monde du 28/10) Ses conclusions sont sans appel, en substance, il indique que le continent qui contribue le moins à la pollution mondiale est aussi celui qui aura le plus à souffrir du dérèglement climatique. Alors que ce continent abrite 17% de la population mondiale, il n’est à l’origine que de 3,5% des émissions de CO2. Pourtant , il subit de plein fouet sècheresses, inondations, cyclones et insécurité alimentaire. » Certains pays, notamment en Afrique de l’Est ont basculé rapidement d’un extrême dans l’autre, de la sècheresse aux inondations, et ils n’étaient pas préparés pour y faire face » selon le coordinateur du rapport, Omar Baddour.
L’impasse sur les causes
Ces bouleversements menacent la survie des Africains, la sècheresse affecte les productions agricoles alors que l’agriculture emploie encore 60% de la population. Et selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, le nombre de personnes sous alimentés a progressé, si l’on peut dire, de 46% depuis 2012 dans les pays d’Afrique subsaharienne. Sans oublier les conséquences sanitaires : poussée de dengue, du paludisme et de fièvre jaune. Vertueux rapport qui analyse bien les conséquences tout en faisant l’impasse , comme l’article du Monde d’ailleurs, sur les causes initiales et notamment et surtout le poids massives et déterminants des pays développés dans la crise climatique. Autres absents du rapport, les réfugiés économiques et climatiques qui déjà par millions s’entassent dans des camps dans les pays voisins, ce que Catherine Wihtol de Wenden appelle les « migrations sud-sud » dans son Atlas des Migrations (Autrement 2018). Catherine Wihtol de Wenden qui déjà faisait le constat suivant : « Les difficultés liées à l’environnement sont aussi potentiellement un facteur de migrations : déjà, la désertification touche 1,5 milliard de personnes, notamment en Afrique. Environ 4,5 milliards d’habitants n’ont pas assez d’eau, 1 milliard de personnes pourraient être contraintes de fuir leur habitat et, en 2014, 42 millions ont dû quitter leur lieu de résidence en raison d’événements climatiques. La baisse des ressources halieutiques (pêche) en Somalie a eu pour effet la piraterie dans la mer Rouge, et au Sénégal, la transformation des pêcheurs en passeurs. Le changement climatique pourrait provoquer, selon les experts, 200 millions de migrants supplémentaires en 2050 correspondant à des déplacés environnementaux victimes de catastrophes naturelles (cyclones, tornades, tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunamis, feux de forêt, inondations, tempêtes, fontes de glaciers, sécheresse, déforestation. » N’en jetez plus, la coupe déborde.
Mythe de l’Éden africain
Un autre ouvrage sorti il y a quelques semaines vient aussi éclairer d’un regard nouveau notre rapport , toujours aussi colonial, à l’Afrique : celui de Guillaume Blanc, (1) historien de l’environnement, maître de conférences à Rennes dans son ouvrage L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain ( Flammarion 2020). Une thèse tout-à-fait originale considérant que la protection (préservationnisme) des parcs naturels en Afrique défendu par l’Unesco et le WWF (fond mondial pour la nature) s’apparente à du colonialisme. En l’occurrence, la main mise sur de vastes territoires africains à travers des parcs dit naturels dont on n’a de cesse de chasser les populations considérées comme un obstacle à la naturalisation de ce soi-disant Eden réservé in fine au plaisir des occidentaux. Pour rappel ; 94 millions d’ha déboisés dans les forets en Afrique et en Asie entre 1850 et 1920, fin 19eme 60.000 éléphants tués chaque année dans de grandes chasses par les occidentaux.
« Préserver l’Afrique à travers les institutions d’origine coloniales comme l’Unesco et le WWF nous exonère des dégâts que l’on commet partout ailleurs et nous permet de faire perdurer notre mode de vie destructeur » écrit Guillaume Blanc .
Et pendant ce temps là…on laisse mourir des centaines de migrants dans la Méditerranée et maintenant dans la Manche, on laisse à la rue et aux trous noirs de nos métropoles les migrants qu’on chasse des misérables squats où ils tentent de trouver refuge avec l’aide indispensable des associations.
Et pendant ce temps là… on trouve des centaines, voire des milliers de milliards (de dollars, d’euros, de piastres, de yens, de yuans, peu importe) pour maintenir l’économie à niveau, surtout ne rien changer à ce capitalisme qui détruit de façon désormais sans doute irréversible notre planète et la capacité de l’humanité à s’y maintenir dans la durée…
Jour de colère !
Jean-François Meekel
1 : interview de Guillaume Blanc (par l’auteur de ces liges) sur la radio la clé des ondes (90.1) dans l’émission du guide bordeaux colonial du 28/12. Possibilité d’écouter le podcast.