Le 6 avril 1944, Klaus Barbie ordonne l’arrestation et la déportation d’enfants juifs réfugiés à Izieu dans une maison transformée en colonie de vacances. Après le procès Barbie de 1987, les survivants et leurs descendants fondent une association et font de la maison d’Izieu un lieu de mémoire.

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  • Simon Pintel Psychologue et vice-président de l’association du Musée Mémorial des Enfants d’Izieu
  • Dominique Vidaud Directeur de la Maison d’Izieu
  • Brigitte Sion docteure en performance studies de l’Université de New York, présidente du conseil scientifique du Mémorial d’Izieu

Il est des mots qui s’opposent de manière radicale, des antonymes, des mots qui ne peuvent être associés l’un à l’autre. C’est le cas de “colonie de vacances” et de “rafle”, “d’enfant” et de “déportation”. La Maison d’Izieu est un lieu de mémoire, une mémoire douloureuse. Ce lieu se trouve à Izieu, dans le département de l’Ain, dans le Bugey.

La colonie d’Izieu, des Justes parmi les Nations

Assistante sociale auprès de l’Œuvre de secours aux enfants, Sabine Zlatin est chargée au printemps 1943 de mettre à l’abri un groupe d’enfants juifs. Elle fonde, avec son époux Miron Zlatin, la “Colonie d’enfants réfugiés de l’Hérault”. Dominique Vidaud, directeur de la Maison d’Izieu, nous raconte : “La maison choisie par Sabine et son époux est située au cœur de paysages verdoyants, entre montagnes, falaises et forêts. Située en contrebas du village, la maison d’Izieu est en réalité une ancienne magnanerie où l’on élevait au XIXe siècle des vers à soie. Composée d’une terrasse et d’une fontaine, elle domine la vallée du Rhône. Imposante, la bâtisse enchante Sabine lorsqu’elle la découvre en avril 1943 et parmi les trois maisons que le préfet lui propose, c’est elle qu’elle va choisir sans hésiter“.
Le couple Zlatin, une dizaine d’éducateurs et les enfants s’installent dans une grande maison du village d’Izieu, dans l’Ain. Le village est situé en zone d’occupation italienne, soit un espace de relative bienveillance à l’égard des populations juives : “Ici, vous serez tranquilles”, assure Pierre-Marcel Wiltzer, sous-préfet de Belle, à Sabine Zlatin.

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Le Reportage de la Rédaction

5 min

Le 6 avril 1944, la rafle d’Izieu

En un an, la colonie accueille une centaine d’enfants et d’adolescents. Néanmoins, au printemps 1944, le couple Zlatin a le sentiment que le danger se rapproche. Durant le week-end de Pâques, Sabine Zlatin se rend à Montpellier et rencontre l’abbé Charles Prévost auquel elle demande de l’aide pour disperser la colonie et trouver un autre refuge aux enfants. Seulement, il est déjà trop tard : au matin du 6 avril 1944, à l’heure du déjeuner, un détachement de la Wehrmacht et une voiture de la Gestapo lyonnaise placés sous le commandement de Klaus Barbie arrivent devant la maison. Quarante-quatre enfants et sept éducateurs sont arrêtés, conduits à la prison de Montluc puis à Drancy et Auschwitz où ils seront assassinés.

Simon Pintel, vice-président de l’association Maison d’Izieu et fils de Samuel Pintel, un enfant juif réfugié à Izieu qui a échappé à la rafle, évoque les mémoires de son père : “Mon père a six ans quand il arrive à la colonie d’Izieu, en novembre 1943, et il y reste environ deux mois. Il a très peu évoqué cette période-là, tous ces enfants ont été traumatisés par ce qui leur est arrivé et si mon père se rappelait avoir été dans une colonie telle que celle-ci étant enfant, il ne se souvenait ni du lieu ni du nom. L’histoire revient avec le procès Barbie en 1987. Le procès est très médiatisé et on voit au journal télévisé une manifestation terrible de ce qui se passe à Lisieux, où des gens veulent se recueillir sur la plaque, mais la maison n’est pas accessible. Et mon père, en voyant ces images-là, tout lui revient en détail. Nous apprenons à ce moment-là son histoire et c’est alors que je suis emporté dedans“.

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Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties

Faire mémoire pour ne pas oublier l’horreur

Quelques semaines plus tard, Sabine Zlatin revient à Izieu et découvre la maison mise à sac. Elle récupère et conserve des lettres et des dessins des enfants ainsi que d’autres documents qui constituent aujourd’hui les archives de la colonie : c’est le point de départ d’un long travail de mémoire. Brigitte Sion, présidente du conseil scientifique du Mémorial d’Izieu, témoigne : “Il y a quelque chose de frappant au lendemain de la rafle d’Izieu. Quand Sabine revient après avoir appris que celle-ci avait eu lieu, elle a immédiatement le réflexe de ramasser tout ce qu’elle trouve et qui concerne les enfants : dessins, lettres, elle garde précieusement cette documentation dans l’idée qu’un jour, il faudrait témoigner de ce qu’il s’est passé. C’est déjà le travail de mémoire qui se met en place alors que le drame est encore très récent“.

En 1987, le procès Barbie réunit plusieurs des rescapés et témoins de la rafle du 6 avril 1944. En mars 1988, l’association du Musée mémorial des enfants d’Izieu voit officiellement le jour. Dès lors, la Maison d’Izieu occupe une place centrale dans le paysage mémoriel français.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l’émission…

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Pour en parler

Dominique Vidaud est le directeur de la Maison d’Izieu.

Brigitte Sion est docteure en performance studies à l’Université de New York, spécialiste des musées, des mémoriaux et du patrimoine matériel, présidente du conseil scientifique du Mémorial d’Izieu.

Simon Pintel est le vice président de l’association Maison d’Izieu et fils de Samuel Pintel, un enfant juif réfugié à Izieu qui a échappé à la rafle.

Pour en savoir plus

  • “Une Histoire particulière” sur Sabine Zlatin – diffusion samedi 8 et dimanche 9 avril 2023 de 13h30 à 14h. Un documentaire proposé à Federico Polo Devoto et Yaël Mandelbaum.
  • Un “Esprit des lieux” sur la maison d’Izieu – diffusion samedi 8 avril 2023 de 19h à 19h30. Une émission proposée par Tewfik Hakem.
  • Exposition au musée d’art et d’histoire du judaïsme “Tu te souviendras de moi” – paroles et dessins des enfants de la maison d’Izieu, 1943-1944, du 26 janvier au 23 juillet 2023.
  • Exposition à la Maison d’Izieu – “L’année 1943 à la colonie, dans les collections de la Maison d’Izieu” du 6 avril au 6 octobre 2023.

Références sonores

  • Archive sur le vin de Bugey, Les hommes de la terre Centre Est, 28 mai 1966
  • Témoignage de Samuel Pintel, un des enfants de la colonie d’Izieu, Autrement dit, 23 avril 1994
  • Témoignage de Georges Trobeu, un des enfants de la colonie d’Izieu, Inter soir 19h00, France Inter, 6 avril 2014
  • Témoignage de Julien Favet, ouvrier agricole pendant la rafle d’Izieu, France 3, 7 avril 1984
  • Témoignage de Léon Reifman pendant le procès de Klaus Barbie, Aquitaine Actualités, 30 avril 1987
  • Archive sur la réaction de Sabina Zlatin suite au décès de Klaus Barbie, directrice de la colonie des enfants juifs victimes de la rafle d’Izieu, Journal de 7h00, France Inter, 26 septembre 1991
  • Générique de l’émission : Origami de Rone

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