Par La rédactionPublié le : 13/01/2023
Les 24 humanitaires, poursuivis par le tribunal de Mytilène sur l’île grecque de Lesbos, ont été innocentés de la charge d'”espionnage”. En revanche, ils font toujours l’objet d’une procédure pour trafic de migrants, en cours d’instruction.
Accusés notamment de fraude et d’espionnage, ils encouraient jusqu’à 8 ans de prison en Grèce. La demande de 24 travailleurs humanitaires jugés sur l’île de Lesbos a été entendue. La justice grecque a annulé, vendredi 13 janvier, la procédure qui les visait pour “espionnage”, a annoncé le tribunal où sont jugées ces personnes.
Cette décision met un terme à un procès controversé, dénoncé par l’ONU et des ONG. Une procédure distincte visant ces travailleurs humanitaires, notamment pour trafic de migrants, est toutefois toujours en cours d’instruction en Grèce.
La cour de Mytilène a choisi de mettre un terme aux accusations d’espionnage en raison des vices de procédure, notamment l’absence de traduction de l’acte d’accusation à destination des accusés étrangers, tous d’anciens bénévoles portant secours aux migrants, selon le tribunal.
Des humanitaires pris au piège
“Nous nous sentons comme des otages depuis quatre ans et demi”, a réagi auprès de l’AFP Nasos Karakitsos, l’un des principaux accusés, juste après la décision de la cour.
Parmi les autres accusés figure Sarah Mardini. Cette célèbre réfugiée syrienne qui vit à Berlin s’est fait connaître en 2015 pour ses exploits en mer Egée, lorsqu’elle a, avec sa nageuse olympique de sœur Yusra, aidé à amener le bateau de migrants sur lequel elle se trouvait jusqu’à Lesbos, en nageant à côté, sauvant ainsi les passagers. Celle dont le parcours a inspiré le film Les Nageuses était revenue en 2016 sur l’île, cette fois-ci non plus en tant que migrante, mais comme sauveteuse bénévole au sein d’une organisation récemment créée, Emergency Response Center International (ERCI).
À l’été 2018, elle a été arrêtée pour ses activités au sein de cette ONG, emprisonnée durant 106 jours puis libérée sous caution. Depuis, elle attendait, comme les autres, l’issue du procès.
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Rencontré à Lesbos, l’un des nombreux accusés, Sean Binder a fait part de sa colère et de sa frustration à InfoMigrants durant le procès. Bénévole pour l’ONG Emergency Response Center International (ERCI) durant 10 mois il avait été arrêté, en même temps que Sarah Mardini, en 2018.
Les missions des deux humanitaires consistaient en des patrouilles le long des côtes, jumelles à la main, à la recherche de bateaux en détresse, mais aussi en des interventions au large lorsque la situation le nécessitait. La majeure partie du temps, ils pratiquaient des gestes simples et “des sourires” adressés aux migrants fraîchement débarqués.
Une procédure dénoncée
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies avait demandé auparavant à la justice grecque d’abandonner toutes les accusations retenues contre des humanitaires aidant les migrants.
“Ce genre de procès est vraiment inquiétant, parce qu’il criminalise les actions qui sauvent la vie des gens et crée un dangereux précédent”, a dénoncé vendredi Elizabeth Throssell, une porte-parole du Haut-Commissariat.
La procédure déclenchée en 2018 par l’État grec avait conduit à ce que la plupart des ONG de secours aux migrants cessent leurs activités en mer en Grèce, pays par ailleurs accusé de pratiquer des refoulements illégaux à ses frontières vers la Turquie voisine.
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Présenté comme “la plus grande affaire de criminalisation de la solidarité en Europe” par le Parlement européen, ce procès très médiatisé “pourrait être une blague”, a affirmé Sean Binder, “s’il n’y avait pas des gens qui mouraient (en mer) pendant ce temps.”
L’ONG Amnesty International avait, quant à elle, qualifié ce procès de “farce”, estimant que l’intention serait de dissuader d’autres organisations humanitaires d’aider les migrants et ainsi décourager ces derniers de venir dans le pays.
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