Suite à la crise migratoire de l’automne dernier, instrumentalisée par le pouvoir biélorusse, la Pologne a décidé de dresser un mur “anti-migrants” dans la forêt de Bialowieza.
Il était une fois, un trésor, un sanctuaire. Une forêt du nom de Bialowieza, une forêt primaire. C’est-à-dire une forêt proche de l’état naturel, comme si l’homme, pratiquement, n’y était jamais intervenu. Celle-ci est la dernière, en Europe, protégée depuis le XIVe siècle. Logée sur la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, sur la ligne de partage des eaux entre la mer Baltique et la mer Noire, elle est peuplée de conifères, de feuillus, sur plus de 141 000 hectares.
Et Maintenant ? Suite à la crise migratoire de l’automne dernier, instrumentalisée par le pouvoir biélorusse, la Pologne a décidé de dresser un mur “anti-migrants”. Concrètement, béton et barbelés sur 180 kilomètres de long, 5 mètres de hauteur, qui traverseront la forêt de Bialowieza. Un drame humain. Et une catastrophe pour la biodiversité. Avant d’en évoquer l’impact, Laurent Simon, géographe, professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, nous explique le caractère exceptionnel de cette forêt.
Et puis, c’est une forêt d’une beauté rare, inédite, un enchevêtrement végétal que l’on ne trouve pas dans les forêts gérées, que l’on ne rencontre plus en Europe. D’ailleurs, en polonais, le toponyme Białowieża signifie “tour blanche”. Évocation d’un lieu inaccessible, immaculé. Alors ce mur anti-migrant ne va pas seulement couper la forêt en deux.
Il va bouleverser des espaces alentours qui agissent en complémentarité avec elle et entraîner des milliers d’hectares de déboisement. Ainsi, l’impact sera massif sur la faune et la flore. Notamment, parce que ce mur va rompre une continuité écologique nécessaire.
Face aux inquiétudes de la communauté scientifique et des ONG, le Gouvernement polonais minore. Il brandit la sécurité de la Nation. Et assure que 22 passages seront créés pour permettre aux animaux de migrer. Mais les décisions de Varsovie seront de toute façon impossibles à contrôler.
Puisque la zone demeure très difficile d’accès pour la presse et les associations. Au-delà de ces aspects techniques, il s’agit surtout, selon Laurent Simon, d’un problème politique. Puisque la forêt est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, et reconnue en tant que réserve de biosphère.
Aux frontières des États-Unis, aux frontières de l’Europe, dans des régions multiples autour de la planète, on érige des murs pour empêcher les humains de circuler. Les associations d’aide aux réfugiés ne se doutaient pas que des alliés de choix viendraient rejoindre leur rang : les soutiens de la flore, de la faune, de nos patrimoines naturels. À ceux qui en doutaient encore, les barbelés rappellent l’origine du combat commun.