L’association de soutien aux exilés a présenté son rapport annuel sur les centres et les locaux de rétention administrative. À Bordeaux, si le nombre de personnes enfermées a diminué, la durée de rétention a, elle, presque doublé, passant de 12 à 22 jours en moyenne.
Banalisation des placements en rétention et politique du chiffre : comme chaque année depuis 2011, La Cimade a présenté son rapport annuel sur les centres et locaux de rétention. À Bordeaux, l’association intervient auprès du centre de rétention administrative (CRA) implanté dans les sous-sol du commissariat de Mériadeck.
276 personnes, dont 95 d’origine algérienne y ont été enfermées en 2022, contre 431 en 2021. Une baisse significative qui s’explique, notamment, par l’allongement du temps de rétention et l’ouverture, fin 2021, d’un local de rétention (LRA) administrative à Cenon.
Baisse du taux de libération
Structure de 12 places ouverte dans l’enceinte de la direction zonale des CRS du Sud-Ouest, le LRA de Cenon concerne surtout les étrangers relevant de la procédure Dublin, une procédure d’expulsion expéditive, comme l’a détaillé Pauline Racato, intervenante de la Cimade au CRA de Bordeaux :
« Les personnes enfermées à Cenon y sont pour une durée réduite, souvent 48 heures avant d’être expulsées par avion. Dans les LRA, les droits sont réduits. L’accompagnement juridique tout comme les permanences médicales ne sont pas obligatoires. C’est donc difficile d’avoir des données. »
Au CRA de Bordeaux, la durée de rétention a augmenté, passant de 12 jours en 2021 à 22 jours en 2022, rejoignant ainsi la durée de rétention moyenne dans l’Hexagone qui s’élève à 23 jours. Un allongement qui s’explique, selon l’antenne bordelaise, par une « baisse du taux de libération de la part des juges des libertés et de la détention » (-6% par rapport à 2021) et un prolongement de la durée de rétention. Cette dernière peut être prolongée jusqu’à 90 jours. À Bordeaux, le nombre de personnes enfermées plus de 60 jours a ainsi doublé entre 2021 et 2022.
Amalgame
Nathalie Dugravier, co-présidente de l’association, note que ces enfermements interviennent dans un contexte politico-médiatique d’amalgame entre « immigration et délinquance ». Un discours porté et accentué par le ministère de l’Intérieur : en novembre 2022, à la suite de l’affaire Lola, Gérald Darmanin, dans une lettre aux préfets, leur a demandé « d’appliquer à l’ensemble des étrangers sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) la méthode employée pour le suivi des étrangers délinquants ».
Selon la Cimade, cela a entraîné une « recrudescence de profils normalement protégés de l’expulsion » – personnes arrivées en France avant l’âge de 13 ans, parents d’enfants français, certains malades – « faisant fi de leurs situations personnelles ». L’association cite « un réfugié cambodgien arrivé en France à l’âge de 3 ans à qui la protection a été retirée, ne sachant pas parler un mot de Khmer et dont toute la famille est naturalisée en France », ou encore un Camerounais « souffrant d’une lourde pathologie psychiatrique » et dont le traitement est inaccessible dans son pays d’origine.
Accélération des expulsions ?
Dans ce climat, la Cimade s’inquiète de la future loi « asile et immigration » qui doit être étudiée à l’automne prochain. Maria Lefort, membre du groupe local, s’alarme d’une accélération dans les politiques d’expulsion :
« Aujourd’hui, c’est l’Opfra [Office français de protection des réfugiés et apatrides, basé en région parisienne, NDLR] qui s’occupe des demandes d’asile. La future loi prévoit la création de pôles asile dans chaque préfecture pour regrouper les services. On peut donc se poser la question du maintien de l’indépendance de l’Opfra et de l’égalité de traitement sur tout le territoire. »
Enfin, alors qu’un CRA de 140 places doit voir le jour sur le site du Bioparc de Mérignac d’ici à fin 2025, l’association continue de dénoncer un « instrument central de la politique migratoire française », lieu de privation des libertés où des « personnes qui n’ont commis aucun délit sont enfermées ».