Par Yannick Delneste
Publié le 12/03/2023 à 12h17
La street-poétesse vient de publier son troisième livre, journal intime et familial à trois voix, entre France et Espagne, entre franquisme et féminisme
« L’écriture de ma mère est petite, très étirée, elle semble en avance sur sa pensée ou d’une dictée qu’on lui ferait. » Quand elle revient à Bordeaux en 2015, après une première époque adolescente, Nathalie Man fréquente le milieu BD, imagine déjà un scénario autour de sa mère, puis une fiction littéraire. Les ébauches restent là. La jeune femme se fait bientôt connaître pour ses courts poèmes collés sur les murs.
« Pendant l’heure de sortie autorisée lors du premier confinement, j’ai vu ma mère et l’ai interrogée sur sa vie », explique l’autrice de bientôt 36 ans. « Elle m’a confié ses journaux intimes, sa correspondance nourrie avec sa propre mère notamment. » Nathalie confirme sa vision de Pili qu’on surnommait « Manolito » (« garçon manqué ») : « Un Don Quichotte au féminin qui n’a pas le droit de perdre espoir malgré les épreuves, avec l’honneur d’un chevalier. » Et un constat : « les hommes sont absents de nos familles. »
La mère-pilier
Le nouveau roman de l’artiste décline ainsi au rythme des confessions de la grand-mère, de la mère et de la petite-fille, trois voix qui se libèrent chacune à leur manière. Trois générations dessinant un siècle, prenant sa source dans l’Espagne catholique et franquiste, corsetée, ultra-catholique et fasciste, bientôt insupportable pour la mère qui bientôt s’exile. Nathalie Man fait vivre intensément ces trois femmes, toutes confrontées à la précarité liée au patriarcat, son oppression physique (violences) ou économique.
Sur le même sujet
Au milieu de ces trois personnages, celui de la mère bouleverse par sa résilience, sa force intérieure qui lui permet de trembler et de subir souvent, mais de toujours se relever. « Elle ne tombera jamais », écrit Nathalie Man sur la fin de ces 120 pages qu’on aurait aimées encore plus fournies, pour mieux partager ces existences. Car on est heureux de faire connaissance avec ces trois femmes.
« Les Hommes sont absents » aux Éditions Lanskine. 15 euros. Rencontre avec Nathalie Man jeudi 16 mars (18h30) à la Machine à Lire, place du Parlement à Bordeaux.