Emmanuel Macron était mardi à Jérusalem pour s’entretenir avec Benyamin Netanyahou de l’offensive menée par l’armée israélienne à Gaza. La ville sainte cristallise les tensions entre les trois religions monothéistes. À l’aune de ce conflit, quelles dynamiques sont observées entre les communautés ?
Avec
Frère Olivier-Thomas Venard Vice-directeur de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, directeur exécutif du programme de recherches La Bible en ses traditions
Sylvaine Bulle Sociologue, chercheuse à l'EHESS et professeure de sociologie à l'ENSA de Paris Cité
Les démonstrations de haine contre les chrétiens en hausse
Si les actes de haine à l’égard des chrétiens ont toujours existé en Israël, le phénomène est en hausse, selon Frère Olivier-Thomas Venard : “C’est vrai qu’avec le gouvernement israélien actuel, qui sont des gens poursuivis par la justice de leur propre pays, il y a un déblocage de la parole et des comportements. Je dis à ceux tentés par l’identitarisme quel qu’il soit : voilà ce que ça donne lorsque la parole est relâchée.”
Jérusalem : sociologie d’une ville fracturée
Sylvaine Bulle décrit la ville sainte comme un espace marqué par beaucoup de visions, de tensions et d’appropriation : “C’est une somme de mosaïques. Ce qui reste de Jérusalem en tant que ville symbolique, spirituelle et culturelle, c’est malheureusement son passé.”
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Elle revient sur la démographie de la ville. Il existe une division sociale entre les Juifs ashkénazes et les Juifs orientaux, issus pour la plupart de l’Irak ou du Yémen notamment. Selon la sociologue, deux catégories de populations quittent la ville : les ashkénazes et les étudiants, ce qu’elle considère comme une grande perte. Sylvaine Bulle distingue également les Palestiniens de Jérusalem-Ouest, ayant la nationalité israélienne, et ceux résidant dans l’est. Ces derniers disposent d’un permis de résidence et de travail, ont le droit de vote, mais n’ont pas de passeport national : “cette catégorie concerne 300 000 personnes. Je qualifierai ce phénomène de périphérisation des esprits. Tous les Palestiniens travaillent en Israël, mais il n’y a jamais eu aucune appartenance politique ni culturelle à la ville de Jérusalem, car l’annexion n’est pas reconnue.”
À écouter : Jérusalem : pourquoi les Chrétiens veulent-ils “une zone spéciale” ?
Les Enjeux internationaux
15 min
Une cohabitation possible ?
Si la cohabitation semble impossible, la sociologue perçoit un signe d’espoir : “les seuls espaces de cohabitation, en dehors des commerces, sont les universités et l’hôpital. Au sein de l’université hébraïque, 30 % des étudiants sont palestiniens. Cela est très précieux en termes de savoir et d’émancipation des esprits dont Jérusalem a besoin”.
Depuis le 7 octobre, la ville de Jérusalem est à l’arrêt : les hommes israéliens ont été recrutés dans la réserve et les Palestiniens ne disposent plus de permis de travail. Mais elle croit en la capacité de la jeune génération à se mobiliser : “je pense que la jeune génération de Jérusalem-Est est capable de se regrouper en communauté, d’élaborer son propre narratif. Il existe des activistes écologistes qui se mobilisent. Les Palestiniens ne votent plus depuis l’annexion en 1967, conformément au mot d’ordre de l’Organisation de Libération de la Palestine. Mais une liste municipale sera candidate aux prochaines élections municipales en 2024”, déclare Sylvaine Bulle.