Chers amis, en cette fin d’année, ces paroles du poète syrien Mohammed al-Maghout me hantent : « La joie n’est pas mon métier ! » L’une des raisons est que je n’arrête pas de penser à un autre poète, le Palestinien Ashraf Fayad, condamné à huit ans de prison en Arabie Saoudite. Alors qu’il devait être libéré il y a plus d’un mois, il reste toujours incarcéré au mépris de ses droits les plus élémentaires. Je dois dire que j’ai remué ciel et terre depuis des années pour attirer l’attention sur le scandale de son emprisonnement et pour exiger sa libération. Sans résultat, hélas ! Je ne veux incriminer ici personne pour la mollesse de la mobilisation en sa faveur, atteignant l’indifférence notamment dans le monde arabe, y compris dans les milieux palestiniens influents. J’exprime simplement mon indignation et ma grande tristesse de voir abandonné un homme qui n’a eu pour seul tort que d’exercer son parler vrai de poète. En vous livrant le poème qui va suivre (écrit récemment), j’essaie de partager avec vous ces sentiments et j’aspire à cette consolation que la poésie peut parfois nous apporter
:J’ai un ami en prison.
Je pense à lui tous les jours et souvent me perds… dans ses pensées
Est-ce bien lui qui, le soir après l’extinction des lumières s’allonge sur sa paillasse ou est-ce moi ?
De lui ou de moi qui déambule,
hagard dans la cour de promenade mange sa pitance sans appétit retient ses larmes en écrivant des lettres à sa bien-aimée ?
Mon ami a été condamné pour “apostasie” : un livre où imprudent comme tout poète qui se respecte il a fait peu cas de la censure et de l’autocensure. Des propos assez libres sur la religion tenus dans un café et rapportés par un voisin de table très très intéressé Il a passé maintenant sept années en prison et il lui en reste une à purge la plus dure si j’en juge d’après mon expérience en la matière. Sa peine ayant été assortie de huit cents coups de fouet il en a reçu plus des deux tiers et devra recevoir le reste avant son élargissement. Mon ami n’a pas toujours le moral, Il a dépassé le stade de la colère noire puis froide. C’est qu’il ne sait plus dans quel monde il vit et se sent exilé au sein de l’humanité. Dans l’étau de laideur où il étouffe comment peut-il continuer à caresser de la beauté ne serait-ce que l’idée ? Sa solitude est plus tyrannique que celle de l’incommensurable désert qui l’entoure. J’ai un ami en prison et je pense à lui aujourd’hui comme les autres jours.
Renseignements utiles :Nom : Fayad Prénom : Ashraf Date et lieu de naissance : 1980 à Gaza Nationalité : néant Statut : réfugié palestinien en Arabie SaouditeLieu de détention : une prison au nom imprononçable près de Djeddah