Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé de manière répétée une force injustifiée et excessive contre des manifestants palestiniens à Jérusalem-Est occupée. Des actes contraires au droit international.
D’un côté, 840 Palestiniens ont été blessés en 4 jours. De l’autre, la police israélienne compte au moins 21 policiers et sept civils israéliens blessés.
Depuis le début du ramadan, le 13 avril, les tensions n’ont cessé de croître alors que des Palestiniens manifestaient contre les restrictions israéliennes qui limitent leur accès à la porte de Damas, une des entrées principales de la vieille ville de Jérusalem. Le 26 avril, face aux manifestations persistantes, les autorités israéliennes ont levé les restrictions. En parallèle, la colère est également montée car quatre familles palestiniennes de Sheikh Jarrah (un quartier palestinien de Jérusalem-Est) étaient sous la menace d’une expulsion imminente au profit de colons israéliens.
Nous appelons les autorités israéliennes à mettre fin immédiatement aux expulsions forcées dans le quartier de Sheikh Jarrah et aux déplacements forcés de Palestiniens établis à Jérusalem-Est.
Des preuves accablantes de la violence des autorités israéliennes
Nous avons des preuves qui révèlent que les forces israéliennes ont recours à une force disproportionnée et illégale contre des manifestants palestiniens très majoritairement pacifiques, ces derniers jours. Parmi les personnes blessées lors des violences à Jérusalem-Est figurent de simples passants, ainsi que des fidèles venus à la mosquée pour les prières du Ramadan.
« Je couvre les événements à Jérusalem depuis 10 ans […] et je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Tout le monde était une cible, j’aimerais dire que c’étaient des tirs aveugles, mais ce serait un mensonge.
Un journaliste palestinien
Ces violences mettent en évidence la volonté d’Israël d’étendre ses colonies illégales. Depuis plusieurs jours, les autorités israéliennes intensifient les expulsions forcées de résidents palestiniens à Sheikh Jarrah, afin de permettre à des colons israéliens de s’y installer . Ces expulsions bafouent de manière flagrante le droit international et pourraient s’apparenter à des crimes de guerre.
La mosquée al Aqsa prise d’assaut
Entre le 7 et le 10 mai, plus de 470 Palestiniens ont été blessés lors de raids violents des autorités israéliennes contre la mosquée al Aqsa. Selon des témoins oculaires, et les vidéos et photographies de nos chercheurs, les forces israéliennes ont dispersé violemment des manifestants et des fidèles en tirant des projectiles de 40 mm et des grenades dans l’enceinte de la mosquée.
« Ils savaient exactement qui et où ils visaient avec leurs balles et leurs grenades. La plupart des personnes ont été visées au niveau de la partie supérieure du corps (yeux, visage et torse). »
Un journaliste palestinien
En réponse, les manifestants d’al Aqsa ont lancé des pierres et allumer des feux pour se défendre contre des forces israéliennes à cheval et en tenue antiémeute. Sur les 300 personnes blessés le 10 mai, 250 ont dû être hospitalisées et 7 sont dans un état critique.
Selon un autre témoin, les forces israéliennes ont tiré des gaz lacrymogènes depuis les toits avant que d’autres unités ne prennent d’assaut l’esplanade des Mosquées depuis la porte des Maghrébins, dans la vieille ville.
« Ils ont continué à avancer en repoussant les gens dans la mosquée al Aqsa, verrouillant [les portes] avec des chaînes métalliques […] puis brisant une fenêtre pour lancer des gaz lacrymogènes sur des personnes littéralement enfermées, avec peu de place pour respirer ou recevoir une aide médicale […] »
un témoin de l’assaut de la mosquée al Aqsa
Ce témoin a également rapporté avoir vu les forces israéliennes battre des passants et arrêter des véhicules qui évacuaient des personnes blessées pour photographier celles-ci avant de les laisser partir. Il a lui-même reçu un tir au niveau du torse alors qu’il s’approchait d’un soignant blessé.
Des expulsions massives et illégales dans le quartier de Sheikh Jarrah
Nahalat Shimon International, une organisation de colons israéliens, a engagé des poursuites pour saisir les habitations de dizaines de familles à Sheikh Jarrah et les transférer à des groupes de colons. Depuis, quatre de ces familles sont sous la menace imminente d’une expulsion forcée. Pour rappel, le transfert forcé d’une population dans un contexte d’occupation est interdit par le droit international humanitaire et constitue un crime de guerre selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Pour protester contre ces expulsions illégales, les Palestiniens de Sheikh Jarrah ont organisé des manifestations nocturnes. En réponse, les autorités israéliennes ont là aussi utilisé la force de manière excessive contre les manifestants pacifiques et les habitants du quartier : utilisation infondée de grenades assourdissantes et incapacitantes, recours injustifié à des canons à eau putride, arrestations arbitraires.
« Sheikh Jarrah envoie un message au monde entier, y compris au Congrès américain, au Parlement britannique, au Parlement français, au Parlement européen et à la Cour pénale internationale : ce qui nous arrive est un crime de guerre. »
Nabil el Kurd, un des habitants menacés d’expulsion forcée à Sheikh Jarrah
Le 9 mai, des chercheurs d’Amnesty International ont été témoins d’une attaque perpétrée par les forces israéliennes, en l’absence de toute provocation, contre un groupe de manifestants pacifiques à Sheikh Jarrah. Ce groupe d’une dizaine de manifestants pacifiques scandait des slogans contre les projets imminents d’expulsion de familles palestiniennes. Ils étaient simplement là pour défendre leurs droits et pour appeler au respect du droit international. Les manifestants se trouvaient à au moins 10 mètres des forces israéliennes quand celles-ci se sont approchées à cheval, et ont frappé les membres du groupe pour les disperser. Un de nos chercheurs qui observait la manifestation a également été frappé. Les résidents ont été contraints à rentrer chez eux et cinq hommes ont été arbitrairement arrêtés.
Au lieu de continuer à bafouer les droits des habitants et habitantes de Sheikh Jarrah et des personnes qui leur témoignent leur solidarité, les autorités israéliennes doivent immédiatement renoncer aux expulsions forcées prévues.
Face à ces crimes de guerre, quelle sera la réponse de la communauté internationale ?
Il ne faut pas laisser Israël continuer à se livrer à des actes de violence aveugle contre des Palestiniens et Palestiniennes qui ne font que défendre leur droit d’exister et protestent contre leur déplacement forcé. Se contenter d’exprimer des préoccupations face au mépris total d’Israël pour ses obligations en vertu du droit international ne suffit pas. Il faut que ces violations flagrantes soient clairement et fermement dénoncées, y compris les déplacements forcés, l’expansion des colonies illégales et la répression brutale des personnes qui manifestent contre ces graves violations.
Dans l’immédiat, nous appelons les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir en séance publique et le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient à informer les États membres. Nous appelons également toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et à prendre toutes les précautions possibles pour éviter de blesser des membres de la population civile. Enfin la communauté internationale doit amener Israël à rendre des comptes pour les violations systématiques des droits humains qu’elle commet au regard du droit international.