Débat sur l’immigration : “En voulant toujours pourchasser le prétendu appel d’air, on se trompe de combat”, affirme la Cimade
Alors que le débat sur l’immigration s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale, le président de l’association qui vient en aide aux migrants estime sur franceinfo qu’il vaut mieux “intégrer correctement les personnes, plutôt que de les maltraiter par des réductions de droits”.
Christophe Deltombe, le président de la Cimade, en octobre 2018 à Sète. (S CAMBON / MAXPPP)
“En voulant toujours pourchasser le prétendu appel d’air, on se trompe de combat“, a affirmé lundi 7 octobre sur franceinfo Christophe Deltombe, le président de la Cimade, à propos de l’ouverture du débat sur l’immigration à l’Assemblée nationale. Le coup d’envoi sera donné à 16 heures par le Premier ministre, tout juste un an après la promulgation de la loi asile et immigration. Selon le président de cette association de défense des étrangers, “on n’arrêtera pas l’immigration dans toute l’Europe, c’est un phénomène mondial et historique. Il faut plutôt envisager les choses sous un angle beaucoup plus ouvert et considérer qu’il vaut mieux intégrer correctement les personnes plutôt que de les maltraiter par des réductions de droits“.
franceinfo : Emmanuel Macron veut davantage contrôler les aides aux migrants, l’AME (l’aide médicale d’État), dont il dénonce certains excès. Est-ce qu’aujourd’hui, il y a des abus à votre avis ?
Christophe Deltombe : Quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que les abus tels qu’ils ont été quantifiés s’élèvent à 0,06%. Il n’y a absolument pas d’abus, c’est quelque chose qui est tout à fait sous contrôle de l’État. Ce que veut dire peut-être le chef de l’État, c’est qu’il considère que trop de personnes voudraient profiter de l’AME en venant en France. Là encore, les études montrent que le critère de recherche de soins n’est pas le critère, il est extrêmement marginal pour venir en France. Par conséquent, je ne vois pas très bien pourquoi on s’attaque à l’AME qui est une aide médicale extrêmement réduite par ailleurs et qui concerne les soins les plus importants.
La couverture médicale universelle complémentaire (CMUC), accessible sous condition de ressources à tous les étrangers en situation régulière, provoquerait “un tourisme médical” selon le ministre du Logement. Qu’est-ce que vous lui répondez ?
C’est encore inexact, sur quels chiffres s’appuie-t-il pour dire des choses pareilles ? C’est inexact encore une fois que l’on vienne en France pour des raisons médicales. Même s’il est vrai que la France s’enorgueillit d’avoir un système médical qui couvre les personnes qui sont sur le territoire d’une manière à peu près correcte. Pour autant, ça n’est pas exact de prétendre qu’il y a un tourisme médical.
Ce débat à l’Assemblée nationale part-il sur des bases biaisées ?
Il faut revenir à la formule que vous avez rappelée au début : la France est trop attractive. Alors qu’est-ce que l’on cherche ? On va essayer de réduire par tous les bouts ce qui est offert aux personnes qui arrivent en France. Il faut regarder ce qu’il en est, parce que les chiffres sont extrêmement maigres. Prenez par exemple l’allocation qui est donnée aux demandeurs d’asile. Là aussi c’est quelque chose qui est dans le collimateur. Il faut savoir que 6,80 euros sont donnés par jour et par personne pour ceux qui arrivent en France et si jamais cette personne n’est pas hébergée par les dispositions de l’État, il touche 7,40 euros. Est-ce que vous croyez qu’on peut trouver une chambre d’hôtel à 7,40 euros par jour ? C’est vraiment des sommes extrêmement réduites qui sont données, et là aussi apparemment l’État voudrait s’attaquer à ces allocations. Je pense que là encore, en voulant toujours pourchasser le prétendu appel d’air, on se trompe de combat. On n’arrêtera pas l’immigration dans toute l’Europe. C’est un phénomène mondial et historique. Il faut plutôt envisager les choses sous un angle beaucoup plus ouvert et considérer qu’il vaut mieux intégrer correctement les personnes plutôt que de les maltraiter par des réductions de droits, des réductions d’avantages au-delà duquel d’ailleurs on s’aperçoit qu’on ne remplit pas nos obligations, parce que si vous prenez les demandeurs d’asile, 50% seulement sont hébergés alors qu’ils devraient l’être tous et beaucoup sont dans les camps, dans les rues alors même qu’ils devraient l’être.