Par La rédactionPublié le : 09/03/2023
Selon une enquête du quotidien espagnol El Pais, les autorités grecques ont volé en six ans 2,2 millions d’euros aux migrants qui tentaient de rejoindre le pays depuis la Turquie voisine. Cette somme comprend l’argent liquide subtilisé par les garde-côtes, mais aussi des objets de valeurs comme des téléphones portables et des bijoux.
C’est une somme colossale. En six ans, le montant de l’argent volé par les autorités grecques à des migrants qui ont essayé de traverser la frontière avec la Turquie s’élève à 2,2 millions d’euros. Ce chiffre a été révélé par une enquête menée par le quotidien espagnol El Pais, basée notamment sur les données d’ONG et d’avocats. Il comprend de l’argent liquide ainsi que des objets de valeurs comme des téléphones portables et des bijoux.
Selon les journalistes, cette somme pourrait même être “considérablement plus élevée” car nombre de renvois et de vols ne sont pas répertoriés par les humanitaires.
Des pratiques devenues systématiques
Les violences aux frontières grecques sont depuis des années documentées par les ONG et des médias. Les autorités grecques sont régulièrement accusées de pratiquer des “pushback” en mer Égée et le long du fleuve Evros, au mépris du droit d’asile.
InfoMigrants a reçu de nombreux témoignages d’exilés faisant état de refoulements violents et illégaux, ainsi que de vols de biens personnels. Brian, un Camerounais, avait raconté l’an dernier à la rédaction sa traversée de la mer Égée. Alors qu’il n’était qu’à quelques kilomètres de l’île grecque de Samos, l’embarcation dans laquelle il se trouvait a été interceptée par un navire floqué d’une “insigne en forme de drapeau grec et un autre de l’Union européenne”, selon son récit. Braqués par trois hommes masqués, les naufragés ont été forcés de monter sur leur bateau et dépouillés de leurs affaires, avant d’être renvoyés côté turc.
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Ces pratiques, rares en 2017, sont devenues systématiques ces dernières années, d’après El Pais. La Commission nationale grecque des droits de l’Homme indique que 93 % des migrants expulsés par la Grèce ont été extorqués en 2022.
Interrogée par le quotidien espagnol, la chercheuse Eva Cosse de Human Rights Watch (HRW) estime que le vol de téléphones et d’argent vise à dissuader les exilés de retenter leur chance à la frontière avec la Turquie. “Lorsque vous leur enlevez leur téléphone, vous vous débarrassez de toute preuve qu’ils étaient là. Lorsque vous prenez leur argent, vous leur rendez la vie plus difficile”, a-t-elle expliqué.
Vols accompagnés de violences
En outre, ces vols sont souvent accompagnés de violences. De nombreux migrants assurent avoir été agressés lors de “pushback”. La Commission nationale grecque des droits de l’Homme rapporte que 88% des exilés affirment avoir été violentés avant leur renvoi en Turquie.
Les migrants se disent victimes d’insultes et de coups. Certains ont également été expulsés des eaux grecques sur des radeaux pneumatiques, voire même jetés à l’eau. En septembre 2021, deux personnes sont mortes noyées et une a disparu après avoir été battues puis jetées à la mer par les autorités grecques, avait révélé quelques mois plus tard une enquête de plusieurs médias.
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Une autre pratique, relativement rare, tendrait à se généraliser. Des migrants ont été à plusieurs reprises retrouvés complètement nus par les Turcs près de la frontière. “Lorsque vous les laissez nus, une autre tendance à la hausse, vous les humiliez et les démoralisez”, insiste la chercheuse Eva Cosse. Une énième technique pour empêcher les exilés de retenter le passage.
Malgré cette volonté de dissuasion d’Athènes, les arrivées de migrants ont considérablement augmenté l’an dernier. En 2022, 18 775 personnes ont débarqué sur le sol grec, contre 9 026 en 2021, selon les données de l’Organisation internationale des migrations (OIM).