Par Sophie Landrin (Hathras, Uttar Pradesh, envoyée spéciale)
C’est une maison en briques d’allure banale dans un village de l’Uttar Pradesh on ne peut plus commun, plantée au milieu des champs, dont l’accès est désormais gardé en permanence par vingt policiers en treillis, armés de fusils. Un contingent a été assigné par les autorités pour en contrôler l’entrée jour et nuit, et surveiller les faits et gestes de ses occupants. Outre un mirador, huit caméras de vidéosurveillance enregistrent le moindre mouvement. Dans la cour d’une maison voisine, le visiteur a obligation de consigner dans un registre ses identité, adresse et téléphone, avant de passer par un portique équipé d’un détecteur de métaux.
Voilà plus d’un an qu’à Hathras, dans ce district du nord de l’Inde, la vie d’une famille de dalits (« opprimés », le nom que se sont choisi les anciens « intouchables ») a basculé dans un cauchemar sans fin. Le 14 septembre 2020, leur fille, 19 ans, partie ramasser du fourrage, a été victime d’un des viols collectifs les plus sordides de ces dernières années. Asha (un nom d’emprunt, car la loi indienne protège l’identité des victimes d’un crime sexuel) avait été assaillie par quatre hommes qui, après avoir abusé d’elle, l’ont traînée par le cou avec son foulard, lui brisant la colonne vertébrale.
Crémation forcée
Sa mère l’a retrouvée dans le champ, inconsciente, nue, du sang dans la bouche et dans les yeux. Asha a succombé à ses blessures deux semaines plus tard, le 29 septembre, dans un hôpital de la capitale, à 200 kilomètres au nord du village. Sur son lit de mort, elle avait identifié ses violeurs, quatre thakurs, membres d’une haute caste dominante dans la région, dont son principal agresseur qui vivait à dix mètres de chez elle. Asha était une walmiki – une dalit – tout en bas de la hiérarchie hindouiste. Quelques heures après son décès, les policiers s’étaient emparés de son corps et l’avaient incinéré sans le consentement de sa famille, cloîtrée dans sa maison, privée des derniers adieux et rituels religieux.Une seconde tragédie.
Le drame a secoué le pays tout entier. Les médias ont afflué par dizaines, l’opposition aussi. Considéré comme le principal adversaire du premier ministre, Rahul Gandhi s’est déplacé avec sa sœur Priyanka Gandhi Vadra, secrétaire générale du Parti du Congrès en Uttar Pradesh,pour étreindre les parents éplorés sous l’objectif des caméras. Le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti au pouvoir au plan national et dans cet Etat, s’est au contraire efforcé de protéger les thakurs. La police locale, qui avait tenté de disculper les agresseurs en affirmant, par exemple, qu’aucune trace de sperme n’avait été retrouvée, a été désavouée. Et le dossier confié au CBI, le Bureau central d’enquête, rattachéau gouvernement de Delhi. En décembre 2020, les quatre suspects ont comparu devant un tribunal spécial de Hathras pour viol collectif et meurtre. Ils sont incarcérés à la prison du district d’Aligarh. Deux procédures judiciaires sont en cours, l’une concernant le viol, l’autre la crémation forcée.
Cette affaire a remis en pleine lumière la condition des dalits en Inde, en particulier dans les campagnes. Hathras compte soixante-six foyers, soit environ cinq cents habitants, dont la majorité appartient à des hautes castes et seulement quatre familles dalits, soit une trentaine de personnes. Le village est spatialement hiérarchisé, avec sa rue des brahmanes et celle des thakurs. Les walmikis, eux, sont relégués à la sortie, condamnés à une vie sociale strictement à part, interdits d’approcher le temple des autres castes.
Depuis le supplice d’Asha, sa famille vit recluse. Les villageois ont fait corps pour défendre non la victime mais les agresseurs, soutenant la thèse d’un « crime d’honneur ». Le principal accusé affirme qu’il entretenait une relation avec Asha, désapprouvée par les parents de cette dernière et qui auraient décidé de la punir.
Immense émotion populaire
Selon Seema Kushwaha, qui représente la famille sur la question de la crémation auprès de la haute cour d’Allahabad à Lucknow, capitale de l’Uttar Pradesh, il est impossible d’affirmer que ce crime a été commis pour la seule raison qu’Asha était dalit, tant les femmes sont les cibles en Inde d’agressions sexuelles. Mais il est en revanche certain que la crémation hâtivede la victime est liée à son identité de caste. « C’est parce que la famille appartient à une caste répertoriée [dalit], qu’elle est issue d’un milieu pauvre et qu’elle n’est pas forte socialement, que l’administration l’a traitée comme si elle n’avait aucun droit humain fondamental et qu’elle a abusé de son pouvoir », assure l’avocate au Monde, avant de souligner que, lors des audiences, « la famille se voit constamment rappeler qu’elle est dalit et qu’elle n’a pas de droits ».
Pour calmer l’immense émotion populaire, le gouvernement de l’Uttar Pradesh s’était engagé à verser aux parents une compensation financière et à leur trouver une nouvelle maison et des emplois. Seule la première promesse a été tenue : 2,5 millions de roupies (29 000 euros), une somme considérable pour cette famille qui n’a plus accès au monde extérieur. Elle a dû se séparer de son buffle et de sa vache qui donnait du lait. La parcelle sur laquelle elle cultivait du blé est en friche. « Ils nous traitent comme des criminels, se désolent les deux frères de la victime, qui ont accepté de recevoir Le Monde malgré la présence constante des policiers. Nous n’avons pas le droit de sortir, nous sommes coupés de tout. On a trois petites filles enfermées à la maison depuis un an. » Tous deux travaillaient à New Delhi, l’un dans un laboratoire médical, l’autre dans un atelier de téléphone. Ils ont perdu leur emploi. La famille espère une décision rapide de la justice pour quitter définitivement le village, où elle a toujours été marginalisée : « On est installés ici depuis quatre-vingts ans, mais les gens nous empêchent de prier dans leur temple. Ils déposent leurs ordures devant notre maison et nous traitent comme des pestiférés. »
En 2020, 50 291 violences contre les dalits ont été comptabilisées, en augmentation constante
Les dalits sont les damnés de l’Inde. Les dernières statistiques communiquées par le gouvernement indien au Parlement ont recensé 139 000 crimes perpétrés contre eux, entre 2018 et 2020, allant de l’insulte jusqu’au meurtre. Le National Campaign on Dalit Human Rights (« Campagne nationale sur les droits humains des dalits », NCDHR, une plate-forme de militants et d’universitaires, créée en 1998) livre des chiffres encore plus édifiants : un crime est commis toutes les dix-huit minutes contre un dalit, trois femmes dalits sont violées chaque jour, treize dalits sont assassinés chaque semaine.
L’Uttar Pradesh, qui totalise 36 467 de ces crimes (25 %), arrive en tête de ce funeste palmarès, suivi du Bihar et du Rajasthan, trois Etats du nord de l’Inde. La hausse est constante : en 2015,38 670 « atrocités » contre les dalits avaient été comptabilisées par le National Crime Records Bureau, 40 801 en 2016 et 50 291 en 2020. Dans 97 % des cas, elles ont été commises dans des petites villes et des villages.
La presse indienne regorge de ces violences. Dans le district de Bulandshahr (Uttar Pradesh), Savitri Devi, enceinte de huit mois,avait été battue par ses voisines, en octobre 2017. Comme tous les jours, cette jeune dalit ramassait, en échange de quelques roupies par mois, les ordures des castes supérieures du village de Khetalpur Bhansauli, quand un pousse-pousse l’a fait trébucher. Dans sa chute, elle a heurté – et donc « souillé » – le seau d’une thakur. Elle est morte six jours plus tard, ainsi que son fœtus. L’hôpital avait refusé de la soigner.
Le même mois, au Gujarat (ouest), à Gandhinagar, deux hommes dalits ont été rossés par des rajputs, parce qu’ils arboraient une moustache – ancien privilège des castes supérieures, aujourd’hui affichée par certains dalits en signe de protestation contre les discriminations. Deux semaines plus tard, Jayesh Solanki, dalit de 21 ans, était lynché par des patels, une caste supérieure, parce qu’il avait assisté à une danse traditionnelle, près d’un temple du district d’Anand.
Les castes, indissociables de l’hindouisme
En août 2021, les habitants de Malewadi, au Maharashtra (centre), se sont opposés à l’incinération d’un dalit dans le crématorium du village. Dans le Tamil Nadu (sud), un dalit de 27 ans a été assassiné en novembre de la même année parce qu’il entretenait une relation avec une femme de caste supérieure, qu’il comptait épouser.
Le 5 février, Munshi Gautamun, dalit de 35 ans et conducteur de tracteur, a été battu à mort par un groupe de villageoisdans le district de Bulandshahr (Uttar Pradesh), pour avoir percuté un cycliste, pourtant indemne. Deux jours plus tard, le cortège nuptial d’un dalit était lapidé par des rajputs, dans le village de Mota, au Gujarat : le mari avait souhaité aller chercher sa promise à cheval, un rituel des mariages hindous…
« Lorsqu’il s’agit d’atrocités commises contre des dalits, tout est fait pour minorer la gravité des violences et protéger les accusés », dénonce Rahul Singh, avocat
En Inde, on meurt d’être dalit. Et le laxisme de la justice et de la police entrave l’application stricte de la loi punissant les « atrocités commises contre les castes et les tribus répertoriées », dalits et aborigènes (Adivasis), adoptée en 1989. Selon Vimal Thorat, coordinatrice de la NCDHR, moins de 20 % de ces crimes aboutissent à une peine de prison. Plus de la moitié échappent à toute poursuite, en raison des pressions exercées sur les familles. Ainsi, en 2020, à peine 216 cas, sur les plus de 50 000 répertoriés, ont entraîné une condamnation ; 3 192 affaires se sont conclues par un acquittement. « L’expérience montre que, lorsqu’il s’agit d’atrocités commises contre des dalits, tout est fait pour minorer la gravité des violences et protéger les accusés », dénonce Rahul Singh, avocat militant au sein du réseau National Dalit Movement for Justice (« Mouvement national dalit pour la justice »).
Les castes, indissociables de l’hindouisme, continuent de structurer et de fracturer la société indienne, imposant hiérarchie, inégalités et endogamie, surtout en milieu rural où vivent près des deux tiers de la population. On naît dans une caste, on se marie en son sein, on en respecte ses lois. La Constitution n’a pas banni ce système, excepté « l’intouchabilité », mais a interdit toute discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. Malgré les tentatives de réformes, l’urbanisation et la mondialisation, le système perdure, « en s’adaptant aux circonstances changeantes de la vie sociale », explique l’anthropologue belge Robert Deliège.
Dans une étude consacrée à la religion en Inde, publiée en juin 2021 par le Centre de recherche Pew, 72 % des Indiens déclarent qu’ils accepteraient un voisin d’unebasse caste, mais 70 % indiquent aussi que la plupart ou la totalité de leurs amis proches appartiennent à leur caste. Les deux tiers des hindous interrogés souhaitent en outre interdire les mariages intercastes.
Selon le PurushaSukta du Rig-Veda, l’un des quatre grands textes canoniques de l’hindouisme, le monde est issu du démembrement du corps du créateur, « l’homme primordial » : les brahmanes, les êtres supérieurs, sortis de sa bouche ; les kshatriyas, guerriers, de ses bras ; les vaishyas, commerçants, de ses mains ; les shudras, serviteurs, de ses pieds. Non issus de ce corps, « les intouchables », du fait de leur impureté présumée, ont été assignés aux tâches les plus dégradantes, telles que le ramassage des excréments. Il leur était interdit de se mêler aux autres, de partager leur nourriture, de puiser l’eau dans le puits commun…
Postes réservés dans la fonction publique
Pour améliorer le statut économique des communautés opprimées, un système de quotas a été introduit par les colons britanniques, puis entériné par la Constitution, après l’indépendance en 1947, en faveur des dalits et des aborigènes. Ces catégories bénéficient d’emplois réservés dans la fonction publique et l’enseignement supérieur, et de sièges au Parlement. La réglementation bénéficie aussi, depuis les années 1990, aux « autres classes arriérées » (Other Backward Classes, OBC) – principalement les shudras, au-dessus des dalits et des tribus – qui se sont vu attribuer 27% de la fonction publique. Au total, 49,5 % des postes des institutions fédérales sont réservés aux basses classes. Les 50,5 % restants reviennent à la catégorie dite « générale », hors quotas, des castes supérieures.
Malgré cette politique volontariste, l’Inde reste dominée par les hautes castes, 10 % de la population, qui accaparent les postes dans la fonction publique et dans les médias. Une étude réalisée en 2019 par Oxfam et Newslaundry montre ainsi que la quasi-totalité des dirigeants des médias qui façonnent l’opinion publique sont issus des hautes castes ; aucun des castes et tribus répertoriées. « L’Inde a promu l’égalité à travers une politique de discrimination positive, qui a permis à une petite classe moyenne dalit d’émerger. C’est un immense progrès, impensable il y a encore trente ou quarante ans, mais cette politique a eu un effet limité car les quotas ne sont pas remplis et elle ne profite qu’à un petit nombre – en baisse, d’ailleurs, observe Christophe Jaffrelot, auteur de Inde : la Démocratie par la caste (Fayard, 2005). Cette politique ne s’applique qu’au secteur public, dont la taille se réduit du fait des privatisations. Enfin, certaines sous-castes ont monopolisé les quotas, suscitant le ressentiment des autres : les quotas ont paradoxalement divisé les dalits. » Selon le politologue français, « la discrimination positive a cependant changé la donne, en sécrétant une élite qui, parfois, a eu à cœur de défendre ceux qui étaient restés dans le ghetto ».
L’Inde reste dominée par les hautes castes, qui ne représentent pourtant que 10 % de la population
Il est impossible de connaître la répartition exacte des castes : le dernier recensement publié date de 1931, avant l’indépendance. En 2011, sous la pression des partis représentant les castes inférieures, le gouvernement de Manmohan Singh (2004-2014) avait accepté d’organiser un recensement socio-économique des castes. Sa publication a été interdite par le BJP, arrivé au pouvoir en 2014, au prétexte que les résultats ne seraient pas fiables. Les seuls chiffres disponibles concernent les dalits, 16 % de la population, soit plus de 200 millions d’Indiens, et les tribus (8 %), mais il n’existe aucune donnée documentée sur la population OBC. Leur dernier décompte date de 1931 : ils représentaient alors 52 % de la population.
Le débat a resurgi en 2021, à l’approche du recensement décennal de la population. Plusieurs partis et chefs de gouvernement régionaux ont demandé d’ajouter un recensement national des castes. Narendra Modi a refusé, arguant qu’il était techniquement irréalisable en raison des délais. « Les responsables du BJP prétendent qu’ils ont tout fait pour que la plèbe s’élève. S’il prenait la caste en considération, le recensement montrerait que c’est faux : les basses castes sont sous-représentées dans le secteur public et, surtout, le nombre des emplois y diminue », assure Christophe Jaffrelot.
Narendra Modi, un écran de fumée
Si le BJP s’y refuse, c’est que ce parti et, plus encore, la Rashtriya Swayamsevak Sangh (Association des volontaires nationaux, RSS), groupe paramilitaire nationaliste et matrice idéologique dont le premier ministre est issu, ont été bâtis et portés par les hautes castes. Fondée en 1925 en réaction au séparatisme musulman et à la mobilisation des intouchables, la RSS ou « famille du Sangh » promeut, en théorie, l’abolition des castes qui divisent la nation, mais reste dans les faits fondamentalement attachée aux valeurs brahmaniques et à ce système qui garantit, selon elle, « ordre et harmonie ». La RSS a combattu de toutes ses forces, dans les années 1990, les propositions de la Commission des classes socialement et éducativement arriérées (dite commission Mandal, SEBC) d’élargir les quotas aux OBC.
Pour s’attirer les suffrages de cette catégorie, numériquement très importante, le BJP s’est doté d’une carte maîtresse en la personne de Narendra Modi. L’homme, qui se présente comme le fils d’un vendeur de thé de basse caste, est parvenu à séduire les classes moyennes, et à transcender les castes en exacerbant le sentiment nationaliste hindou, notamment aux dépens des musulmans, et en promettant un développement économique pour tous. « Le BJP ne produit pas une vision de la société sans castes. Il fonde son projet politique sur une hiérarchie de castes, unifiées sous l’enveloppe de l’hindouisme. Le parti ne prône pas l’égalité, mais une harmonie au sein de ce système inégalitaire », analyse Gilles Verniers, professeur de sciences politiques à l’université Ashoka, au nord de Delhi.
Les origines modestes du premier ministre étaient sans doute un écran de fumée, comme le sont celles du président de la République, Ram Nath Kovind, un dalit. Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Modi, les OBC n’ont eu que des miettes, ainsi qu’en témoigne la composition du gouvernement jusqu’au remaniement radical de juillet 2021. Au premier plan des défenseurs de l’hindutva (« hindouité ») et du système des castes figure Yogi Adityanath, un moine extrémiste choisi par M. Modi, en 2017, pour diriger l’Uttar Pradesh, Etat le plus peuplé du pays avec plus de 200 millions d’habitants, et l’un des plus pauvres. Ce thakur « est le porte-enseigne de l’hindouisme militant et de l’identité des hautes castes », estime Gilles Verniers. Alors que s’ouvrent, le 10 février, des élections régionales clés – l’Uttar Pradesh envoie le plus fort contingent de députés au Parlement –, trois ministres de Yogi Adityanath ont brutalement quitté leurs fonctions pour dénoncer une inclusion de façade des basses castes. Dans leur lettre de démission, ils soulignent le mépris dans lequel sont tenus les classes arriérées, les dalits, les agriculteurs et les jeunes chômeurs, ainsi que la situation économique désastreuse.
Une affaire illustre la détermination du BJP à préserver le système de castes et la paranoïa qui s’est emparée du régime nationaliste hindou face à l’éventualité d’une émancipation des dalits. Les faits se sont déroulés dans l’Etat du Maharashtra, le 1er janvier 2018, à Bhima Koregaon, où était commémoré le bicentenaire d’une bataille qui avait opposé l’armée coloniale, composée principalement de soldats dalits, aux forces peshwas, représentants des hautes castes. Des extrémistes hindous avaient attaqué des dalits participant à la cérémonie. Une personne était morte.
Arrestations pour « complot maoïste »
Quelques mois plus tard, seize personnalités – écrivains, intellectuels, universitaires, journalistes, artistes de renom – ont été arrêtées et emprisonnées en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme, dont le prêtre jésuite Stan Swamy, mort à 84 ans en détention des suites du Covid-19 et du manque de soin. Tous sont accusés, sans preuve, d’avoir incité à la violence intercaste et d’avoir fomenté un « complot maoïste » visant à assassiner Narendra Modi. Leur seul point commun est leur engagement auprès des tribus et des dalits.
Parmi eux, Anand Teltumbde, 71 ans, ancien directeur général de Petronet India Limited devenu universitaire, est un intellectuel dalit reconnu et respecté, auteur d’une trentaine d’ouvrages, virulent contempteur du premier ministre et partisan de l’abolition des castes. Son épouse est la petite-fille de Bhimrao RamjiAmbedkar (1891-1956), le père de la Constitution, lui-même dalit. Selon la poétesse Meena Kandasamy, « son arrestation s’explique parce qu’il a mis à nu la nature brahmanique, antisociale et castéiste du Sangh Parivar [la famille du Sangh]. Et parce qu’il a attaqué sans relâche les politiques de l’hindutva ». Trois ans et demi après leur arrestation, seuls deux accusés ont été libérés sous caution. Les autres croupissent en prison, sans procès à l’horizon.