Normal : n’étant plus sans-abris ils n’ont plus besoin de soins d’urgence et ils ont même retrouvé un emploi. Résultat, en 12 ans, la Finlande a divisé le nombre de SDF par trois. Rappelez-nous déjà pourquoi nous, on fait l’inverse ?Hilaire Picault
10 décembre 2021
Transformer les SDF en locataires ?
L’idée peut faire ricaner tellement elle est paradoxale. Pourtant, c’est le projet de Housing First (« le logement d’abord »), qui commence par reloger les gens à la rue pour qu’ils puissent se réinsérer plus facilement par la suite.
Après tout, pourquoi attendre qu’ils aient réglé le problème qui les a amené dans cette très grande précarité ? C’est justement la sécurité d’un chez-soi qui va permettre de rebondir et faire face à ses problèmes. Et puis, faut-il rappeler que le logement est un droit inaliénable reconnu par l’ONU ?
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Pourtant cette stratégie continue de surprendre alors qu’elle se comprend aisément : devenu locataire, l’ancien SDF doit payer un loyer (réduit mais accompagné de frais de fonctionnement) ; il va donc chercher un travail pour le régler, ce qui nécessite de se prendre en charge. Et c’est sur chacun de ces points que l’État finlandais intervient.
Sans abris, mais pas sans maison
Lancé en 2008, le plan Housing First a nécessité la construction de près de 30 000 logements sociaux chaque année. Des chantiers subventionnés par le gouvernement qui représentent aujourd’hui 6 logements pour 1000 habitants. Progressivement, ces nouveaux immeubles ont remplacé les hébergements temporaires.
En parallèle, le gouvernement a offert des prêts à taux réduits à la Fondation Y, une ONG chargée de racheter et rénover des appartements pour cette mission de relogement. « Un abri permet de se protéger d’une tempête, mais un logement permet de mener une vie décente. » clame à Euronews Juha Kaakinen, le directeur de l’ONG. Celle-ci a tellement travaillé, qu’en l’espace d’une décennie, elle est devenue le 4e propriétaire foncier du pays.https://www.youtube.com/embed//2q8iGag-vOg
Enfin, des travailleurs sociaux travaillent au rez-de-chaussée des résidences créées et accompagnent les nouveaux résidents au quotidien. Pour les aider à trouver des formations, jobs, et même réaliser les démarches de sevrage ou de soin si nécessaires, ainsi que pour obtenir les aides auxquelles ces personnes ont droit. La première d’entre elle leur permettant d’absorber une part du loyer, pendant les premiers mois.
Le seul pays où les rues se vident de SDF
Le résultat de l’opération est flagrant : les rues se sont vidées des tentes, cartons et abris de fortune. Lors du grand recensement préalable réalisé en 2008, on dénombrait 18 000 personnes à la rue ou dans les centre d’urgence. En 2017, les sans-domiciles fixes étaient passés à 7000 pour n’être plus “que” 4886 au dernier comptage. Presque moitié moins en 4 ans malgré la crise actuelle, c’est un cas unique en Europe.
À titre de comparaison, leur nombre a doublé en France sur la même période, pour tristement atteindre 300 000 personnes en 2020. Pour tout le monde c’est clair, la méthode a fait ses preuves. En publiant son rapport en mars dernier, le gouvernement Finlandais envisageait même d’en finir entièrement avec ce problème d’ici 5 ans.
« Une fois relogé, un SDF permet d’économiser 15 000 € par an. »
Sauver de la misère peut vous rendre riche
Bon, pas tout à fait, mais cela représente tout de même d’énormes économies. Quand on épluche les comptes de l’action Housing first, on se rend compte que l’État a versé 350 millions d’euros en 12 ans. Pour obtenir les terrains, plusieurs propriétaires (particuliers ou entreprises et bien sûr collectivités) ont accepté d’en faire cadeau. Mais globalement, la Finlande a surtout gagné de l’argent avec la rédiction de ses dépenses publiques (sic).
Le nombre de refuges d’urgence a été divisé par 10. Elle a réduit aussi les dépenses médicosociales et psychiatriques envers les personnes dépendantes et en situation d’exclusion. Enfin, les rues désertées la nuit ont permis de réduire des frais de sécurité et surveillance. C’est bien simple, pour la FEANTSA, qui coordonne l’aide aux sans-abris en Europe, « lorsqu’un sans-abri obtient un logement social convenable, les économies pour la société sont de 15 000 € par personne et par an ». Une recette magique qu’on aurait bien envie d’essayer chez nous.https://platform.twitter.com/embed/Tweet.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-
Appliquer le “logement d’abord’, c’est ce que réclame la Fondation Abbé Pierre, qui avait proposé un plan équivalent en 2017, juste avant la précédente campagne présidentielle. Selon sa déclaration d’alors, la France pouvait « mettre fin au scandale des personnes sans domicile, en moins de 5 ans dans les villes petites et moyennes, et moins de 10 ans dans les métropoles ». Un quinquennat plus tard le constat est toujours le même. Voire pire.
Sauf que la France a une démographie bien plus lourde qui imposerait de bâtir 150 000 logements sociaux chaque année. Notre étalement urbain n’en demande pas tant ; à moins de repeupler nos campagnes ? Pourquoi pas, après tout, cela permettrait d’orienter tous ces nouveaux emplois vers l’agriculture et l’agroforesterie par exemple.