Hier j’ai vu le nouveau film de François Ruffin et Gilles Perret, Debout les femmes. J’ai été bouleversé. C’est un film qui parle de ces femmes aides à domicile, femmes de ménage, celles qui soignent les personnes âgées malades ou qui accompagnent les enfants handicapés. Elles travaillent dix heures ou plus par jour, mais la plupart de ces heures, passées dans les transports entre deux domiciles, ne sont pas comptabilisées. Elles sacrifient toute leur vie, leur santé – elles travaillent trop et sont victimes d’accidents en permanence, fractures du genou, des épaules, des hanches pour celles qui soulèvent des personnes âgées, problèmes de dos chroniques pour celles qui font le ménage, épuisement généralisé pour celles qui prennent soin des enfants handicapés… et elles gagnent moins que le smic. Certaines d’entre elles n’arrivent pas à manger correctement, sont contraintes à abandonner leur logement, d’autres sont déjà handicapées avant l’âge de la retraite. Elles racontent qu’elles aiment prendre soin des autres mais qu’elles n’en peuvent plus. C’est un film déchirant, et très fort. En le voyant j’ai pleuré, beaucoup. Beaucoup de vies dans nos sociétés sont des vies à pleurer, et je suis convaincu, de plus en plus, que ne pas faire d’œuvres, de films, de livres, qui font pleurer, c’est ajouter de l’invisibilité à ces vies. Le film de Ruffin et Perret fait couler beaucoup de larmes, des larmes qui donnent envie de se battre pour et avec ces femmes, si généreuses, si belles, si charismatiques, et écrasées par la violence de l’exploitation et des gouvernements qui les méprisent, qui les tuent. Allez voir “Debout les femmes”, allez-y absolument, parlez-en, pour ma part j’ai l’impression que je n’écrirai plus jamais de la même manière après l’avoir vu.
Edouard Louis