À Irún, un nouveau centre d’accueil financé par la communauté autonome basque et géré par la Croix-Rouge ouvre 150 nouvelles places afin de gérer un flux qui ne faiblit pas. © Crédit photo : Bertrand Lapègue/SUD OUEST
Par Fabien Jans – f.jans@sudouest.fr
L’agglomération Pays basque et la Communauté autonome basque travaillent main dans la main pour assurer l’accueil des migrants en transit sur leurs territoires respectifs. Mais la question de la sécurisation du parcours, qui n’est pas de leur ressort, est loin d’être réglée
Le programme laissait entrevoir davantage que cette frustrante matinée autour de la question migratoire au Pays basque. Vendredi 11 mars, le gouvernement basque et la Communauté d’agglomération Pays basque ont scellé, en présence de leurs présidents respectifs, le renforcement de leur collaboration pour l’accueil des personnes migrantes en transit. Le tout lors d’un émouvant hommage sur le pont Saint-Jacques reliant Irún à Hendaye, puis d’une visite des installations d’accueil mises en place du côté sud de la Bidassoa et d’une table ronde. Et puis ? Rien de plus.
Pas d’annonce sur la prise en charge globale de la problématique qui s’impose à la frontière, rien de neuf sur les contrôles renforcés qui font notamment des ponts traversant la Bidassoa « des murs infranchissables » pour reprendre l’image de Jean-René Etchegaray, et pas davantage sur la sécurisation du parcours entre la frontière et Bayonne appelée des vœux des deux présidents lors de la déclaration commune du 29 novembre 2021, ainsi que de toutes les associations impliquées dans l’aide bénévole.
Vendredi 11 mars sur le pont Saint-Jacques au-dessus de la Bidassoa, la journée avait débuté un hommage aux migrants disparus au Pays basque, sur la route de l’exil entre Irún et Bayonne. Bertrand Lapègue/SUD OUEST
De la compétence des États
Le constat est sévère. Blâmer les élus des deux côtés de la Bidassoa le serait tout autant : « Les questions de frontières sont de la compétence des États et de l’Union européenne », rappelle Joseba Erremundeguy, conseiller intercommunal à l’agglomération, délégué aux coopérations transfrontalières, européennes et internationales. C’est lui qui siégera à la table de coordination interinstitutionnelle pour une assistance urgente aux migrants en transit, mise en place par le gouvernement basque. Une présence qui confirme l’intensité de la coopération entre les deux collectivités et la volonté de parler d’une seule et même voix. La plus forte et la plus humaniste possible, devant un sujet qui ne saurait se cantonner « à une logique comptable », reprend Jean-René Etchegaray.
Reste que la demande d’une réponse politique autre que l’obstruction systématisée des passages à la frontière reste à ce jour lettre morte. Et que la marge de manœuvre d’un côté comme de l’autre n’est pas extensible : « C’est dans le cadre de nos moyens que nous essayons d’apporter des solutions concrètes, assume Joseba Erremundeguy. Sur des sujets pratico-pratiques, comme celui de nos structures d’accueil, des informations que nous pouvons échanger quant aux personnes qui s’y présentent et la meilleure manière de les prendre en charge. Ce qui ne nous empêche pas de poursuivre avec les services de l’État. Nous ne sommes pas dans une posture contre. Rien ne se fera chacun de notre côté. »
Au centre d’accueil Hilanderas d’Irún, les migrants trouvent une oreille et du repos. Bertrand Lapègue/SUD OUEST
150 places supplémentaires
Indéniablement, en termes d’hospitalité pour les migrants en transit, le Gouvernement basque n’économise pas ses efforts ni ses deniers. À Irún, le premier centre Hilanderas, géré par la Croix-Rouge, existe depuis deux ans, proposant 100 places. À quelques mètres, le Pabellón 55 va ouvrir ses portes portant la capacité totale à 250. Ce nouveau site, permettant de réguler les flux lorsque la pression se fait plus forte, est également envisagé dans le cadre de l’accueil temporaire de réfugiés ukrainiens en transit vers les autres régions de la péninsule ibérique
De l’autre côté, la ville étape pour les migrants arrivant essentiellement d’Afrique subsaharienne reste Bayonne et son centre Pausa, à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau de la frontière. Entre les deux, c’est le règne de la débrouille, le royaume des passeurs et l’action régulièrement perturbée des associations d’aides « par des forces de l’ordre qui ne font que leur devoir en appliquant les ordres », souligne Jean-René Etchegaray. Qui se débarrasse néanmoins de toute circonlocution au moment d’évoquer les arrestations, jusqu’aux gardes à vue, de bénévoles ou simples citoyens qui choisissent d’apporter leur secours ans contrepartie.
« Sur ce point, nous avons une garantie constitutionnelle au regard du principe de fraternité reconnu en juillet 2018. Des textes émanent de la Cour de cassation et de l’Union européenne. Sur cette base, il ne devrait pas y avoir d’entrave ni de la police, ni du parquet aux déplacements de ces migrants et si des bénévoles sont arrêtés, ils le sont dans un cadre illégal. »
Côté sud de la Bidassoa, c’est la Croix-Rouge qui gère le quotidien au sein des désormais deux centres d’accueil. Bertrand Lapègue/SUD OUEST
Une réaction à l’actualité chaude qui replace le débat au niveau national et européen. C’est le message passé vendredi : sur le terrain, les collectivités prennent leur part de gestion d’une crise migratoire que l’option répressive est loin d’avoir calmée. En 2021, 7 000 personnes ont été accueillies dans les murs du centre d’Irún. Depuis son ouverture, ce sont environ 20 000 personnes qui sont passées par Pausa à Bayonne.