24 nov 2021 Mise à jour 24.11.2021 à 13:25 par TV5MONDEAFP
Les pays africains producteurs de gaz et de pétrole n’entendent pas pour l’instant renoncer aux énergies fossiles, en dépit des recommandations de la dernière Conférence Climat de Glasgow en Écosse, la COP26. Pour ces pays la question de la transition énergétique ne peut pas se faire au dépend des pays africains producteurs de pétrole.
L’accord final arraché à Glasgow a pour la première fois explicitement mis en cause les énergies fossiles comme principaux responsables du réchauffement climatique. Il appelait à “la sortie des subventions inefficaces” à ces énergies.
Pour les pays pétroliers et gaziers d’Afrique subsaharienne comme le Nigeria et l’Angola, les deux plus gros producteurs de cette région, renoncer à ces énergies signifierait renoncer au développement et à la lutte contre la pauvreté. Ils se disent néanmoins prêts à participer à la lutte contre le réchauffement de la planète alors qu’ils font partie de ceux qui y contribuent le moins.
Pour des pays comme le Nigeria, riche en ressources naturelles mais encore pauvre sur le plan énergétique, la transition ne doit pas se faire aux dépens d’une énergie fiable et abordable pour la population, les villes et les industries
Vice-président du Nigeria Yemi Osinbajo
Le vice-président nigérian Yemi Osinbajo a d’ailleurs récemment déclaré : “Limiter le développement des projets liés aux énergies fossiles, en particulier le gaz naturel, aurait un impact profondément négatif”.
Il admet également “que tous les pays doivent participer à la lutte contre le changement climatique”, mais ajoute aussitôt qu’“une transition globale en vue de sortir des énergies fossiles doit tenir compte des différences entre les pays (du Nord et du Sud) et permettre des passages diversifiés” vers des énergies propres comme le solaire, l’éolien et, dans une moindre mesure, l’hydroélectricité.
“Pour des pays comme le Nigeria, riche en ressources naturelles mais encore pauvre sur le plan énergétique, la transition ne doit pas se faire aux dépens d’une énergie fiable et abordable pour la population, les villes et les industries”, selon lui.
“Au contraire, elle doit être inclusive et équitable, ce qui veut dire préserver le droit au développement durable et à l’éradication de la pauvreté comme inscrit dans les traités internationaux comme l’accord de Paris sur le climat de 2015“, a-t-il encore déclaré.
Injuste répartition
Ce discours en faveur du développement grâce aux énergies fossiles se heurte cependant à la réalité d’une redistribution injuste des revenus du gaz et du pétrole constatée dans les pays producteurs.
En Angola, le pétrole représente la moitié du Produit intérieur brut (PIB) et 89% des exportations, mais plus de la moitié des quelque 34 millions d’habitants vit avec moins de deux dollars par jour. Le taux de chômage y est de 31%.
Le gouvernement du président Joao Lourenco a lancé une vaste campagne anti-corruption en vue de récupérer les milliards de dollars qu’il soupçonne avoir été détournés sous le régime de son prédécesseur José Eduardo dos Santos, par lui-même et ses enfants, Isabel et José Filomeno.
Autre ancienne colonie portugaise d’Afrique australe, le Mozambique mise pour accélérer sa croissance sur les immenses champs de gaz naturel découverts dans l’océan Indien au large de ses côtes septentrionales, en dépit d’une forte présence de groupes jihadistes armés.
Militant écologiste mozambicain, Daniel Ribeiro note que “si on regarde le modèle des énergies fossiles en Afrique, il est très clair que ça n’a pas contribué” au développement, mais au contraire à “augmenter la dette et la corruption”.
Il affirme que dans son pays, “l’évasion fiscale” liée aux projets gaziers favorise “l’élite dirigeante” et le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis l’indépendance en 1975. Raison pour laquelle selon lui, Maputo “combat tout type d’évolution” vers des énergies propres.
Le financement, “défi majeur”
En Afrique de l’Ouest, la colère monte en Côte d’Ivoire chez des jeunes qui se sentent lésés par l’absence de retombées de l’exploitation du pétrole et du gaz au large de Jacqueville, près d’Abidjan.
Fin octobre 2021, ils ont bloqué des travaux de pose de pipelines, bloquant un projet d’exploitation de gaz sous-marin. Un de ces jeunes s’offusquait de cette situation : “Je n’arrive pas à comprendre qu’un village qui abrite une plateforme pétrolière n’ait aucune caserne de pompiers, ni un collège, et que les hôpitaux ne soient pas approvisionnés”.
Pallier les carences de l’exploitation pétrolière en assurant une transition vers les énergies propres reste néanmoins un objectif possible, à condition que les pays du Nord qui polluent le plus tiennent leurs promesses à aider les pays du Sud, premières victimes du réchauffement climatique.
Pour Cheikh Tidiane Wade, géographe sénégalais spécialiste de l’environnement, “la question du financement reste un des défis majeurs à relever“. Le Sénégal entend, quant à lui, commencer à produire du gaz fin 2023 et sortir son premier baril de pétrole en 2024.
En 2009, les pays du Nord avaient promis de porter à partir de 2020 leur aide climat au Sud à 100 milliards de dollars par an. Mais la promesse n’est toujours pas tenue, aiguisant le ressentiment des pays en développement dans un contexte de crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 qui ajoute à leur fardeau.
La COP26 a récemment appelé les pays riches à tenir leur promesse.
Avec un accès aux marchés financiers appropriés, les énergies renouvelables pourraient représenter jusqu’à 67% de la production d’électricité en Afrique subsaharienne d’ici 2030, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).TV5MONDEAFP Mise à jour 24.11.2021 à 13:2