Fondées sur des principes d’économie libérale, les Compagnies des Indes ont contribué à dessiner les contours de la mondialisation commerciale contemporaine. Au XVIIe siècle, elles vont faire la richesse des ports hollandais… alors qu’en France, la tradition étatiste limite leur développement.

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Avec

  • Gérard Le Bouëdec
  • Cyrille Coutansais directeur de recherche au Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM)

Au XVIIIe siècle déjà, l’océan Indien représentait 4 à 10 % du commerce extérieur français. Ce qu’on appelait les Indes orientales (pour distinguer la région des Amériques), et qui recouvrait les actuels pays de l’Asie du Sud et du Sud-Est, a été une terre convoitée par les puissances commerciales européennes. Pour exploiter des ressources riches et prisées par les consommateurs du Vieux Continent, les grandes nations européennes, ont développé, sur un même modèle, des Compagnies des Indes.

Les compagnies des Indes, des tentatives de structuration de l’expansion des européens dans l’Océan Indien

Les épices sont, dès le XVIe siècle, des mets prisés en Europe. Dans un but d’assaisonnement ou pour la conservation – notamment le poivre, qui représentera la moitié des importations des Indes en volume jusqu’au milieu du XVIIe siècle -, les élites nationales les convoitent. Leur commerce devient alors un objet de rivalités commerciales. La quête du contournement de l’Afrique par le Portugal est en grande partie liée à la volonté de contrôle de ces ressources stratégiques. Cyrille Coutansais rappelle ainsi que “le transport maritime est une activité économique qui requiert des capitaux absolument monstrueux : quand vous armez un bateau, vous allez le voir revenir que deux ou trois ans après. Et le problème des Portugais, c’est qu’ils ont des bons marins, mais ils n’ont pas de capitaux. Les Pays-Bas eux, ont les capitaux, une expérience d’armateur et une place financière importante à la différence de la France”. Pour Gérard Le Bouëdec, “les compagnies des indes sont des armes anti-portugaises que les pays du nord vont mettre en place. Le modèle hollandais sera recopié par les Anglais, les Français, les Danois… Mais l’on n’arrivera jamais à mettre en place, notamment en France, une compagnie identique : une société par actions réelles, avec un cercle d’actionnaires extrêmement large pour réunir des capitaux. En France, ces compagnies resteront des entreprises d’Etat.”

Les compagnies françaises des Indes, des structures innovantes mais pénalisées par les limites du modèle étatiste français

Comme ses homologues étrangères, les Compagnies des Indes françaises sont fondées sur un monopole conféré par délégation de la puissance publique à une société privée, souvent issue de la fusion de plusieurs acteurs du secteur. En France, les compagnies ont également joui des privilèges octroyés par l’Etat pour leur financement. Notamment, la première compagnie des Indes touchait des dividendes de l’activité de la manufacture royale des tabacs implantée sur le territoire français. Gérard Le Bouëdec explique ainsi que “dans le cas français, il n’y a jamais eu de compagnie par actions réelles. Il y a eu trois compagnies françaises des Indes orientales successives, ce sont des administrations d’Etat. La première est pratiquement non-marchande et uniquement avec des capitaux de la monarchie. La seconde est un peu plus marchande, mais en réalité l’action n’est pas du tout en rapport avec les profits de la compagnie, c’est une rente fixe. C’est donc un système radicalement différent” de celui de la Hollande. Cyrille Coutansais précise : “le génie des Hollandais c’est qu’ils ne vont pas faire un transit entre les Pays-Bas et les Indes. Ils vont s’insérer complètement dans le commerce régional. Donc, ils vont aussi au Japon, en Chine, et cela leur permet de générer du capital et de pouvoir être au final excédentaires. Alors que la Compagnie française des Indes orientales est sur un trafic qui est ‘Europe-Inde’ et qui ne permet pas de générer quoi que ce soit”.

  • Extrait du film 1492 de Ridley Scott
  • Extrait du Discours d’un fidèle sujet du roy, touchant l’establissement d’une compagnie françoise pour le commerce des Indes orientales… par l’homme de lettre François Charpentier (1664)
  • Extrait d’interview de Brigitte Nicolas, Conservatrice en chef du musée de la compagnie des Indes
  • Extrait du film La prise de pouvoir par Louis XIV de Rossellini
  • Extrait de La paix perpétuelle de Kant (1795)

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