Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main
chaude sous la glace et la mort
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes,
Votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux
Je ne laisserai pas – non ! – les louanges de mépris vous enterrer furtivement.
Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur
Mais je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France » Léopold Sédar Senghor, Paris, avril 1940, Hosties noires, 1945
« la marque Banania (1914) s’identifie dès 1915 à un tirailleur sénégalais hilare et elle adopte comme slogan la locution « y’a bon », associée à leur pratique sommaire du français depuis 1913 » (L’histoire par l’image)
« Si je ne retournais pas, si vous appreniez un jour ma mort face à l’ennemi, consolez-vous, mais ne dites jamais : il est mort pour la belle cause. Dieu l’a rappelé à lui. […] Je me suis trompé ». Frantz Fanon, 12 avril 1945
« Mais d’abord que je vous dise que je suis à Paris, à Paris, la ville-lumière, la ville, etc… (vous compléterez vous-même) : depuis que je suis un guerrier, c’est fou ce que j’économise les mots ; du reste j’ai par bonheur oublié tous ceux qui ne servaient à rien : la moitié des vôtres y ont sombré ». Mouloud Mammeri, Arezki à son maître Mr. Poiré, Le Sommeil du juste, 1955.
Trois citations et une publicité célèbre ouvrent cette chronique qui rassemble les noms de trois écrivains majeurs des littératures hors de France, trois écrivains, soldats des colonies durant la Seconde Guerre mondiale, un Africain, un Antillais, un Maghrébin. En voyant le beau film Tirailleurs, le beau film de Mathieu Vadepied, beaucoup se disent (et les critiques y reviennent avec insistance comme une évidence), qu’ils découvrent cette histoire. Alors, il n’est pas inutile de proposer une petite bibliothèque des livres qu’on aurait pu lire depuis plus de cinquante ans.
La magie et la force du cinéma – images auxquelles on ne peut échapper, acteurs crevant l’écran de la puissance de leur jeu et faisant barrage à l’amnésie –, ont donné un contenu à une mémoire des deux grandes guerres mondiales dont romans et essais avaient pourtant tenté d’enrichir le récit national qui les ignorait. C’est donc en partant de films qui, peu ou prou, ont rencontré un public et ont soulevé des louanges et des critiques, que je souhaiterais remonter le temps vers la littérature et des intellectuels incontournables du XXe siècle.
La première guerre mondiale
Tirailleurs (2023) de Mathieu Vadepied
Tirailleurs de Mathieu Vadepied, co-produit par Omar Sy qui interprète aussi le rôle de Bakary Diallo, revient sur l’histoire, peu filmée, des Africains enrôlés de force dans l’armée française lors de la Première Guerre mondiale. L’enlèvement de Thierno rappelle exactement la manière dont les négriers enlevaient les villageois au cours de leur razzia pour les traîner jusqu’aux bateaux. Nous sommes en 1917 et les parents de Thierno ne sont pas parvenus à cacher leur fils pour qu’il échappe aux recruteurs. Alors le père, Bakary, rôle incarné magnifiquement par Omar Sy, décide de mentir sur son âge et devient engagé volontaire pour suivre son fils et le protéger. Mais au cœur du conflit, si Bakary s’en tient avec une conviction admirable à son rôle de protecteur, son fils, plus jeune et moins aguerri, est séduit par les honneurs et, n’écoutant plus son père, se laisse convaincre par son officier de s’engager pleinement dans la bagarre : Bakary le sait, s’il laisse faire, son fils va être tué.
Le film adopte une triple perspective : celle de l’enrôlement des troupes coloniales et des mensonges qui les accompagnent, celle de l’horreur absurde de la guerre et celle d’une relation père/fils qui illumine et problématise l’ensemble. Il semble que les valeurs que porte Bakary soient effacées par l’action de l’armée puisque son fils ne lui obéit plus. Pourtant, la fin du film rétablit l’équilibre entre des valeurs solides de la culture peule et l’improvisation mortifère et bravache de la guerre en France. Une autre grande réussite de Tirailleurs est le plurilinguisme que l’on entend tout au long du film, de nombreux enrôlés, comme Bakary, ne parlant même pas français ; mais ils ont leur langue qui ne les réduit pas à être représentés comme des handicapés en discours et pensée.
La fin du film qui télescope l’anonymat général, l’individu, Bakary Diallo et le soldat inconnu de l’Arc de triomphe est une belle idée dont on peut penser qu’elle trouve son germe dans les vers de Senghor : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat inconnu/Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme ». La voix off énonce : « Et si le Soldat inconnu était un tirailleur sénégalais ? ». Le réalisateur a expliqué que l’idée du film est née avec « l’image du dernier tirailleur sénégalais Abdoulaye N’Diaye, enrôlé de force en 1914. L’homme est mort à 104 ans, la veille du jour où Jacques Chirac devait le décorer de la légion d’honneur. Ça m’a énormément touché ».
Les Coloniaux (1914-1918) d’Aziz Chouaki (2009)
En janvier 2009, le théâtre des Amandiers à Nanterre proposait Les Coloniaux d’Aziz Chouaki, dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli, pièce à un seul personnage avec en voix off, « le figuier » joué par l’auteur lui-même. Ce fut un moment théâtral exceptionnel avec une véritable prouesse d’acteur, Hammou Graïa jouant du Chouaki. Avant même une thématique ou une histoire, la saveur absolue de ses créations est la langue, insolite, rythmée, déjantée. Dans Les Coloniaux, il parvenait à un équilibre entre le recours à la langue française que nous parlons et entendons au quotidien et les interférences avec les parlers algériens.
Mohand Akli n’a guère envie d’être enrôlé en ce mois de 1914 : « Bon, ce jour-là, j’étais dans mon douar, dix-sept ans, douce lumière grise, farouche Kabylie, octobre granit, ballon de chiffon, on jouait au foot avec Zizou, non, c’est un autre, pieds nus, gandouras sales, des yaouleds, quoi, couleur sépia ». Mais le figuier lui donne l’ordre d’obéir pour aller reprendre Douaumont car, admirateur des Pieds Nickelés, il veut qu’il les rejoigne : « Et moi, je lui dis, ça veut dire quoi, « je reprends Douaumont » ? Il me dit que le fort de Douaumont a été pris par des guerriers allemands et qu’il faut le reprendre puisque les Pieds Nickelés sont de la partie.
J’essaie de trouver une logique post-euclidienne dans ce caramel choucroutement couscoussé, les Pieds Nickelés ? Mais c’est des personnages ? Comment ? C’est juste une image, du courage, ça n’existe pas, un personnage.
Là-dessus, il me hurle, le figuier, que je ferais mieux d’arrêter mes âneries, qu’il y a des choses bien au-delà de ma petite tête de Mohand Akli. Et que, puisque les Pieds Nickelés sont là-bas, je dois y être aussi, rompez, fin de discussion. Ça va, ça va, que je lui réponds, et donc je fais quoi ? »
L’épopée est lancée pour une heure et demie sur le ton de la parodie, de la dérision et de la tendresse… Aziz Chouaki joue de toutes les gammes pour traiter l’héroïsme et son contraire, les poilus honorés et les combattants oubliés. Car, c’est bien à ces derniers que sa pièce est dédiée, ces « coloniaux » qui désignent les colonisés appelés au front pour sauver la « mère patrie » qui n’en aura que peu de reconnaissance symbolique et financière… Ce texte répondait à une commande officielle pour la commémoration de Verdun : « […] les tirailleurs sénégalais, les spahis, toute la très coloniale iconographie sépia des musées militaires, sanctuarisée, embaumée dans le bienfaisant ronron du bon P(ét)ain […] ces braves coloniaux sont venus héroïquement défendre la France […] Protéger la tendre blondeur de la France […] Du coup, caisse à outs’, petits tournevis, clef à mollette, et j’ai corrigé l’angle, le bloc moteur. Car, comment moi, petit-fils d’un de ces coloniaux, vais-je pondre un neuneuf assez valide pour éviter la prise d’otage ? […] Alors, la France, responsable ou bien coupable ? »
L’humoriste Fellag a lu ce texte peu conventionnel pour une commémoration officielle, à l’occasion du 90e anniversaire de la bataille de Verdun en juin 2006. Malgré sa volonté de décentrement, Aziz Chouaki marche sur des œufs : s’il ridiculise gentiment l’état-major de Pétain, il traite avec égard le vainqueur de la Première guerre ; il « humanise » par le rire les clichés sur les différentes catégories de colonisés et des autres combattants et écarte, avec esprit, repentance et dette : « Non, non, sans aller jusqu’à la presque comparaison, ça fait revanchard, et puis c’est très mauvais pour la vésicule biliaire […] soyons urbain, de grâce, un peu de fringance d’âme, s’il vous plaît, quoi. […] J’ai envie de demander à la France, en fait, c’est juste un tout petit peu de mémoire.
Mais de la vraie active, de celle qui dégrafe les commémorations, au-delà des cymbales et des symboles, foin de tous les artifices de la représentation.
Nulle charité, nulle componction, surtout pas de repentance car, tout compte fait, coin de frigo, des restes de justice feraient très bien l’affaire.
Plus une mémoire du cœur, alors, oui, une mémoire bien étale, à ras de langue, à simple hauteur d’âme. C’est ça que j’ai envie de dire à la France, toute blessure a deux lèvres, avers et revers, que les petites mains reprisent tranquille, de grâce, loin du fracas du verbe ».
Frère d’âme de David Diop (2018)
Ce roman coup de poing, a été couronné par le Prix Goncourt des lycéens et le prix Kourouma (Ahmadou Kourouma a été lui-même tirailleurs sénégalais en Indochine de 1950 à 1954). Il s’attaque aussi, bien que très différemment d’Aziz Chouaki, à « la très coloniale iconographie sépia des musées militaires » et active la vraie mémoire, « celle qui dégrafe les commémorations »… Il n’y a plus d’humour, plus de rire, un jeu de langues différent mais tout aussi perturbateur.
David Diop fait revivre une figure de tirailleur sénégalais – comme l’avait fait son compatriote Sembène Ousmane, dès 1965, dans Vehi-Ciosane, avec le personnage de Tanor revenu comme une loque de la Grande guerre, Alfa Ndiaye. Après avoir vu son frère d’âme, Mademba Diop tué à la sortie de la tranchée et n’avoir pas répondu à sa demande de l’achever, bloqué par ses croyances, il décide de le venger en choisissant de dépecer un ennemi aux yeux bleus, choisi chaque soir. Il détaille sa manière d’opérer, il se surpasse en sauvagerie, allant au-delà de ce qui était demandé par les supérieurs de l’armée. Alfa Ndiaye entre totalement dans le « jeu ». Si la critique a parlé de ce récit comme d’« une mélopée sorcière » qui nous entraîne, page après page, dans l’horreur jusqu’au dernier acte, je dirais plutôt qu’il s’agit de la transcription obsessionnelle et répétitive d’une plongée dans la folie. Et comme dans tout discours de folie, Alfa Ndiaye énonce des vérités avec une extrême lucidité : « Oui, j’ai compris, par la vérité de Dieu, que sur le champ de bataille on veut que de la folie passagère. Des fous de rage, des fous de douleur, des fous furieux, mais temporaires. Pas de fous en continu. Dès que l’attaque est finie, on doit ranger sa rage, sa douleur et sa furie. La douleur, c’est toléré, on peut la rapporter à condition de la garder pour soi. Mais la rage et la furie, on ne doit pas les rapporter dans la tranchée. Avant d’y revenir, on doit se déshabiller de sa rage et de sa furie, on doit s’en dépouiller, sinon on ne joue plus le jeu de la guerre. La folie, après le coup de sifflet du capitaine signalant la retraite, c’est tabou ».
Frère d’âme est un récit d’une grande homogénéité dans le traitement de l’espace et du discours dans lequel la guerre a enfermé un être qui se crée des justifications et évidences jusqu’au terme de son parcours. Alfa Ndiaye regarde le monde dans lequel il a été immergé à partir de références de sa culture, déviées et bouleversées par la monstruosité de la guerre.
La seconde guerre mondiale
Sans prétendre en faire une présentation, Hosties noires de Léopod-Sedar Senghor est une introduction indispensable à l’entrée dans ce monde d’invisibles et d’oubliés. Né en 1906, Senghor est enrôlé comme fantassin de 2e classe dans le 31e régiment d’infanterie coloniale, en 1939. Il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et passera deux années dans différents camps en France. Les poèmes couvrent cette période jusqu’à la fin de la guerre en 1945. Ils sont publiés au Seuil en 1948.
Indigènes de Rachid Bouchareb (2006)
Indigènes est un film franco-algéro-belgo-marocain. On est en 1943 et quatre engagés volontaires, Saïd, Abdelkader, Messaoud et Yassir, rejoignent les rangs de l’armée française pour libérer « la mère patrie » de l’ennemi nazi. Ils vont se retrouver en Italie, en Provence, et dans les Vosges et finiront par défendre seuls un village alsacien contre des Allemands. Comme de nombreux colonisés, ils font face à la discrimination et acquièrent de ce fait une conscience pour les luttes à venir.
Le film a reçu de très nombreuses récompenses en 2006 : au Festival de Cannes, au Festival international du film à Chicago, également à Valladolid. Sorti sur les écrans en France le 27 septembre 2006 et quinze jours plus tard à Alger, il a été précédé, grâce au prix collectif d’interprétation masculine décerné au 59e Festival de Cannes, par une médiatisation importante. Parfois ce genre de lancement a des effets négatifs, le public ne suivant pas : ce n’est pas le cas ici. Comme il a été écrit dans la presse en France, « loin de la polémique et de la victimisation, Rachid Bouchareb a voulu un film grand public, jouant la carte de l’épopée et de l’héroïsme à la manière des films de guerre américains (on pense au Soldat Ryan de Spielberg) ».
Ainsi, les « questions de mémoire coloniale » dans lesquelles sont impliqués autant les colonisateurs que les colonisés, faut-il le rappeler, quittent-elles les gentils feuilletons télévisés ou les films qui font quelques soirées des cinémathèques engagées. Les spectateurs sortent de la projection graves et parlant peu. Arezki Metref signe un article dans Le Soir d’Algérie, le 8 octobre 2006 : il y reprend l’Histoire sous l’histoire du film avec précision et expériences humaines en rappel, dissociant la portée de l’œuvre cinématographique de son environnement médiatique qui déporte le débat vers ce qui préoccupe la société française : « Dans un débat mené sur le fil du rasoir où tout se mélange, les « bienfaits de la colonisation », « les harkis », « la situation en Algérie comme point culminant de l’échec de la décolonisation », « l’immigration choisie », « la repentance », « les sans-papiers », nul doute que ce film clarifie un peu mieux la généalogie des tensions. Les critiques américains, rodés à ces choses, ne s’y sont pas trompés en voyant dans Indigènes un film en faveur des droits civiques ».
Nos patriotes (2017) de Gabriel Le Bomin
En 2017, le cinéaste a porté à l’écran, sous un autre titre, le roman du Guinéen Tierno Monénembo, Le Terroriste noir, consacré à Addi Bâ (de son vrai nom, Mamadou Hady Bah, 1916-1943). Nous sommes aussi ici dans l’Histoire immédiate tant les destins des colonisés, minorisés ou ignorés, ainsi mis en visibilité, participent à un mouvement profond de la société française vis-à-vis de ces « Français » qu’on a tant de mal à regarder comme tels. Indiquons pour celles et ceux qui voudraient mieux connaître l’histoire de ce tirailleur sénégalais qui était Guinéen, la longue enquête d’Etienne Guillermond, le site qu’il a créé (addiba.free.fr) et le livre qu’il a publié en 2013, Addi Bâ, résistant des Vosges. (lire ici dans Diacritik).
Le Terroriste noir de Tierno Monenembo (2012)
Le roman avait été retenu dans la première liste du Goncourt 2012. Il a reçu finalement cette année-là le prix Erckmann-Chatrian et en 2013, le Grand prix du roman métis, le Grand prix Palatine du roman historique et le prix Ahmadou Kourouma.
S’attaquer à la Seconde Guerre mondiale n’était pas une entreprise évidente quand elle a été écrite et filmée, le romancier en avait bien conscience. Les critiques ont souligné les différences entre roman et film à partir de la même histoire et du même contexte, avec des perspectives distinctes dont les titres rendent compte. Le terme de « terroriste » est polysémique et peut varier de connotation selon les époques. Si le titre du film, « Nos » patriotes, associe Addi Bâ et les autres dans la première personne du pluriel, tandis que Le terroriste noir désigne cet homme (extra)ordinaire comme un exemple à méditer pour aujourd’hui ; ne pas se contenter de réhabiliter mais établir des parallèles, des comparaisons, entendre la voix de celles et ceux qui se disent « Français » quelle que soit leur origine, qui réclament leur place à part entière, sans renier leurs spécificités. Le film reste une belle reconstitution d’un geste de résistance où le « héros » rejoint un pays à un moment exceptionnel de son histoire mais sans véritablement déranger notre vécu aujourd’hui. Dans le roman, le narrateur confie le récit à une narratrice, habitante du village, qui insiste sur l’importance prise par l’étranger Addi Bâ : « Que voit-on? écrit Mohamed Aïssaoui. Un petit homme simple, plein d’autorité, toujours à vélo, accepté et respecté par tout le village comme un notable et qui n’hésite pas à conseiller à ses hôtes de mieux « redresser » leur fille. C’est parfois drôle, c’est souvent profond. Et, sans l’air d’y toucher, l’écrivain dresse un superbe tombeau à un résistant qui n’a eu la reconnaissance que soixante années après avoir été fusillé ».
Tierno Monénembo a mis en exergue deux vers du poème de Senghor, « Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France », écrit à Tours, en 1938 : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. / Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme ». Addi Bâ est bien une « figure énigmatique », « oubliée » qui en dit long sur « les relations conflictuelles » entre la France et l’Afrique colonisée. Choisissant une narratrice (Germaine Tergoresse qui avait dix-sept ans dans les années 1940) qui s’adresse au neveu venu recevoir les honneurs posthumes, Tierno Monénembo joue sur l’oralité et parsème son discours de réalités vosgiennes qu’elles soient linguistiques, culinaires ou sociales. Avec insistance, Germaine, mémoire du village et témoin crédible de la place qu’occupait Addi Ba, affirme que « sa vie finit par ressembler à la nôtre. Il y avait sa famille et puis il y avait le reste. Sa famille fut la mienne, les Tergoresse, et en regardant cette rue, là-bas, qui désormais porte son nom, je n’en suis pas peu fière. Quand les Allemands l’ont fusillé, nous n’avions pas perdu un nègre des colonies tombé ici en s’échappant des bois mais un frère, un cousin, un élément essentiel du clan, un même sang que nous ».
Un engagement de Frantz Fanon (1944)
Né en 1925 à Fort-de-France, le jeune Fanon s’engage très jeune dans les Forces Françaises libres. C’est à son ami Marcel Manville (un chapitre de ses mémoires, Les Antilles sans fard, est consacré à cet engagement) que l’on doit de connaître la lettre qu’il écrivit aux siens en avril 1945. Son contenu et l’importance prise par son expéditeur obligent à la citer intégralement :
« Chers parents,
Aujourd’hui, 12 avril. Un an que j’ai laissé Fort-de-France. Pourquoi ? Pour défendre un idéal obsolète. Je crois que cette fois j’y resterai. Dans toutes les bagarres où j’ai été, j’ai toujours eu le souci de vous revenir et aussi de la veine. Mais je me demande en ce jour si l’épreuve ne me sera pas imposée de sitôt. Je doute de tout. Même de moi.
Si je ne retournais pas, si vous appreniez un jour ma mort face à l’ennemi, consolez-vous, mais ne dites jamais : il est mort pour la belle cause. Dieu l’a rappelé à lui ; car cette fausse idéologie, bouclier des laïciens et des politiciens imbéciles ne doit plus nous illuminer ? Je me suis trompé ! [souligné par Fanon].
Rien ici, rien qui justifie cette subite décision de me faire le défenseur des intérêts du fermier quand lui-même s’en fout.
On nous cache beaucoup de choses. Mais vous les saurez par Manville ou Mosole. Nous sommes trois au régiment. Dispersés, nous nous écrivons et quand même disparaîtraient deux, le troisième vous révèlera les affreuses vérités.
Je pars demain, volontaire pour une mission périlleuse. Je sais que j’y resterai ».
L’authenticité de cette lettre ne peut être remise en cause car elle ne fut connue qu’au décès de la mère de Fanon, en 1981, qui la gardait dans un coffret. Rappelons son engagement : il a gagné une première fois, clandestinement, l’île de la Dominique, pour aller combattre le nazisme. Son second départ se fait plus tard avec un millier d’Antillais et de Guyanais. Comme le remarque Alice Cherki dans son Portrait : « Dans ce bataillon de jeunes volontaires, les origines sociales sont différentes. Beaucoup appartiennent à l’élite de la jeunesse martiniquaise, enfants de familles connues, bacheliers, élèves du lycée Schœlcher. On y rencontre aussi des fils de pêcheurs et de coupeurs de canne. Tous partent en guerre contre Hitler, vont libérer les peuples européens asservis par celui-ci au nom de la supériorité raciale ». On ne les embarque pas avec les honneurs dus à leur engagement mais, en catimini, en pleine nuit.
Casablanca est la première escale. La hiérarchie est très stricte selon l’origine des soldats : en bas de l’échelle, les tirailleurs sénégalais. Les Antillais sont classés parmi les « Européens » portant calot alors que ceux d’Afrique portent une chéchia. Le débarquement se fait à Saint-Tropez en août 1944. Fanon est d’abord assigné avec d’autres à la garde de mas désertés : il garde celui de l’écrivain Paul Bourget et dévore les livres de sa bibliothèque. Puis il est envoyé sur « la route Napoléon », participant ainsi à la bataille de France (poche de Colmar) et c’est alors qu’il écrit à sa mère, en avril 1945. C’est ensuite à Toulon qu’il célèbre, avec ses amis, le 8 mai de la Libération. Ce que les autorités veulent désormais, c’est rapatrier au plus vite ces recrues des Tropiques. Fanon a reçu grades et médailles, dont une médaille remise par un général retrouvé plus tard en Algérie, le Général Salan !… Cette expérience de la guerre, Fanon en a peu parlé mais elle réapparaît dans ses écrits. Elle resurgit dans son premier essai Peau noire masques blancs et dans un article publié par la revue Esprit en février 1955, « Antillais et Africains ».
Martiniquais, en rupture de bac, pour cause d’engagement dans les Forces françaises libres (il ne passera son bac qu’au retour de la guerre), il est interpellé sur son être, lors de sa venue en France pour combattre le nazisme. Il se forge alors son bagage intellectuel pour avoir les armes qui lui permettent, en neuf années, de faire de son œuvre une force d’interpellation. Il peut alors écrire, en 1952 : « Qu’est-ce que cette histoire de peuple noir, de nationalité nègre ? Je suis Français. Je suis intéressé à la culture française, à la civilisation française, au peuple français. Nous refusons de nous considérer comme » à-côté », nous sommes en plein dans le drame français. Quand des hommes, non pas fondamentalement mauvais, ont envahi la France pour l’asservir, mon métier de Français m’indiqua que ma place n’était pas à côté, mais au cœur du problème ».
Fanon le Français, Fanon le Martiniquais, Fanon l’Algérien, Fanon international ? Ces qualifiants n’ont de sens que datés, replacés précisément dans un parcours qui, de la prise de conscience de l’impossible intégration à la nation française malgré sa participation à la lutte contre le nazisme, aboutit à l’adoption d’une lutte de décolonisation, celle de l’Algérie. L’histoire personnelle de Fanon n’est pas pour rien dans la densité de ses œuvres et, en conséquence, de ses enseignements : afro-descendant, ayant donc estompé l’ancrage, souvent contraignant, que donnent le village, la tribu, la langue, il a été d’une certaine façon délivré de l’ethnocentrisme, la chose la mieux partagée du monde et la plus aliénante, en dépassant le statut de victime pour, très tôt, se mettre à hauteur d’homme. Dès son premier essai il a affirmé une revendication d’humanité, dépassant le discours de réparation par une prise de conscience de l’incontournable nécessité de la lutte anticolonialiste pour imposer les opprimés dans les « concerts » du monde. A l’heure où un certain vent de révisionnisme souffle sur ces idéaux de la décolonisation, où l’on suggère presque qu’au fond les indépendances ont été une erreur, relire Fanon est salutaire.
Par ailleurs donc, en 1955, dans son article de la revue Esprit, il dresse une analyse très pertinente de la conscience d’être Noir des Antillais par rapport aux Africains et à l’Afrique. La ligne de démarcation entre un Antillais se percevant comme un Blanc et un Antillais se reconnaissant comme un Noir est bien, là aussi, l’expérience de la Seconde Guerre mondiale et la lecture de Césaire. Il conclut : « Il semble donc que l’Antillais, après la grande erreur blanche, soit en train de vivre maintenant dans le grand mirage noir ». La fraternité d’armes ne semble pas jouer quand il écrit à L-S. Senghor pour travailler au Sénégal, ses études de médecine achevées, puisqu’il ne reçoit pas de réponse.
Le Sommeil du juste de Mouloud Mammeri (1955)
Mouloud Mammeri, né en 1917, est à Paris entre 1937-1939. La guerre le trouve en vacances à Alger en 1939. Mobilisé au 9e Régiment de Tirailleurs Algériens, il suit l’École d’Elèves aspirants de Cherchell. Il est libéré en octobre 1940 et s’inscrit à la Faculté des Lettres d’Alger. De nouveau mobilisé après le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord, il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Comme pour Fanon, c’est donc à un « ancien combattant » de la Seconde Guerre mondiale que nous avons à faire. C’est dans son second roman, publié en 1955, Le Sommeil du juste, qu’est dressé le procès de la guerre et le mensonge fait aux colonisés sur leur intégration à la Nation, la paix revenue.
Le romancier y dénonçait la place des soldats indigènes pendant la seconde guerre mondiale et écrivait ses désillusions C’est la troisième partie du roman qui est consacrée à ces indigènes dans la guerre, plus de cinquante pages au moins, les (se) désignant par un sigle qu’on ne peut oublier, les IMANN (Indigènes Musulmans Algériens Non Naturalisés). Signalons trois points forts du roman : la lettre que, du front, Arezki adresse à son maître, Monsieur Poiré, véritable règlement de comptes d’un jeune homme trahi : « Il me semble avoir été lâché dans la jungle, sans dents pour mordre, sans armes, pire, gêné d’intelligence, encombré d’innocence et de scrupules, quelque chose comme la victime rêvée, l’agneau du sacrifice » ? Le second point fort est le feu qu’Arezki met aux livres de sa cantine en un auto-da-fé parodique, geste de rejet de la culture qui l’a trompé. Le troisième point fort est le réquisitoire que l’accusé adresse au juge lors de son procès, en fin de roman : « Vous aurez fait ce qu’on attendait de vous : à la porte du clos où, malgré les pancartes et les palissades, je voulais entrer, vous aurez fait bonne garde. Vous pouvez dormir, monsieur le Juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice ».
On comprend alors qu’en 1957, dans sa « Lettre à un Français », Mouloud Mammeri affirme : « Entre le colonialisme et la France il faut choisir. Car aux colonies, tu le sais bien, Jérôme, tout devient colonial, c’est-à-dire inhumain – et c’est justice : le régime se défend ou se prend en bloc, il ne peut pas y avoir de domaine réservé à l’humanité et rien n’est plus douloureusement lamentable qu’une mission en pays colonisé ».
Il faudrait aussi lire le récit d’un contemporain de Mammeri, oublié aujourd’hui, Malek Ouary, qui a édité en 1981 son second roman, La Montagne aux chacals, mettant en scène la conscription obligatoire d’un jeune berger kabyle, propulsé à son corps défendant dans la guerre er qui reviendra, perdu, s’enfouir dans la montagne kabyle. Et, tout récemment, un roman d’Akli Tadjer, couronné de plusieurs prix, D’amour et de guerre. Dans ce roman historique, le romancier choisit de privilégier un espace peu connu : les frontstalags (qui reviennent dans le film de Sembène Ousmane), camps des Allemands en France pour les coloniaux. Ici aussi, le protagoniste est un jeune enrôlé de force et qui rêvait d’une autre vie. Sorti de son microcosme, il découvre, par la guerre, un monde inconnu, dans des conditions terribles. Certains de ces enrôlés ont une mémoire de la première guerre : ainsi Adam ne veut pas partir car il a vu l’agonie de son père revenu au village après 1919.
Camp de Thiaroye de Sembène Ousmane (1988)
Né en 1923, à Ziguinchor au Sénégal, Sembène Ousmane après avoir été mécanicien et apprenti maçon à Dakar, a été tirailleur au 6e régiment d’Artillerie coloniale dans le désert nigérien, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est mobilisé début février 1944 comme chauffeur mécanicien. Il n’a pas combattu en Europe mais la vie militaire est rude dans le désert nigérien. Cette guerre est présente dans plusieurs de ses créations : en 1971 dans Emitaï et en 1988 dans Camp de Thiaroye. Comme Bruno Bové l’écrit, « il ose comme nul autre dire que la relève du Maréchal Pétain par le Général Charles de Gaulle ne change rien à la situation des Africains ».
Dans Borom Sarret (1962) déjà, un charretier a laissé tomber sa médaille de guerre : elle est écrasée par un policier qui n’a aucune considération pour cette décoration. D’autres allusions à la guerre sont inscrites dans Emitaï, son premier film historique (1971) qui se passe en Casamance. Le message du cinéaste est clair et se fait l’écho de la conférence de Brazzaville (fin janvier 1944) : pour l’Afrique un général n’a fait que remplacer un maréchal… : l’indépendance n’est même pas envisagée ; au mieux une amélioration de la condition des colonisés en colonie dans le giron de la France.
Le massacre (ou la répression selon le sens qu’on donne à l’événement) de Thiaroye est assez bien connu, ce qui n’était pas le cas quand le projet, initié par le gouvernement sénégalais, a été confié en seconde position à Sembène Ousmane (et co-réalisé avec Thierno Faty Sow). Les données sûres sont bien le rapatriement en Afrique de quelques 1300 anciens combattants, prisonniers dans les frontstalags allemands, le 21 novembre 1944 : on leur fait la promesse de leur donner leur solde dès qu’ils seront chez eux. Néanmoins, 300 d’entre eux refusent d’embarquer. Ceux qui rentrent sont positionnés dans le camp de transit de Thiaroye où ils prennent conscience que la promesse était fallacieuse : leur arriéré de solde, pécule et prime de démobilisation, sera divisé par deux. Ils réclament leur dû en prenant brièvement en otage le général venu négocier le 30 novembre 1944. Les autorités de l’armée envoient, dès la nuit du 1er décembre, chars et soldats contre eux (des tirailleurs du Régiment des Tirailleurs Sénégalais et le Régiment d’Artillerie coloniale), pour mater la rébellion. Le bilan officiel est le suivant : 24 morts, 35 blessés et 49 arrêtés et sans précision sur les soldats restants. Ces chiffres sont remis en cause par les historiens et par les Sénégalais. Le chiffre de 200 morts a été avancé. Dans son étude, Charles Onana donne des témoignages d’enterrements clandestins alors.
Dans le film, « l’histoire est organisée autour de la figure du sergent-chef Diatta. Sénégalais cultivé et élégant, parlant wolof, français et anglais, amateur de musique classique et de littérature, marié à une femme d’origine européenne et fier de son « africanité », il exacerbe les contradictions du système colonial. Il s’oppose au capitaine Labrousse, officier d’active des troupes coloniales, et est soutenu par le capitaine Raymond, qui rentre en France avec de nouveaux engagés à la fin du film ».
Dans Hosties noires de Senghor, on peut lire un poème, « Tyaroye », en décembre 44 : « Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français, est-ce/ donc vrai que la France n’est plus la France ? ». Président, il enterrera cette affaire. Il faut aussi rappeler que, sous la présidence de L-S. Senghor, le cinéaste n’était pas particulièrement bien vu ! Ici aussi, la fraternité d’armes ne joue pas face aux positions idéologiques divergentes.
La controverse porte aussi sur le contexte de la commande du film. C’est une co-production Sud-Sud (Sénégal, Tunisie, Algérie). Les circuits français font tout pour le boycotter et il n’est pas pris au Festival Cannes 88. Interdit en France, il n’a été diffusé qu’en 1998 lors de la Rétrospective Sembène Ousmane. Quelles que soient les insuffisances du film dues à plusieurs facteurs, il a permis aux spectateurs de découvrir cette histoire. Comme l’écrit Thierno I. Dia, étudiant l’Histoire dans les films de S. Ousmane : « In fine, l’œuvre du cinéaste permet de parcourir l’Histoire du Sénégal et du continent africain. Partant de l’axiome qu’un film, même (voire surtout) historique éclaire toujours le présent, il n’est pas étonnant que toute sa filmographie soit sous le prisme de l’histoire immédiate ou passée, en captant les mutations de sa société et en portant le regard sur le passé. Le rapport avec la religion ainsi que le joug colonial sont les deux axes forts de son cinéma ».
En 1988, Sembène Ousmane obtenait le Grand prix du Jury de Venise pour son film. En 2004, dans Moolaadé, film sur l’excision, le cinéaste introduisait à nouveau une figure d’ancien combattant, surnommé Mercenaire. Il a mené la révolte des soldats réclamant leur solde. Il est révoqué, présenté comme corrompu : c’est le reproche même qui a été fait par les autorités coloniales aux tirailleurs de Thiaroye ; ils étaient des mercenaires, à la solde des nazis.
Il faut évoquer enfin, le documentaire de Marie Thomas-Penette et François-Xavier Destors (2022), « Thiaroye 44. enquête sur un massacre », rediffusée sur la chaîne LCP, le 14 janvier 2023. Les faits connus sont rappelés mais les zones d’ombre restent en suspens. Ce qui fait l’intérêt de ce documentaire, c’est la prise en charge de cet événement historique par de jeunes Sénégalais, le comédien Babacar Dioh et la rappeuse, Magui Diop ; et par deux Français, de double culture, Aïcha Euzet qui écrit pour le théâtre sur Thiaroye (NJËL-Aube à Thiaroye, Bourse d’écriture Beaumarchais-SACD, 2020) et l’historien Martin Mourre qui explique et éclaire les moments de l’enquête (Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial, Rennes, PUR, 2017, et de nombreux articles sur la mémoire historique au Sénégal). Il montre le massacre de Thiaroye comme « une métaphore de la violence et de l’injustice coloniale ». Dans le même sens, Pascal Blanchard dans le débat souligne que ce qui retarde la mise en clarté de tous les éléments du massacre, c’est qu’il ouvre le débat sur la répression coloniale de la France puisque suivront Sétif, Madagascar, l’Indochine, etc.
De nombreux intervenants sénégalais, dont le député Dialo Diop, sont interrogés et tout est filmé sur les lieux même du camp qui, lui-même a disparu en tant que tel. La juxtaposition de l’enquête historique, du chant, du théâtre est particulièrement réussie. L’orientation de l’ensemble ne fait aucun doute puisque dès le début du document, il est question de « crime de masse » et de « charnier », de l’absence de cimetière – où sont donc les corps ? –, d’exemplarité du massacre puisque tout s’est accompli dans un espace clos à l’abri des regards. Les documents officiels qui en parlent sont passés au crible de l’analyse : le langage de police, de répression et non de négociation pour une revendication juste, dit bien les intentions des autorités coloniales alors que la guerre n’était pas finie. Le documentaire ne mentionne pas une seule fois le film de Sembène Ousmane : pourquoi ? Dans le débat qui suit, seul Ousmane Ndiaye de TV5 Monde, le cite rapidement.
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Sommes-nous tous amnésiques ou ne lisons-nous pas ce qui semble ne pas nous concerner ? S’il est question de donner un nouveau contenu aux cours d’Histoire ici et là, il n’est jamais question des cours de littérature ; il serait temps de réviser cette habitude. Si un film, par les moyens puissants qui sont les siens, de toucher un vaste public, réussit là où la littérature, trop prémonitoire, n’a pu percer, il ne faut pas bouder l’occasion qu’il offre, de continuer dans la brèche ouverte pour revenir sur des textes oubliés – et je n’ai cité que des œuvres phares, il y en aurait d’autres – et continuer à œuvrer au travail de mémoires qui ne peuvent être semblables mais qui peut être nourri par des lectures (re)découvertes. La littérature enseignée prémunirait contre des ignorances, des amnésies et des rejets.