Elles et il se sont mis à quatre pour ce petit lexique. Le collectif Piment, ce sont quatre passionné.e.s de cultures afro-diasporiques animant depuis 2017 une émission culturelle désormais diffusée sur Radio Nova. Le premier lectorat visé, ce sont « les personnes noires, celles qui aiment l’être, qui le sont par défaut ou par choix politique.. » Mais le livre est également destiné « à celles qui ne le sont pas encore et le deviendront, peut-être. »
Nutural Hair Movment
Pour nous appâter, la 4ème de couv nous propose comme exemple de définition
Ami noir [ami nwar] loc.
Généralement utilisé comme gilet pare-balles dans une conversation stérile. Exemple : « Je ne peux pas être raciste, j’ai un ami noir. »
En réalité, ce lexique n’est pas rempli que de définitions humoristiques, mais de véritables notes d’information sur les cultures des « afro-descendants ». J’ai beaucoup appris sur des sujets sur lesquels je suis totalement ignare : Aya Nakamura, les tendances du rap, les courants regroupés sous le nom de zouk, sans parler de la 4C.
« 4C [katr se] loc.
(…) Les articles qui concernent le Natural Hair Movment présentent souvent les cheveux afros comme un ensemble composé de textures variées, mais uni et indivisible. (…) Aujourd’hui il est difficile de parler de cheveux crépus sans parler de types de cheveux. La classification la plus utilisée, qu’on doit au coiffeur noir américain André Walker, en compte quatre grands : raides (1), ondulés (2), bouclés (3), et crépus (4). (…) Selon les experts, les cheveux 4C sont les plus secs, les plus crépus, et demandent le plus d’hydratation.
La bataille de Vertières et ONPPRD
Car l’article 4C tient en trois pages avec raison et continue, passant d’une présentation « physiologique » à une analyse sociale : « Les 4 C, ce sont aussi ceux qui souffrent d’une sous représentation assez évidente dans le mouvement depuis son avènement parce qu’ils sont considérés comme moins malléables que les autres. Les femmes métisses ou noires au teint clair et aux cheveux « bouclés », elles, jouissent d’une hypervisibilité suspecte. (…) » L’article entre ensuite dans l’analyse des coiffures, dans les invitations à modifier le cheveu pour le faire plus lisse.
Et au bilan du « Natural Hair Movemela » le collectif Piment note qu’il a eu le mérite d’exposer de moins en moins de femmes aux dangers de produits défrisants.
Bien sûr, les lecteurs du Guide du Bordeaux colonial seront moins dépaysés en lisant les articles Abolitions, Bumidom, Diversité, Race. Mais ils apprendront sûrement en lisant les articles Antillais vs Africains, Babtou compatible, Black Love.
Ils apprendront que la bataille de Vertières, qui n’existe pas dans l’histoire et la mémoire françaises, a vu la défaite de Napoléon en Haïti, la victoire des « biens meubles » sur leurs maîtres.
Ils apprendront à réfléchir sur ce choix des édiles de nombreuses villes qui pour s’ouvrir à la diversité vont chercher le consensus sur le nom de Rosa Parks, car « nous ne sommes pas aux Etats-Unis ».
Et ils retiendront peut-être l’acronyme ONPPRD : « On ne peut plus rien dire ».
Extraits :
«l’ONPPRD est une espèce originaire de France métropolitaine, habitant en zone urbaine et fréquentant les milieux culturels les plus prestigieux. (…) Souvent âgé de plus de 50 ans mais se multipliant rapidement pour assurer sa relève, il fait partie d’un réseau puissant d’ONPPRD chargés d’une même mission : la promotion d’une liberté d’expression menacée par ce qu’ils appellent la « tyrannie des minorités »(…). Aujourd’hui, l’ONPPRD se sent de plus en plus en danger. Il se rend compte que ceux et celles qui n’avaient pas de voix en ont désormais une, et ils ont bien l’intention de l’utiliser par tous les moyens qui s’offrent à eux . »
Voilà. Utiliser sa voix, c’est ce que fait le Collectif Piment, et de jolie manière.
Je ne suis pas forcément d’accord à 100 % avec sa défense d’Anelka et de Benzema. Je peux trouver tel ou tel article plus faible que d’autres. Mais en prenant la situation des racisés par différents bouts, Celia Potiron, Christiano Soglo, Binetou Sylla et Rhoda Tchokokam donnent en 41 entrées à tou.te.s les Noir.e.s et à tous les autres matière à décoloniser leurs représentations.
André Rosevègue, 27.08.20