Dimanche matin gris sur la ville, une brume tombe en crachin sur les trottoirs. La semaine fut pourtant plutôt positive, sur le plan social tout du moins, une 5ème manif contre le méchant projet de réforme des retraites jeudi a encore rassemblée pas mal de monde un peu partout, en logique reflue cependant du fait des vacances, de la lassitude peut-être.
Devant mon thé, je lis le quotidien (de référence) du soir qui m’arrive le matin et que, en l’occurrence, je lis le lendemain. Nouvelles pas fraîches, j’avoue. Sauf que celle que je découvre tout de suite en page 2 ne se rattache à aucune actualité urgente, elle restera même longuement dans les mémoires de ceux qui l’ont vécue comme de ceux qui comme moi auront lu l’article.
Alors quoi ? Le titre En Ukraine, la tragédie du village de Lahidne. Et une pleine page pour raconter comment les habitants d’un bourg perdu dans la forêt au Nord de L’Ukraine prés de la frontière russe ont été séquestré pendant un mois dans le sous-sol de l’école du village. 350 personnes dont 77 enfants raconte Faustine Vincent, l’auteur de l’article, envoyée spéciale en Ukraine pour Le Monde. ½ m2 par personne, dans l’obscurité, les morts qui s’entassent à côté des (sur)vivants, un demi verre de semoule au goût d’essence par jour, du fuel s’est répandu sur les sacs de grain explique la journaliste. Les soldats qui viennent prélever leur ration de chair fraiche féminine quotidiennement. Une tragédie qui est comptabilisée sur les murs du cachot où s’alignent les noms de ceux qui sont morts pendant cette mise au secret. « J’avais peur qu’on ne puisse pas survivre. Il fallait laisser une trace après nous » dit Valentyna.
Après la libération du village par les forces ukrainiennes, un procureur est venu documenter ces crimes de guerre. Il a été décidé de ne rien effacé, de garder le lieu intact et d’en faire un musée, le musée des horreurs de la guerre.
Mais comme souvent dans la presse, même grande, même de référence, on n’échappe pas à la contradiction, au collapsus et pour le lecteur quelquefois au dégout. Car quand on lève enfin les yeux de la page 2 pour les porter sur la page 3, on tombe sur une énorme pub pour un véhicule haut de gamme qui coûte un bras. Et quand on tourne la page 3 pour lire les pages 4 et 5, on nous propose en particulier des articles sur le séisme en Turquie et en Syrie. Le malheur fait vendre !
PS/ La photo de Une montre la dévastation de la ville voisine de Lahidne, Tchernihiv