Petit livre, 60 pages, mais grosse charge. Un tract, un vrai, extrêmement percutant, limpide, bon sang mais c’est bien sûr, s’exclame-t-on en refermant le court bouquin. Une à une, les turpitudes de nos dirigeants, placés à « l’extrême centre » sont analysées et stigmatisées. Mécanocène (la technique) l’anthropocène (ressources), plantationocène (bio diversité), poubelocène (déchets) et pyrocène (incendies) le tout sur fond de capitalocène (le fric), la panoplie sémantique au complet pour détruire notre biotope. Nous le savons, des milliers de scientifiques l’attestent. Les solutions existent, depuis plus d’un demi-siècle, des penseurs et chercheurs écolo grattent et trouvent et proposent, jusque-là dans un désert sidéral.
« Face à cela, on est médusé par la démission d’un pouvoir qui n’est qu’impuissance. Il y a ceux qui nient et dont la veulerie criminelle servira jusqu’au bout les intérêts et les pulsions les plus sordides. Trump, dans sa bêtise minérale et son égocentrisme pathologique, est l’archétype de ceux qui n’apprennent rien et comprennent moins encore. Leur clientèle électorale participe de cette veulerie : déni face à la catastrophe ou négationnisme assumé leur permettant de défendre pied à pied un mode de vie qui sème la mort à grande brassées. (…) Il y a aussi le trumpisme plus raffiné, moins vociférant, plus photogénique dans ses costumes ajustés, des libéraux allemands, britanniques ou français. Pour être plus présentables, ceux-là n’en sont pas moins redoutables. Là où Trump possède la franchise de l’imbécile qui tonitrue son complexe, les autres finassent, trichent et prétendent « travailler pour les Français », « chercher des solutions », vouloir une « écologie pragmatique », etc. »
Les auteurs dénoncent ce séparatisme de « ceux qui ont réussi » face au sacrifice de ceux « qui ne sont rien ». Et de rappeler les polémiques de l’été brulant et sec où l’on continuait à arroser les greens, à voler en jet privé et à refuser de taxer les superprofits des compagnies pétrolières. En revanche, nous en sommes aujourd’hui à se voir conseiller le col roulé et le chauffage à 19° ?
Bref des responsables politiques irresponsables. « Difficile d’éduquer ces gens désintéressement, voire à la sobriété, qu’impliqueraient des décisions réellement pertinentes et courageuses : leur inscription dans le temps est superficielle et faible et leur logiciel, métaphore informatique qui leur est chère, les rend parfaitement étrangers à notre temps, à ces enjeux à ces questions. De quoi les pouvoirs actuels sont-ils contemporains ? Leur univers mental est quasi unanimement néolibéral, ce qui les rend contemporains de ceux qui entre 1945 et 1950, voulaient ressusciter le libéralisme économique si violemment pris en défaut depuis la crise de 29 et la Grande Dépression pour faire face au danger communiste soviétique et à la sociale démocratique keynésienne. (…) Les startuppers autoproclamés, managers politiques impénitents et autres consultants du nouveau monde supposé sont en réalité des fossiles, tout autant que le pétrole dont ils sont les premiers toxicomanes et les incurables dealers : ils sont la survivance sinistre, dans un monde qui étouffe et qui brûle, des pires cauchemars et des pires erreurs du passé (… ) Ce sont des fossiles, égarés dans notre temps, abandonnés par les recettes d’une histoire ancienne qui nous font perdre un temps précieux vital. »
On aurait envie de tout citer mais le livre est déjà écrit par deux chercheurs, Dominique Bourg philosophe, prof à Lausanne, directeur de la revue en ligne La Pensée Écologique quand Johann Chapoutot est historien, il enseigne à la Sorbonne il est en particulier spécialiste de l’Allemagne et du nazisme. Par ailleurs, ce tract n° 44 ne coute que 3.90 euros. Ne pas s’en priver et l’offrir à ces ami-e-s !
JF Meekel
PS : Il est, un peu, rassurant, dans ce marasme, de voir de nombreux-ses jeunes chercheur-s-es qui planchent souvent très brillamment sur ces sujets contemporains…