A quelques mois de l’Armistice du 11 Novembre 1918, la France doit se lancer dans une autre guerre collatérale, contre la grippe espagnole. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle ne s’est pas déclarée pourtant dans la péninsule Ibérique.
Cette maladie due à un virus de grippe A et d’une souche H1N1 d’ordinaire aviaire et communiquée à l’homme via les élevages porcins, est apparue en réalité aux États-Unis où le premier foyer épidémique se déclare dans la base militaire de Funston au Kansas où l’on forme de jeunes soldats destinés à être envoyés en Europe pour renforcer les troupes alliées.
Arrivée d’Amérique en Aquitaine
Ce corps expéditionnaire américain débarque , loin des fronts, à Bordeaux en avril 1918. Le virus va, dès lors, se propager d’abord en France depuis l’Aquitaine.
L’épidémie se répand rapidement au sein des troupes alliées, en deux vagues successives puisque son pic interviendra durant l’automne. Elle envahit les tranchées. Les cas mortels de cette invasion virale touche 3 % de soldats infectés. Car cette maladie a la particularité d’être grandement contagieuse. Elle se transmet dans les transports de troupes ferroviaires et maritimes.
La pandémie va gagner l’Angleterre , l’Allemagne, l’Espagne, toute l’Europe occidentale puis l’Afrique et les pays asiatiques., en touchant aussi les populations civiles dont les défenses immunitaires sont affaiblies en raison des privations de la guerre. Le virus, qui touche en majorité les adultes, âgés de 20 à 40 ans, mais aussi les nourrissons et de façon moindre les personnes âgées, entraîne des pneumonies, des surinfections bronchiques et des pleurésies mortelles.
Déjà un confinement
Les villes françaises adoptent, déjà, un confinement : fermetures de théâtres, cinémas, lieux de réunions , écoles. Les rassemblements de populations sont interdits et le port du masque de protection est conseillé. Les Bobbies anglais en sont les premiers dotés.
Et pour aggraver la situation, les médecins , depuis quatre ans, sont mobilisés sur les fronts.
Plus de morts qu’à la guerre
« Pour les braves gens réduits au chômage en raison de la fermeture des entreprises et usines , rien n’empêcherait de leur accorder une allocations spéciale puisqu’il s’agit ici de l’intérêt public » suggèrent des journaux qui, au départ, ont été censurés afin qu’ils ne relatent pas les ravages de la grippe espagnole et ne portent pas ainsi atteinte au moral des troupes comme des populations. Seule l’Espagne, qui n’est pas impliquée dans cette première guerre mondiale et donc non soumise au secret militaire, publie des articles et des informations sur cette pandémie à laquelle elle donnera du coup son nom : « la grippe espagnole ».
Bordeaux, port d’arrivée du fléau, sera la première ville touchée.
On y totalise 1723 décès , 56 % âgés de 20à 39 ans, dont 53% masculins et 47 % féminins.
Le confinement , avec notamment la fermeture du lycée Montaigne, touchera aussi les enterrements, en fourgons, sans cortèges funèbres et limités à un seul quotidien dans chacune des paroisses.
En France, la grippe espagnole provoquera 240 000 décès ( dont des personnalités connues comme Edmond Rostand) et 33 000 parmi les combattants ( notamment Guillaume Apollinaire).
En Europe occidentale on compte au total 2,3 millions de morts, aux États-Unis 675 000 ( dont le grand-père de Donald Trump ), en Inde 18,5 millions et en Chine 4 à 9 millions.
Au total, dans le monde, on totalisera 20 à 50 millions de morts selon une première estimation revue plus tard à la hausse. Soit plus de victimes que les 19 millions de soldats et civils tués par la guerre.