Pierre Lascoux a entamé le 22 novembre une grève de la faim pour dénoncer les conditions de vie des migrants dans les camps du nord de la France. L’homme de 62 ans, bénévole pour l’association Salam, réclame l’accès à l’eau dans les campements mais aussi la fin de la “maltraitance” et du “harcèlement” des autorités envers les exilés.
Ancien boulanger, Pierre Lascoux arpente chaque jour, “même le week-end”, les campements depuis deux ans. Et selon lui, le quotidien des exilés ne cessent de se dégrader. “Lorsque vous distribuez 200 couvertures alors qu’il y a 400 personnes en face de vous, ce n’est pas évident. C’est douloureux de voir des gens repartir sans rien”, explique le militant. (…)
La mort de deux exilés qu’il connaissait bien – l’un dans la Manche et l’autre après une altercation dans un camp – ces derniers mois l’a aussi particulièrement affecté.
Les humanitaires alertent depuis plusieurs mois sur la détérioration des conditions de vie des migrants dans le nord. “Il y a tous les jours de nouveaux arrivants. Les associations sont débordées, on ne s’en sort pas. Et avec le froid qui arrive depuis cette semaine, c’est encore plus compliqué”, signalait déjà mi-octobre à InfoMigrants, Amélie Moyart, coordinatrice de l’association Utopia 56 à Grande-Synthe.
Lutte contre le “harcèlement” et la “maltraitance”
Fin octobre, une décision de la Communauté urbaine de Dunkerque agit sur Pierre Lascoux comme un électrochoc : la dernière borne incendie, à proximité du camp de Loon plage, est détruite. Les migrants, qui vivent à côté, n’ont donc plus accès à l’eau.
“J’avais prévenu que s’ils enlevaient la dernière borne incendie, je débuterais une grève de la faim. J’ai tenu parole”, explique à InfoMigrants le militant, joint par téléphone. Le gréviste ne veut pas que sa “personne” soit mise en avant, mais “sa cause”. (…)
À travers son geste, ce “simple bénévole” entend dénoncer le “harcèlement” et la “maltraitance” des autorités envers les migrants qui vivent le long du littoral nord, en attendant de parvenir à rejoindre le Royaume-Uni. Il réclame des mises à l’abri pérennes, et non de simple évacuation sans proposition de relogement. À Calais, les camps de migrants sont régulièrement évacués, mais les exilés ne se voient pas systématiquement proposé un hébergement, même en plein hiver.
“Les campements ne devraient pas être démolis en période de trêve hivernale”, martèle Pierre Lascoux. Il plaide pour l’ouverture de structures d’accueil, sur le même modèle que la maison Sésame. Géré par des associations, le lieu héberge des familles et des personnes vulnérables “bloqués à la frontière franco-britannique”. (…)
L’accès à l’eau, bien de première nécessité, tient une place importante dans le combat de ce militant. Il a d’ailleurs obtenu une petite victoire lundi 18 décembre. La communauté urbaine de Dunkerque a accepté de rétablir l’eau près du camp de Loon plage et d’y installer une benne à ordures.
Il souhaite aussi “une vraie discussion” entre les autorités et les associations pour améliorer le quotidien des exilés. (…)
Fin 2021, un prêtre et deux bénévoles avaient eux aussi suivi une grève de la faim pour dénoncer le traitement réservé aux migrants dans le Calaisis. Leur lutte, bien que très médiatisée, n’avait pas eu d’effet sur les conditions de vie des exilés dans le nord de la France.